Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)/06

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Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Œuvres complètes de XénophonHachetteTome 2 (p. 467).



CHAPITRE VI.


Mise en commun des enfants, des esclaves, des chiens de chasse, des chevaux, des vivres.


Voici encore une institution contraire à l’usage le plus répandu. Dans les autres cités, chacun est maître de ses enfants, de ses esclaves, de son bien. Lycurgue, voulant, sans léser personne, établir entre les citoyens un commerce de bons offices, a décidé que chacun aurait le même droit sur ses enfants et sur ceux des autres ; et, comme on sait que les enfants sur qui l’on exerce cette autorité ont aussi des pères, il suit qu’on use, à l’égard de ces enfants, des ménagements qu’on souhaite pour les siens. Quand un enfant, qui a reçu des coups, vient se plaindre à son père, celui-ci est répréhensible, s’il ne donne pas de nouveaux coups à son fils : tant est profonde cette conviction réciproque qu’on ne peut ainsi rien commander de malhonnête aux enfants.

Lycurgue a voulu que l’on pût, au besoin, se servir des esclaves des autres : il a établi également là communauté des chiens de chasse. Ainsi, quand on en a besoin, on les emmène à la chasse ; et celui qui n’est pas de loisir les prête volontiers : il en est de même pour les chevaux. Un citoyen malade, qui a besoin d’une voiture, ou qui veut faire une course pressée, profite du premier cheval qu’il voit, le prend, s’en sert avec ménagement, et le ramène à sa place. Voici encore une coutume que l’on ne trouvera établie nulle autre part. Des chasseurs attardés viennent-ils à manquer de provisions, faute de s’être munis, Lycurgue prescrit à ceux qui ont soupe de laisser leurs restes : ceux qui manquent de vivres lèvent le cachet apposé sur le buffet, prennent ce qu’il leur faut, remettent un autre cachet, et laissent le surplus. Il résulte de cette communauté que ceux qui ont peu participent à tout ce qui se trouve dans le pays, dès qu’ils ont besoin de quelque chose.