Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)/08

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Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Œuvres complètes de XénophonHachetteTome 2 (p. 469-470).



CHAPITRE VIII.


Obéissance aux magistrats et aux lois recommandée par Lycurgue, et notamment par l’autorité d’Apollon Delphien.


L’obéissance complète des Spartiates aux magistrats et aux lois est un fait connu de tous. Pour moi, je m’imagine qui Lycurgue n’eût jamais essayé d’introduire une telle forme de gouvernement, s’il ne se fût assuré du concours moral des principaux citoyens. Je me fonde sur ce que, dans les autres cités, les puissants ne veulent point paraître redresser les magistrats : cette crainte leur semble indigne d’un homme libre. À Sparte, au contraire, les premiers de la république se distinguent par leur soumission aux magistrats, et se font gloire de leur abaissement : dès qu’on les mande, ils ne vont pas, ils courent obéir, persuadés qu’en montrant les premiers cette docilité respectueuse, les autres suivront ; et c’est ce qui a lieu.

Il est vraisemblable que l’institution des éphores est aussi leur création collective, d’après cette conviction qu’il n’y a pas de plus grand bien que l’obéissance dans une cité, dans une armée, dans la famille : car plus l’autorité a de force, plus, suivant eux, elle impose aux citoyens, les fait obéir. Or, les éphores ont le droit de frapper d’amende qui bon leur semble, et d’en exiger le solde sur-le-champ ; ils sont libres d’interdire les magistrats en fonction, d’emprisonner, d’intenter un procès criminel. Avec un tel pouvoir, ils ne laissent pas, comme dans les autres villes, les magistrats élus user arbitrairement de leur pouvoir durant toute une année ; mais, comme les tyrans, comme les présidents des jeux gymniques, dès qu’ils en surprennent un qui manque à la loi, ils le punissent à l’instant même. Mais de tous les nombreux et remarquables procédés de Lycurgue pour amener les citoyens à obéir aux lois, je ne vois rien de plus beau que ce qu’il fit, avant de proposer sa législation à la multitude, il va d’abord à Delphes avec quelques citoyens d’élite et demande au dieu s’il serait meilleur et plus avantageux à Sparte d’obéir aux lois qu’il avait établies ; et l’oracle lui ayant répondu que cette obéissance serait des plus avantageuses, il les promulgue, déclarant non-seulement criminel, mais sacrilège, quiconque désobéirait à des lois sanctionnées par le dieu pythien.