Glossarium mediae et infimae latinitatis, T9, 1887/Avis

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AVIS

CONCERNANT L’ÉDITION DU GLOSSARIUM PUBLIÉE PAR M. AMBROISE FIRMIN DIDOT

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Le grand nombre d’astérisques placés en tête des mots ajoutés au Glossaire français, qui fait suite au Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, et les additions non moins considérables enfermées entre parenthèses, indiquent le nouveau travail de M. Henschel ; ces additions ont accru du double l’ancien Glossaire français, extrait de Ducange, par dom Carpentier.

Ce nouveau travail, aussi savant que consciencieux, ne sera pas moins apprécié que l’a été celui dont le Glossaire latin est également redevable à M. Henschel (1)[1]. Par une sage réserve, il s’est gardé d’adjoindre au Glossaire français de Ducange des mots dont l’authenticité ne pouvait être constatée par de bons exemples tirés de sources certaines il a donc cru devoir laisser aux hypothèses tout mot, toute explication dont le sens ou l’origine offrait des doutes, se renfermant ainsi dans le système suivi par dom Carpentier, qui s’exprime en ces termes dans la préface :

« Je ne donne que les anciens mots français contenus dans le Glossaire latin de Ducange et dans le Supplément, « et ne leur attribue que le sens où ils me paraissent avoir été employés dans les passages auxquels je renvoie, «  pour que le lecteur puisse juger lui-même de la justesse de mon interprétation. J’ai tâché d’être court, sans que « la clarté des explications en souffrît. »

Afin de compléter ce Glossaire français, nous avons pensé qu’il serait utile d’ajouter tout ce qui, dans les observations de Ducange, sur l’histoire de saint Louis par Joinville, pouvait être extrait et servir à composer un nouveau Supplément au Glossaire. A cet effet, ces observations écrites en français par Ducange ont été rangées dans l’ordre alphabétique.

Mais ce qui ajoutera un grand prix à notre édition, c’est la reproduction des quarante-cinq Index disposés, par Ducange, par ordre de matières.

Ces Index, qui ne se trouvent que dans la première édition (2)[2], donnée par Ducange, la rendent indispensable aux savants, auxquels ils facilitent toute espèce de recherche ; cette édition est maintenant très-rare.

On ne conçoit pas le motif qui a pu engager les Bénédictins à supprimer un travail aussi précieux, dans l’édition qu’ils ont donnée, en 1733, du Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, si considérablement accru par leurs soins (1)[3], et on ne s’étonne pas moins que dom Carpentier, dans son Supplément en 4 volumes in-folio, publié en 1756, ait négligé de reproduire ces Index, qui, complétés des mots nombreux dus aux travaux postérieurs à Ducange, auraient rendu un grand service à la science. Il serait même à désirer que l’exemple donné par l’illustre lexicographe français, digne continuateur des travaux de Robert et de Henri Estienne, fût généralement adopté pour tout grand répertoire lexicographique.

Nous avons réparé cet oubli de nos prédécesseurs, et sans nous borner à reproduire textuellement le beau et utile travail de Ducange, nous avons ajouté à ses Index tout ce qu’offraient de nouveau les travaux supplémentaires des Bénédictins, de dom Carpentier, d’Adelung et, enfin, de M. Henschel, à qui la nouvelle édition est redevable de tant d’importantes additions, et qui, pour compléter ces Index, a relu la plume à la main le Glossaire latin tout entier.

Les astérisques placés en tête de chaque mot font juger du nombre des additions dont les Index se sont enrichis ; ils égalent presque le travail primitif de Ducange.

Ces Index, ainsi complétés, peuvent donc être considérés comme autant d’Encyclopédies par ordre de matières, où l’ordre alphabétique permet de retrouver facilement dans notre édition tout mot concernant au moyen âge les Mœurs et les Coutumes, l’Agriculture, les Arts et métiers, l’Histoire naturelle, les Dignités et emplois, la Liturgie, les Fêtes et les jeux, la Magie et les superstitions, la Médecine, l’Art militaire, la Navigation, la Musique, les Poids et mesures, les Monnaies, les Vêtements, les Impôts, la Chasse, la Jurisprudence, etc., etc.

Nous avons cru devoir reproduire dans notre édition les Dissertations relatives aux médailles et monuments concernant les Empereurs de Byzance, et nous avons fait graver de nouveau les planches qui accompagnaient ces dissertations, en corrigeant les dessins d’après les monuments qui existent encore.

Ces dissertations  :

De Imperatorum constantinopolitanorum numismatibus Dissertatio ;

Constantini Imp. Byzantini numismatis argentei Expositio ;

Sappirus Constantii Imp. Aug. Exposita ;

se rattachent plus naturellement au Glossarium mediœ et infîmœ Grœcitatis du même auteur ; cependant, comme il les a données à la suite de son Glossarium medioe et infîmœ Latinitatis, nous n’avons pas voulu que cette omission fût reprochée à notre édition, bien que nous espérions pouvoir donner un jour une nouvelle édition du Glossaire Grec de Ducange qui complète la série des grands travaux lexicographiques sur la langue grecque et latine dont la France a le droit de se glorifier (2)[4].
[5][6].

Ainsi donc, indépendamment des nouveaux travaux de M. Henschel, notre édition réunira tous les avantages : 1° de la première édition donnée par Ducange ; 2° de l’édition des Bénédictins ; 3° du supplément de dom Carpentier ; 4° des additions d’Adelung.

