Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/— Calendrier républicain.

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 1p. 138-142).

— Calendrier républicain. Les motifs de

son établissement furent non-seulement de corriger les erreurs du calendrier grégorien, mais encore de marquer l’ère nouvelle dans laquelle entrait la France, et de créer un c«lendrier purement civil, et qui, n’étant subordonné aux pratiques d’aucun culte, convint également à tous.

La Convention chargea son comité d’instruction publique de cette réforme, à laquelle coopérèrent Homme, le principal auteur de cette nouvelle division du temps, Lagrange, Monge, Dupuis", Guyton de Morveau, enfin Lalande et les géomètres et astronomes de l’Académie des sciences, qui furent consultés.

Homme présenta le projet à la Convention le 20 septembre 1793. Il fut adopté le 5 octobre suivant, sauf la nomenclature des n^ois et des jours, qui auraient porté des noms particuliers, comme régénération, jeu de paume, bastille, niveau, bonnet, pique, etc. L’Assemblée préféra la dénomination ordinale, premier, deuxième, troisième, etc. L’année était divisée en 12 mois de 30 jours chacun, et complétée par 5 jours épagoménes ou surajoutés (6 dans les années sextiles). La semaine, qui ne mesure exactement ni les lunaisons, ni les mois, ni les saisons, ni l’année, et qui ne rappelle que les superstitions astrologiques de la haute antiquité, fut supprimée, et le mois divisé en trois décades ou fractions de 10 jours ; enfin, le jour fut divisé en dix parties, et chaque partie en dix autres, pour compléter le système de numération décimale. Mais cette dernière disposition, ajournée à cause des changements qu’elle nécessitait dans l’horlogerie, ne fut jamais appliquée. Le commencement de la nouvelle ère lut fixé au 22 septembre de l’année précédente (1792), jour de la proclamation de la république, et par un accord singulier, jour ou le soleil arrivait à l’équinoxe vrai d automne. Ce jour fut donc le premier de la première année républicaine (les années suivantes, le premier tombait tantôt au 22, tantôt au 23 ou au 24 septembre). Avant la confection du calendrier, l’Assemblée avait fixé par décret le commencement de la seconde année républicaine au 1*» janvier 1793, réduisant ainsi la première année à 3 mois et quelques jours, afin de pouvoir reprendre l’ordre du calendrier ancien. Elle annula nécessairement cette disposition en adoptant le projet de Romme, et décida que les actes déjà datés de l’an II et passés de janvier au 22 septembre 17S3 seraient regardes jomme appartenant à la première année de la République. Il est donc nécessaire de ne pas oublier cette circonstance quand on rencontre des dates historiques se rapportant à cette période.

Bientôt on sentit ce qu’avait de confus et de.vicieux l’emploi exclusif de la dénomination ordinale. C’est ainsi, par exemple, qu’on était obligé de dire : le premier jour de ta première décade du premier mois de la première année... On sentit qu’il fallait donner quelque chose de moins abstrait à l’âme populaire, qui se nourrit surtout d’images et de symboles ; et, tout en conservant la base scientifique de Romme et des mathématiciens, on chargea cette fois un poëte, l’ingénieux Fabre d Eglantine, de trouver une dénomination caractéristique pour les mois et les jours. Fabre présenta son rapport le 25 octobre. Sa nomenclature est basée sur la nature elle-même, qui raconte eu quelque sorte, dans la langue charmante de ses fruits et de ses fleurs, toutes les phases de l’année. L’ensemble formait comme une sorte de manuel de travail pour l’homme des champs, un code d’instruction rurale. Les noms des mois, très-expressifs et très-harmonieux, étaient tirés de la température ou de ta récolte de l’époque correspondante : vendémiaire (de vindemiat, vendanges) ; brumaire, temps des brouillards et des brumes basses dans les régions moyennes de la France ; frimaire, des froids ou frimas ; nivôse (de nix, niais, neige) ; pluviôse, temps où la pluie tombe généralement avec le plus d’abondance ; ventôse, époque des giboulées et des vents ; germinal, moment de la fermentation de la sève et de la germination des semences ; floréal, appellation charmante du temps où les fleurs commencent à s’épanouir ; prairial, où

