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Gloire militaire de la République Française

La bibliothèque libre.
Sisyphe, iambesP. Permain et Cie (p. 68-79).


GLOIRE MILITAIRE DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE.


Ô Corse à cheveux plats que ta France était belle Au grand soleil de Messidor !
Auguste Barbier. —


I

Le cœur du citoyen s’enivre à votre gloire,
Héros de la patrie et de la liberté !

Évariste Boulay Paty. —


Déchirant en lambeaux les langes de l’enfance
Dont il était emmaillotté,
Après un long travail, le géant de la France
Naît enfin à la Liberté.
C’est un robuste enfant ! — Ses yeux s’ouvrent à peine
Aux clartés d’un soleil nouveau,

Qu’il étouffe en ses bras les serpents dont la haine
Avait entouré son berceau.

Il bégaye, — et sentant leur trône qui vacille,
Les rois pâlissent sous leur dais ;
Il marche, — et d’un seul pas il broie une Bastille,
D’un pas, il écrase un palais !…

Et quand d’un souffle, ô rois, le vent de sa colère
Fait voler un trône en éclats,
Vous croyez, arracher cet Anthée à la terre
Pouvoir le briser dans vos bras !…


***


Eh bien !… que leur orgueil lui forge des entraves,
Qu’ils rêvent à river ses fers !…

Tant mieux !… ses cris de gloire, éveillant leurs esclaves,
Régénéreront l’univers.
Tant mieux !… le sang du peuple a, sur leur diadême,
Pour le sacrer, coulé longtemps ;
À leur tour !… s’il en faut pour bénir son baptême,
Que ce soit celui des tyrans !

Que son chêne, germant sur un champ de victoire,
Croisse, et de sa fécondité
Couvre le monde. Et puis, les palmes de la gloire
Vont bien à ton front, Liberté !


II


La liberté mêlait à la mitraille
Des fers rompus et des sceptres brisés.

P. J. Béranger.—


Ce furent de beaux jours, ces jours où notre terre,
Sol épuisé par les abus,
Comme aux brises du ciel, au souffle populaire,
Verdit de gloire et de vertus ;
Où tout ce que le cœur a de plus chastes flammes,
Honneur, Liberté, purs rayons,
Sous leurs ailes de feu, dans le creuset des âmes,
Épurèrent les passions ;
Où, quand, pour attaquer l’aigle jusqu’en son aire,
Les vautours fondaient de leurs monts.

Ouvrant leurs jeunes becs pour défendre leur mère,
S’élancèrent tous les aiglons.

Car ce peuple voulut, sur un champ de bataille,
Vainqueur, se dresser libre et fort ;
Ou, trahi par le ciel, sur un lit de mitraille,
S’endormir libre dans la mort !


III


La gloire planait sur nos camps. Lebrun. —


Combien d’hommes de cœur, de ces âmes puissantes
Où couve tout un avenir,
Au sein d’un peuple libre, étincelles dormantes,
N’attendaient qu’un choc pour jaillir !
Hoche, Joubert, Dessaix, Valhubert, la patrie,
Brûlant vos cœurs, armant vos bras,
De son regard de feu mûrit votre génie
Sous la mitraille des combats.
Gloire à vous ! car alors qu’une ligue ennemie
Déployait son pâle étendard ;

Lorsque son char allait passer sur la patrie,
Vous vous jetâtes sous son char ;
Gloire à vous ! car aux jours où la France éperdue,
Surgit terrible, — jours derniers
Où de la Liberté l’on voile la statue, —
Vous la couvrîtes de lauriers.


***


Qu’au sein de nos remparts se dressent vos images,
Terrestres immortalités,
Qu’elles soient dans nos jours de crises et d’orages
Les palladiums de nos cités.
Devant ces marbres saints toute haine s’apaise,
Les partis joignent leurs drapeaux ;
À l’heure des dangers, comme dans la fournaise,
Bouillent, se fondent les métaux,

Les Français, confondant leurs âmes frémissantes
Dans le culte qui les unit,
Verraient les passions se briser impuissantes
Contre vos socles de granit.
Car lequel oserait forfaire à la patrie ;
Oserait lever sans rougir
Son front flétri, son front chargé d’ignominie,
Devant votre front de martyr !…


IV


La France sera libre ! elle le sera,
dussions-nous de nos têtes payer le
chemin de la liberté.

Laponneraye. —


Cet amour du pays, feu sacré, dont vos âmes
Recélaient les vives ardeurs
Comme sur un autel, — lampe aux célestes flammes, —
Brûle encore au fond de nos cœurs.
Si jamais, profanant notre saint territoire,
L’Étranger veut, dans son orgueil,
Ajouter un feuillet de honte à notre histoire,
Et voiler nos fronts d’un linceul ;
S’il faut que de nouveau le glaive de la guerre
Déchire un drapeau détesté ;

S’il nous faut, de nos os, dresser à la frontière
Un autel à la Liberté !
Toi, qui de ces tyrans vingt fois rompis les chaînes,
Valhubert, alors tu verras
Que c’est bien ton beau sang qui coule dans nos veines ;
Ce sang n’y dégénère pas.


— Bacilly, septembre 1832. —