Enfin, le public nous saura gré d’avoir joint à notre édition les Dissertations de Ducange sur l’histoire de saint Louis (1)[7]. C’est un trésor d’érudition qui complète encore le vaste Répertoire littéraire et scientifique du moyen âge dont nous sommes redevables à cet illustre érudit auquel la France, par une souscription nationale, vient d’élever une statue dans la ville qui s’honore de sa naissance.

Ambroise Firmin Didot
  1. M. Pardessus, membre de l’Académie des inscriptions et:belles-lettres, a rendu compte, en 1846, dans le Journal des Savants, des six volumes dont se compose notre édition du Glossaire latin. Nous croyons convenable de reproduire le jugement qu’il en porte; car on trouvera dans ce savant article des renseignements neufs, instructifs et intéressants.
  2. 3 vol. in-fol. 1678. Paris. Balaine.
  3. 6 vol. in-fol. 1733. Paris. Osmont plus 4 vol. in-fol. du Supplément, par dom Carpentier.
  4. Aucune nation n’a produit une série de monuments lexicographiques tels que :
    Roberti Stephani Thesaurus linguæ Latinæ, Paris, 1531-1532 ; ce célèbre imprimeur en donna trois éditions la dernière, de 1543, forme 4 volumes in-folio une autre édition a été imprimée à Lyon en 1573, 4 volumes in-folio une autre à Bâle, par les soins de Birrius, 4 volumes in-folio, 1740-43 – les Anglais en ont publié une autre édition, avec de nombreuses additions, en 1734-37, 4 volumes in-folio ; enfin, Gesner et Forcellini ont mis à profit les immenses travaux de Robert Estienne; mais le premier en lui rendant toute justice, et en n’offrant son travail que comme une nouvelle édition du Thesaurus linguæ latinæ de R. Estienne, tandis que l’autre ne le mentionne même pas dans sa préface, et cependant Forcellini a mis largement à profit les travaux de Robert Estienne et de ses prédécesseurs.
    Henrici Stephani Thesaurus Grœcæ linguæ, Paris, 1572, 4 volumes in-folio, réimprimé, sinon totalement, du moins partiellement, par H. Estienne. Une nouvelle édition en a été donnée à Londres, in ædibus Valpianis, avec de nombreuses
  5. additions, 8 volumes in-folio, 1815-1825; la nouvelle édition, rangée par ordre alphabétique, imprimée à Paris, forme 9 volumes in-folio.
    Ducange, Glossarium médiæ et infimæ Latinitatis, Paris, 1678, 3 volumes in-folio, réimprimés à Francfort-sur-le-Mein en 1679. - Les Bénédictins en ont donné une édition très-augmentée en 6 volumes, Paris, 1733 ; deux autres réimpressions en ont été faites, l’une à Venise, 1737, l’autre à Bâle, 1762 le Supplément de dom Carpentier, en 4 volumes in-folio, 1766, complète l’édition des Bénédictins.
    Ducange, Glossarium médiæ et infimæ Grœcitatis, imprimé par Anisson à Lyon en 1688 l’Appendice a été imprimé àlParis par Cramoisy (1)
    LACURNE DE Sainte-Palaye, Glossaire de l’ancienne langue française, depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV. L’impression de ce beau travail, dont deux manuscrits existent à la Bibliothèque nationale, l’un en 31 volumes in-folio, à deux colonnes, l’autre, plus complet, en 61 volumes in-4o, a été interrompu lors de la révolution de 1792. Quelques exemplaires des 735 pages du tome Ier siècle ont échappé à la destruction qui a été faite de ce volume. L’impression s’est arrêtée au mot Asseurée. (Les manuscrits du Glossaire de l’ancienne langue française, par La Curne de Sainte-Palaye, ont été publiés en 1882, et forment 10 volumes in-4o.)
    Académie française, en 2 volumes in-4o. Son Dictionnaire, borné au langage usuel et écrit, a puissamment contribué à fixer notre langue, dont il est le code et dont il maintient l’unité.
    Le Grand Dictionnaire historique de la langue française, dont l’Académie française s’occupe maintenant, sera un des monuments littéraires qui fera le plus d’honneur à notre pays. Dans cet immense travail, l’Académie française, profitant des notions nouvelles acquises à la science étymologique, marquera la filiation graduelle, les transformations de chaque terme, et les suivra dans toutes les nuances d’acception, en les justifiant par des exemples empruntés aux diverses époques et à toutes les autorités du langage littéraire.
  6. (1) On trouvera à la Bibliothèque nationale, dans la correspondance entre Anisson et Ducange, des renseignements intéressants pour l’histoire de l’Imprimerie et de la Librairie à cette époque.
  7. Nous avons cru devoir reproduire, en l’abrégeant et le simplifiant, et en le sauvant ainsi de l’oubli, l’Éloge de Ducange par M. J . Léon Baron, qui remporta le prix de l’Académie d’Amiens en 1764, et qui parut sous le pseudonyme de Lesage de Samine. On y trouvera le vœu émis, il y a près d’un siècle, pour que la France érigeât une statue à Ducange, et que ses ouvrages manuscrits ne restassent pas inédits.
    On trouvera, à la suite de cet Éloge, une partie des discours prononcés à Amiens, le 19 août$1849, lors de l’inauguration de la statue de Ducange.