Gotique wilwan

La bibliothèque libre.
Texte établi par (Charles Bally ; Léopold Gautier), Payot/Droz (p. 434).


GOTIQUE WILWAN.
(Mémoires de la Société de Linguistique, VI, p. 358. — 1889.)


En regard de walwjan «rouler», le gotique peut avoir possédé, à une date quelconque, un verbe fort *wilwan = gr. ἐλύ-ω, lat. *vĕlŭ-ō (devenu volvō[1]).

Mais le walwjan de nos textes, qui signifie ravir, emporter de force (ἁρπάζειν), n’a vraisemblablement rien de commun avec cette famille. C’est avec un autre verbe non moins connu, gr. ἕλκω, lit. velkù, slav. vlĕkā, qu’il, doit être identifié. Le w représente γw et procède d’un ancien k2. On a eu d’abord, comme pour leihwan, etc., le paradigme *wilhwan, *wulwun[2], — wulwum, wulwans. L’unification postérieure s’est faite ici, contrairement à la règle, aux dépens du consonantisme du présent; mais le fait, pour être exceptionnel, n’est cependant pas sans exemple: cf. *hwaírfan-kvaúrbum, donnant finalement hwaírban.

En ce qui concerne le sens, wilwan traduit rapio, qui sert couramment à traduire ἕλκω dans ses principaux emplois. Il faut remarquer que ἕλκω, ou ἑλκέω, se dit particulièrement quand le fait de traîner doit marquer un acte de férocité, de cruauté, de violence : chiens traînant et déchirant une proie, cadavre d’un ennemi traîné au char du vainqueur, femmes traînées en captivité. Pour ce dernier cas il est, dans Homère, terme consacré et pour ainsi dire technique. X 65 : ἑλκηθείσας τε θύγατρας . . . Z 465 (Hector à Andromaque): ἀλλά με ... κατὰ γαῖα καλύπτοι Πρίν γ’ ἔτι σῆς τε βοῆς σοῦ θ’ ἑλκηθμοῖο πυθέσθαι. De là au got. wilwan il n’y a aucune ligne de séparation appréciable.

C’est très probablement du verbe *welk2ō que la langue primitive avait tiré *wlk2o-s «le loup», qui pour l’Arien a toujours été synonyme de brigand. Le vague sentiment de cette parenté subsistait peut-être encore lorsque Ulfilas écrivait wulfs frawilviƿ, wulfōs wilwandans (Jean 10, 12. Matth. 7, 15).


Notes
  1. Comme *sĕ-lŭō devenu solvō.
  2. Ou *wilfan *walf avec f pour hw?