CALE

les prairies, dans toute leur beauté, sont abattues par la faux ; messidor {messis, moisson), où les épis dorés couvrent les ’champs ; thermidor, temps de la chaleur et des bains ; fructidor (fruclus, fruit), .de la maturité des fruits. Outre leur signification, ces roots avaient aussi, une harmonie imitative dans leurs désinences : pour l’automne (vendémiaire, etc.), un son grave et une mesure moyenne ; pour l’hiver (nivôse, etc.), un son lourd et une mesure longue ; pour le printemps (germinal, etc.), un son gai et une mesure brève ; pour l’été (messidor, etc.), un son sonore et une mesure large. Les jours de la décade s’exprimaient ainsi : primidi ou premier jour, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. Ces dénominations offraient l’avantage de faire trouver sons effort le quantième. En effet, du moment, par-’exemple, qu’on savait être au tridi, on. n’avait qu’a choisir entre le 3, le 13 ou le 23, et comme on’ sait toujours k peu près si le mois est au commencement, au milieu, ou à la, fin, il était facile de se déterminer. Tous les jours de l’année recevaient, a la place des saints du calendrier romain, les noms des productions de la terre, des instruments aratoires et des animaux domestiques, placés a peu près au temps où les premières se recueillent et où les autres sont employés par l’agriculture. À chaque quintidi ou demi-décade était inscrit un animal domestique, a chaque décadi un instrument. Le mois de nivôse, où la végétation est nulle, était rempli par les substances du règne minéral et par les animaux’utiles a l’agriculture. Les jours complémentaires étaient nommés sans-mlottides, afin d’honorer un nom dont l’aristocratie avait prétendu faire une injure. Ils formaient une demi-décade et étaient consacrés comme fêtes nationales à la Vertu, au Génie, au Travail, à ('Opinion, aux Bécompenses. La fête de l’Opinion était une sorte do carnaval politique pendant lequel il serait permis de dire et d’écrire, sur les hommes publics, tout ce qu’il plairait au peuple et aux écrivains d’imaginer ; c’était une sorte de frein moral contre les abus de pouvoir, qui rappelle l’esclave qui suivait le triomphateur ronfain. La période de quatre ans qui ramène une année sextile était une franciade, et le jour complémentaire, qu’il était nécessaire d’ajouter aux cinq autres, était la sans-culottide par excellence. Il devait alors se célébrer des jeux en l’honneur de la Révolution. Plus tard on ajouta des fêtes décadaires.

Le calendrier républicain fut en vigueur jusqu’au 1er janvier 1806, c’est-a-dire pendant

12 ans 2 mois 27 jours, à dater du jour où il fut adopté (5 octobre 1793), et sans compter l’année qui s’était écoulée depuis l’établissement de la République et qui fut désignée, à posteriori, comme la première do l’ère nouvelle. C’est ce qui fait qu’on était entré dans l’an XIV lors de la suppression.

Avant même d’être empereur, Napoléon était bien résolu à sacrifier a la cour de Rome le calendrier national, dont il avait lui-même illustré tant de dates. En avril 1802, la loi relative à la réorganisation des cultes détermina dans un de ses articles que le repos des fonctionnaires publics serait fixé au dimanche. Le

