Ghazels/Querelle

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Anonyme
Traduction par Marguerite Ferté.
GhazelsÉdition Bossard (p. 24-25).


QUERELLE



   Pourquoi me demander — ô Gulnar — quel jour
s’est incendié mon cœur, puisqu’aujourd’hui mon cœur
n’est plus que cendres dispersées ?

   Pourquoi me demander — ô Gulnar — quel jour nos
sourires se sont parlé, puisqu’aujourd’hui le Lapidé lui-même
n’aurait pas le pouvoir de confesser mes lèvres ?

   Pourquoi me demander — ô Gulnar — quel jour
mes pas foulèrent le sol sans frôler la fourmi, puisqu’aujourd’hui
mon pied souhaiterait d’écraser tout ce qui respire ?

   Et pourquoi demander — ô Gulnar — quel jour
mon âme a fleuri puisque tes doigts ont jeté au vent la
rose épanouie ?


   Et toi me diras-tu — ô Mahmoud — quel jour
Aïcha m’a dérobé un battement de ton cœur ?

   Me diras-tu — ô Mahmoud — quel jour Aïcha
reçut le choc de ton sourire complice ?

   Me diras-tu quel jour tes pas t’ont d’eux-mêmes
porté vers la fontaine d’El Latif ?

   Et me diras-tu — ô Mahmoud — quel jour ton âme a tressailli devant Aïcha, penchée sur la source fraîche ?

   Mais que sert de souder ensemble les chaînons du
supplice ?

   Rassure-toi — ô Pervers — ce soir tu pourras
caresser sans forfait la joue de ton Impudique, car,
j’en fais le serment sur le Lotus de la Limite, mes larmes
plus jamais n’altèreront l’eau limpide de la source
abhorrée.

   Ces paroles dites, leurs regards se mêlèrent et ce
fut à nouveau une matinée d’été.