Grains de mil/L’écusson
XXIX
L’ÉCUSSON.
Il était une tour, avec porte. L’attique
Laissait voir, dans la mousse, un écusson gothique.
La tour était massive, et la main d’un Samson,
Taillé dans un seul bloc, dut poser l’écusson.
L’écu verdi semblait de quelque république
Le bouclier de pierre, austère et symbolique.
« Près d’un aigle une clé ; dans un astre, au-dessus,
I — H — S ; puis ces trois mots : Post Tenebras Lux : »
Tel l’écu. — Le passant pressentait un problème
Dans l’astre et la devise et sous le double emblème.
Je passai, je cherchai. Bientôt, d’un œil rêveur,
Je lus dans I, H, S, Jésus homme sauveur ;
Et dans les mots profonds pris d’une langue antique,
Après la nuit le jour ; devise prophétique.
Restaient l’aigle et la clé. Sous leur air fantastique,
Quelle idée en secret se dérobait, mystique ?
Les cités, la nature et l’art ont une clé ;
Si la clé ferme, elle ouvre ; et son sens est voilé.
L’aigle altier, libre et seul, sait défendre son aire,
Brave autans et chasseurs et porte le tonnerre.
L’aigle ici veut-il dire Audace ou Liberté ?
Et la clé Défiance ou bien Sagacité ?
Ainsi la foi, l’espoir, et prudence et fierté
S’uniraient dans ton orbe, écusson respecté !
Vestige disparu de quelque ville antique.
Mais qu’ont à faire ici tour ou porte ? Et pourquoi
Ce souvenir qui meurt vient-il revivre en moi ?
Ah ! j’ai beau l’étouffer sous une allégorie,
Mon cœur entend ta voix et tressaille, ô patrie !