13 floréal suivant (3 mai), un simple arrêté des consuls prescrivit que les publications de mariages ne pourraient avoir lieu que le dimanche. Cette substitution de la semaine à la décade était un pas considérable vers la restauration intégrale du calendrier grégorien. Enfin, le 15 fructidor an XIII (2 septembre 1805), Regnaud de Saint-Jean d’Angely et Mounier, orateurs du gouvernement, présentèrent aux délibérations du sénat un projet de Sénatus-consulte qui replaçait purement et simplement les choses en l’état où elles étaient avant la loi du 5 octobre 1793. Les orateurs officiels ne dissimulaient point d’ailleurs les imperfections de l’ancien calendrier, que personne, disaient-ils, n’oserait aujourd’hui proposer, s’il était nouveau, mais qui a pour lui la puissance de l’habitude et l’avantage d’être commun à presque toutes les nations de l’Europe. Le sénat nomma pour la forme une commission, qui choisit pour rapporteur l’illustre Laplace : et le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), le projet du gouvernement impérial fut ratifié sans discussion. Le calendrier romain fut officiellement rétabli le i«r janvier suivant (1806), qui correspondait au il nivôso de l’an XIV. Cet an XIV n’avait eu qu’une durée de 100 jours.

Nous allons maintenant donner les’tables de concordance des deux calendriers, afin qu’on puisse retrouver sur-le-champ les dates vulgaires des nombreux événements, tragiques ou glorieux, U^ui ont-marqué cette période de notre histoire nationale. Ces tables commencent naturellement à l’an II, puisque dans la première année républicaine le calendrier n’était pas constitue, et on y comptait encore d’après l’ancien calendrier, en ajoutant simplement première aimée républicaine. Nous mettrons, comme simple objet de curiosité, les noms de fruits, de fleurs, etc., qui avaient remplacé les saints, il est inutile de faire observer que ces noms sont les mêmes pour toutes les années et que, conséquemment, il n’est pas nécessaire de les faire figurer plus d’une fois. Pendant la réaction anticatholique, sous la l’erreur, un certain nombre de révolutionnaires substituèrent à leur nom de baptême le nom de légume, de fleur ou de

fruit, etc., qui.correspondait à la date delà fête de leur patron ; ainsi, le général Doppet signait Pervenche Doppet ; le représentant Miihaud, -Cumt’n ; le7général Peyron, Myrte ; le général Lamer, Peuplier ; d’autres Pavot, etc. Mais «et usage "se généralisa moins que celui ; d’emprunter des surnoms k l’antiquité, auquel H succéda 5 car on pouvait tomber sur des prénoms-moins pompeux et moins

; ; ;• : j - : CALE

flatteurs que Brutus, Soerate et Aristide : ainsi-François (4 : octobre) correspond à Potiron (13 vendémiaire) ; Catherine (25 novembre), à 'Cochon (5 frimaire) ; Victor (21 juillet), à Melon (3 thermidor) ; Frédéric (27 avril), k Champignon (& floréal) ; Prosper (25 juin), à Cornichon ou Concombre (7 messidor) ; Zàcharie

GAIiE, •■

(5.-novembre), à Dindon (15 brumaire), etc. D’ailleurs, cette nomenclature n’avait pas été faite précisément pour fournir des prénoms aux : sans-culottes excentriques, mais (outre la pensée antireligieuse) pour rapporter toiitk 1 agriculture, pour vulgariser lès" notions élémentaires sur les époques de floraison, de

K i

CALE

Wo

fructification des plantes ou de l’emploi, des instruments, agricoles, — etc. Puisque, nous sa ? vons que le mois "était divisé en. 3’dé1eàde, S ;, dont nous connaissons les dénominations (pr*V midi, duodi, etc.), il est également.inutilédé faire figurer a nos tables ces dénominations’, qui se répéteraient trois fois chaque mois,

CALENDRIER RÉPUBLICAIN (ANNÉE 1793) CONCORDANCE DU CALENDRIER RÉPUBLICAIN AVEC LE CALENDRIER GRÉGORIEN CONCORDANCE DtJ CALENDRIER RÉPUBLICAIN AVEC LE CALENDRIER GRÉGORIEN

(Suite.),

141
CONCORDANCE DU CALENDRIER RÉPUBLICAIN AVEC LE CALENDRIER GRÉGORIEN
(Suite)