Grammaire de l ornement/Chap VI

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Day & Son, Limited-Cagnon (p. 43-Image).

Fragment en marbre blanc du palais Mattei, Rome. — L. Vulliamy.[1]
Chapitre VI. — Planches 26, 27.
ORNEMENTS ROMAINS.
1, 2. 
Fragments du Forum de Trajan, Rome.
3. 
Pilastres de la villa Medicis, Rome.
4. 
Pilastre de la villa Medicis. Rome.
5, 6. 
Fragments de la villa Medicis, Rome.

Les Nos. 1 — 5 sont pris de plâtres qui sont au palais de Cristal ; le No. 6 est pris d’un plâtre qui se trouve dans la collection du musée de South Kensington.


1-3. 
Fragments de la frise du temple Romain à Brescia.
4. 
Fragment des soffites des architraves du temple Romain à Brescia.
5. 
Fragment des soffites des architraves du temple Romain à Brescia.
6. 
Pris de la frise de l’arc des Orfèvres, Rome.

Les Nos. 1 — 4 sont pris du musée Brescian[2] ; le No. 5 est pris de l’ouvrage sur Rome par MM. Taylor et Cresy.


ORNEMENTS ROMAINS.

La véritable grandeur des Romains se voit plutôt dans leurs palais, leurs bains, leurs théâtres, leurs aqueducs et autres ouvrages d’utilité publique, que dans leurs temples, dont l’architecture empreinte de l’expression d’une religion empruntée aux Grecs, en laquelle ils avaient probablement peu de foi, trahit un manque correspondant de zèle et de culte pour les arts.

Dans les temples Grecs, il est évident que le but de l’architecte était d’arriver à une perfection digne des dieux. Dans ceux des Romains, on n’a eu pour but qu’une glorification personnelle. Depuis la base de la colonne jusqu’au sommet du fronton, toutes les parties sont surchargées d’ornements, qui tendent plutôt à éblouir par leur surabondance, qu’à exciter l’admiration par la qualité de l’ouvrage. Les temples grecs qui sont peints, sont décorés d’autant d’ornements que ceux des Romains, mais avec un résultat bien différent, car les ornements sont arrangés de manière à jeter un coloris délicat sur toute la structure, sans nuire en rien à l’effet des surfaces admirablement dessinées qui les reçoivent.

Les Romains cessèrent d’apprécier à leur juste valeur les proportions générales de la structure et des contours des moulures, lesquels étaient entièrement détruits par le modelé excessif des ornements sculptés dont ils étaient décorés, ornements qui, au lieu de naître naturellement des surfaces, y étaient appliqués. Les feuilles d’acanthe sous les modillons et celles autour de la campane des chapiteaux corinthiens, sont placées l’une devant l’autre de la manière la plus inartistique. Elles ne sont même pas liées ensemble par le gorgerin au sommet du fût, mais s’y appuient simplement ; tandisque dans le chapiteau égyptien, les tiges des fleurs autour de la campane, se continuent à travers le gorgerin, et représentent un type de beauté en même temps qu’elles expriment une vérité.

La malheureuse facilité, que donne le système romain de décoration à fabriquer des ornements, en se servant de la feuille d’acanthe sous toutes les formes et dans toutes les directions, est la cause principale de l’invasion de ce genre d’ornements dans la plupart des constructions modernes. Il exige de l’artiste, si peu de pensées, il est de sa nature si complétement un produit de manufacture, qu’il a entraîné les architectes à négliger une spécialité, qui est de leur ressort, et à abandonner la décoration intérieure des bâtiments aux mains de personnes les plus inaptes à les remplacer.

Dans l’usage qu’ils faisaient de la feuille d’acanthe, les Romains ne montraient que peu d’art. Ils l’avaient reçue des Grecs représentée d’une manière conventionnelle et admirable ; ils approchèrent bien davantage des contours généraux, mais ils portèrent à l’exagération, les décorations de surface. Les Grecs se limitaient à exprimer le principe de la feuillaison de la feuille, et donnaient tous leurs soins aux ondulations délicates de la surface.

