Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)/13

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Gouvernement des Lacédémoniens (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Œuvres complètes de XénophonHachetteTome 2 (p. 475-476).


CHAPITRE XIII (XV)[1].


Des rapports du roi avec la république.


Je veux parler aussi des engagements que Lycurgue a fait contracter au roi avec la république. En effet, cette autorité seule subsiste telle qu’elle était dans le principe, tandis que les autres fonctions ont subi ou subissant encore des altérations.

Lycurgue a donc ordonné que le roi sacrifiât, au nom de l’État, comme descendant d’un dieu, et qu’il commandât les armées partout où l’enverrait la république. Une autre de ses attributions, c’est d’avoir, à titre honorable, une part des victimes immolées et une portion de terrain choisi pris sur les villes voisines, de manière à être au-dessus du besoin, sans avoir une fortune excessive. Et afin que les rois prissent leurs repas hors de chez eux, Lycurgue leur fit construire une salle publique, et les honora d’une double portion, non pour les autoriser à manger le double des autres, mais par honneur, et afin de leur donner de quoi recevoir qui bon leur semblera.

Il a encore permis à chacun des deux rois d’admettre deux convives à leur table ; on leur donne le nom de Pythiens. Il leur a de même accordé de prélever un porc sur chaque portée de truie, afin que le roi ne manquât jamais de victimes, s’il avait à consulter les dieux. Près de la demeure royale est un étang qui fournit de l’eau en abondance : ressource dont l’utilité peut être surtout appréciée de ceux qui en sont privés. Tout le monde se lève de son siège en présence du roi, excepté les éphores de leurs sièges éphoriques. Tous les mois on se prête un serment réciproque, les éphores au nom de la cité, le roi en son propre nom. Le roi jure de régner conformément aux lois établies ; la cité jure, tant que le roi sera fidèle à sa promesse, de conserver intacte la royauté

Tels sont les honneurs que la patrie accorde au roi vivant, honneurs qui ne le mettent pas fort au-dessus des particuliers ; c’est que le législateur n’a pas voulu inspirer au roi des velléités de tyrannie, ni aux citoyens la haine du pouvoir. Mort, le roi reçoit des honneurs qui prouvent que, d’après les lois de Lycurgue, les Lacédémoniens considèrent moins leurs rois comme des hommes que comme des demi-dieux[2].



  1. Ce chapitre est d’ordinaire le xve dans quelques éditions. Nous l’avons placé ici sur l’autorité de Fr. Haase, et cette transposition parait, en effet, très-logique.
  2. On pleurait le roi mort par toute la Laconie, et il y avait une loi qui ordonnait que dans chaque maison deux personnes libres, un homme et une femme, prissent des habits de deuil. Un nombre déterminé, plusieurs mille au moins, de périèques et d’hilotes, étaient convoqués à Sparte, pour chanter les exploits du roi défunt et l’exalter au-dessus de tous ses devanciers. — Cf. pour les derniers mots du chapitre. Hist. gr. III, ch. III, t I, p. 411 de notre traduction.