Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BARRY (Jacques), peintre irlandais

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 271).

BARRY (Jacques), peintre irlandais, né à Cork en 1741, mort en 1806. Fils d’un maçon, dès l’âge de douze ou quinze ans, si l’on en croit ses biographes, il faisait déjà des dessins pour les éditeurs, puis il apprit à peindre à l’huile. Un de ses tableaux, exposé à Dublin et représentant la Légende de saint Patrick, lui valut la protection du savant Burk, qui le conduisit d’abord à Londres, où il le présenta à Reynolds, et lui fournit ensuite les moyens d’aller étudier en Italie. Après un séjour de cinq années à Rome, où il se passionna pour les chefs-d’œuvre de la statuaire antique, Barry revint à Londres en 1770, exposa quelques tableaux d’un style classique, Vénus sortant de la mer, Jupiter et Junon, Adam et Eve, la Mort du général Wolf, l’Éducation d’Achille, etc., et fit pour l’église Saint-Paul l’esquisse d’une grande composition décorative, représentant le Christ insulté par les Juifs. Ce projet n’ayant pas été accueilli, Barry, irrité, publia une Dissertation sur les causes réelles et imaginaires qui s’opposent au progrès des arts en Angleterre (1775), sorte de pamphlet, dont la première partie est une réfutation de Winckelmann et des autres écrivains qui dénient le génie artistique aux peuples du Nord, et dont la seconde partie est une glorification exclusive de la grande peinture historique et allégorique. Les épigrammes qu’il décocha dans ce livre contre ses confrères, les autres peintres anglais, lui attirèrent les plus vives inimitiés. Il vit même ses anciens protecteurs s’éloigner de lui, et il se trouva bientôt dans le plus grand dénûment. Il obtint enfin de la Société des arts l’autorisation d’exécuter, à ses frais, dans la grande salle des Adelphi, une série de peintures historiques représentant les Progrès de l’humanité. Il divisa ce grand ouvrage en six tableaux, dont chacun a plus de 13 m de longueur. Le 1er représente Orphée inaugurant la civilisation en Grèce ; le 2e, la Glorification de l’agriculture ; le 3e, le Couronnement des vainqueurs aux jeux Olympiques ; le 4e, le Triomphe de la Tamise ; le 5e, une Assemblée des membres de la Société des arts, distribuant leurs prix annuels ; le 6e, une Vue de l’Élysée où les grands hommes de l’antiquité et des temps modernes jouissent de la béatitude éternelle. Barry consacra six années (1777-1783) à ce travail colossal, passant la nuit à dessiner et à graver pour gagner sa vie. L’exhibition publique de ces six tableaux et les gravures qu’il en fit (1792) lui rapportèrent à peine 700 liv. sterl. ! Quant au mérite de l’œuvre, il fut très-diversement apprécié par les amateurs : les uns ne craignirent pas de dire que Barry s’était élevé à la hauteur des plus grands maîtres de l’Italie ; les autres critiquèrent vivement l’obscurité de ce cycle symbolique où s’entremêlent des divinités païennes, des figures allégoriques et des gentlemen costumés à la mode du temps. Nommé professeur à l’Académie en 1782, Barry prononça, selon l’usage, des discours qui excitèrent une vive curiosité ; mais, par l’amertume de ses critiques, il s’aliéna peu à peu tous ses confrères et il finit par être expulsé de la compagnie, en 1797, à l’occasion d’un pamphlet des plus violents, intitulé Lettre à la Société des dilettanti. Après sa sortie de l’Académie, il entreprit une suite de compositions analogues à celles des Adelphi et représentant les Progrès de la théologie ; il n’en exécuta que le premier tableau, la Naissance de Pandore, qui appartient aujourd’hui à l’Institution royale de Manchester, et qui a figuré très-modestement à l’exposition de cette ville, en 1857. D’un caractère bizarre, insociable, d’un orgueil ridicule, voyant partout des ennemis qui conspiraient contre lui, il se brouilla avec Edmond Burk, son bienfaiteur, avec Reynolds, qu’il disait être jaloux de son talent, et se rendit lui-même la vie intolérable. Il vivait très-retiré et avait l’habitude de dire qu’il ne lui fallait que du pain, un toit et de la gloire. Sauf la gloire, la destinée semble l’avoir pris au mot. Tout chez lui avait un aspect si malpropre et si misérable, qu’on le désignait sous le nom de sale Barry. On a publié, en 1809, les Œuvres de J. Barry, etc. (Londres, 2 vol. in-4o),