Gaspard de la nuit (éd. 1920)/La Salamandre

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Livre III
Gaspard de la nuitMercure de France (p. 113-114).


X

LA SALAMANDRE


Il jeta dans le foyer quelques frondes de houx bénit, qui brûlèrent en craquetant.
Ch. Nodier. — Trilby.


— « Grillon, mon ami, es-tu mort, que tu demeures sourd au bruit de mon sifflet, et aveugle à la lueur de l’incendie ? »

Et le grillon, quelques affectueuses que fussent les paroles de la salamandre, ne répondait point, soit qu’il dormît d’un magique sommeil, ou bien soit qu’il eût fantaisie de bouder.

« Oh ! chante-moi ta chanson de chaque soir dans ta logette de cendre et de suie, derrière la plaque de fer écussonnée de trois fleurs de lys héraldiques ! »

Mais le grillon ne répondait point encore, et la salamandre éplorée tantôt écoutait si ce n’était point sa voix, tantôt bourdonnait avec la flamme aux changeantes couleurs rose, bleue, rouge, jaune, blanche et violette.

« Il est mort, il est mort, le grillon mon ami ! » Et j’entendais comme des soupirs et des sanglots, tandis que la flamme, livide maintenant, décroissait dans le foyer attristé.

« Il est mort ! Et puisqu’il est mort, je veux mourir ! » Les branches de sarment étaient consumées, la flamme se traîna sur la braise en jetant son adieu à la crémaillère, et la salamandre mourut d’inanition.