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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Abbaye-au-bois

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 15).

Abbaye-au-Bois (L’), communauté religieuse de femmes, située à Paris, rue de Sèvres, à l’angle de la rue de la Chaise. Elle servit de maison d’arrêt pendant la Révolution ; rendue plus tard à sa destination première, elle offrit, en dehors du cloître réservé aux religieuses, un asile paisible à des dames du grand monde, qui se retiraient là pour goûter les douceurs de la solitude, sans renoncer toutefois à celles de la société. C’est à l’Abbaye-au-Bois que Mme Récamier vint s’établir au commencement de la Restauration, après la ruine de son mari et la mort de Mme de Staël, son amie, et c’est de ce séjour que l’Abbaye tire en partie sa célébrité. Toutes les illustrations de l’époque briguaient la faveur d’être reçues dans les salons de Mme Récamier, où Chateaubriand régnait en souverain. Il se rendait régulièrement à l’Abbaye tous les jours à trois heures, et pendant la première heure de ses entretiens avec Mme Récamier, il ne souffrait pas de tiers ; mais, cette première heure écoulée, on ouvrait la porte du salon, et les plus intimes y pénétraient. Parmi les privilégiés admis le plus familièrement dans le sanctuaire, il faut citer le duc Mathieu de Montmorency, Ballanche, le duc Hamilton, la reine Désirée de Suède, Eugène Delacroix, David (d’Angers), Alex. de Humboldt, Augustin Thierry, Salvandy, Villemain, Ste-Beuve, Ampère, le duc de Noailles, Alexis de Tocqueville, etc. Béranger y vint une seule fois, et le prince Louis Bonaparte, aujourd’hui Napoléon III, s’y présenta aussi à son retour en France, en 1848. C’est à l’Abbaye que Lamartine lut ses premières Méditations, que Victor Hugo, à peine sorti des bancs de l’école, fut sacré poëte de génie par les mains de Chateaubriand lui-même, et que toutes les grandes renommées naissantes reçurent leur baptême et leur consécration. Si l’on fait abstraction de la politique, c’était une sorte d’hôtel de Rambouillet du xixe siècle, dont la belle et spirituelle Mme Récamier était la Julie.