L’ornement gravé en tête de ce chapitre est typique de tous les ornements romains, qui consistent universellement en une volute s’élançant d’une autre volute, entourant une fleur ou un groupe de feuilles. Cet exemple cependant, est construit d’après les principes grecs, sans en posséder, néanmoins, le raffinement. Dans les ornements grecs, les volutes naissent de la même manière l’une de l’autre, mais elles sont beaucoup plus délicates au point de jonction. On y voit aussi la feuille d’acanthe, en élévation de côté, pour ainsi dire. La méthode purement romaine de traiter la feuille d’acanthe se voit dans les chapiteaux corinthiens, et dans les exemples reproduits sur les planches XXVI. et XXVII. Les feuilles sont aplaties en dehors, et elles sont placées l’une sur l’autre comme sur la gravure ci-dessous.


Fragment de la frise de temple du Soleil, palais Colonna, Rome. — L. Vulliamy.

Nous avons placé en juxtaposition les divers chapiteaux gravés d’après l’ouvrage de MM. Taylor et Cresy, pour montrer le peu de variété que les Romains pouvaient produire en s’en tenant toujours à cette application de l’acanthe. La seule différence qui existe, se trouve dans la proportion de la forme générale de la masse ; proportion dont le déclin est marqué visiblement à partir du chapiteau de la colonne du temple de Jupiter Stator. Quelle différence avec l’immense variété des chapiteaux égyptiens, variété qui provient de la modification du plan général du chapiteau ; l’introduction même de la volute ionique dans l’ordre composite n’y ajoute aucune beauté, mais en augmente plutôt la difformité !

Les pilastres de la villa Médicis, Nos. 3 et 4 de la planche XXVI., et le fragment No. 5, sont des spécimens de l’ornement romain, aussi parfaits qu’il est possible d’en trouver. Comme spécimens de modelé et de dessin, ils ont droit à notre admiration, mais comme accessoires ornementaux destinés à rehausser le caractère architectural d’un bâtiment, ils péchent, à cause de leur relief excessif et du traitement élaboré de la surface, contre la loi du premier principe : — l’adaptation au but qu’ils ont à remplir.

La variété de compositions qu’on peut obtenir en suivant le principe de faire naître une feuille d’une autre feuille et de les placer l’une
Pris de l’abbaye de St. Denis, Paris.
sur l’autre, est très limitée, et ce ne fut qu’après avoir abandonné le principe d’une feuille s’élançant d’une autre en une ligne continue, pour adopter celui d’une tige continue d’où s’élancent des ornements des deux côtés, que le pur ornement conventionnel prit du développement. Les plus anciens exemples de ce changement se trouvent dans les décorations de Ste. Sophie à Constantinople ; et nous reproduisons ci-contre un exemple pris de St, Denis, dans lequel quoique le bombement à la tige et la feuille tournée en arrière à la jonction de deux tiges, aient entièrement disparu, la tige continue n’est pas encore entièrement développée, comme on le voit dans la bordure étroite du haut et du bas. Ce principe est très généralement suivi dans les manuscripts enluminés du onzième, du douzième et du treizième siècle, et c’est la base du feuillage du style ogival du 13ème siècle.

Les fragments reproduits sur la planche XXVII., pris du musée Brescian, sont plus élégants que ceux de la villa Médicis ; les feuilles y sont plus vivement accentuées et traitées d’une manière plus conventionnelle. La frise de l’arc des Orfèvres péche, au contraire, par la cause inverse.

Nous n’avons pas cru qu’il fût nécessaire de donner dans cette série un exemple des décorations peintes des Romains, dont il existe des restes dans les bains romains. Nous n’avions pas à notre disposition des matériaux d’une source authentique ; et de plus, elles ressemblent tellement à celles de Pompéï, et montrent plutôt ce qu’on doit éviter que ce qu’on doit suivre, que nous avons cru qu’il serait suffisant de reproduire les deux sujets du forum de Trajan, dont les figures terminées en rinceaux, peuvent être considérées comme la fondation du cachet qui est le caractère proéminent de leurs décorations peintes.


Temple de Jupiter Stator, Rome.

Temple de Vesta, Rome.

Arc de Constantin, Rome.

Arc de Trajan, Ancones.

Arc de Titus, Rome.

Temple de Mars Victor, Rome.

Panthéon, Rome.

Panthéon, Rome.

Intérieur du Panthéon, Rome.

Arc de Septime Sévère, Rome.
Chapiteaux corinthiens et composites sur une échelle réduite, d’après l’ouvrage de MM. Taylor et Cresy.[3]
  1. Examples of Ornamental Sculpture in Architecture, par Lewis Vulliamy, Architecte,
  2. Museo Bresciano, illustrato, Brescia, 1838.
  3. The Architectural Antiquities of Rome, par G. L. Taylor et Cresy, Architectes. Londres, 1821.