Gaspard de la nuit (éd. 1920)/Scarbo

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Livre III
Gaspard de la nuitMercure de France (p. 97-98).


II

SCARBO


Mon Dieu, accordez-moi, à l’heure de ma mort, les prières d’un prêtre, un linceul de toile, une bière de sapin et un lieu sec.
Les patenôtres de Monsieur le Maréchal.


« Que tu meures absous ou damné, marmottait Scarbo cette nuit à mon oreille, tu auras pour linceul une toile d’araignée, et j’ensevelirai l’araignée avec toi !

— Oh ! que du moins j’aie pour linceul, lui répondais-je, les yeux rouges d’avoir tant pleuré, — une feuille du tremble dans laquelle me bercera l’haleine du lac.

— Non ! — ricanait le nain railleur, — tu serais la pâture de l’escarbot qui chasse, le soir, aux moucherons aveuglés par le soleil couchant !

— Aimes-tu donc mieux, lui répliquai-je, larmoyant toujours, — aimes-tu donc mieux que je sois sucé d’une tarentule à trompe d’éléphant ?

— Eh bien, — ajouta-t-il, — console-toi, tu auras pour linceul les bandelettes tachetées d’or d’une peau de serpent, dont je t’emmailloterai comme une momie.

» Et de la crypte ténébreuse de Saint-Bénigne, où je te coucherai debout contre la muraille, tu entendras à loisir les petits enfants pleurer dans les limbes. »