Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BERRY (Marie-Louise-Élisabeth D’ORLÉANS, duchesse DE), fille aînée du régent

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 2p. 611).

BERRY (Marie-Louise-Élisabeth d’Orléans, duchesse de), fille aînée du régent, née en 1695, morte en 1719. Élevée au milieu des femmes de chambre, habituée à faire toutes ses volontés depuis l’âge le plus tendre, et trouvant dans son père la plus excessive comme la plus déplorable indulgence, Marie-Louise d’Orléans était « née, dit Saint-Simon, avec un esprit supérieur, et, quand elle le voulait, également agréable et aimable, et avec une figure qui imposait et qui arrêtait les yeux, mais que, sur la fin, l’embonpoint gâta un peu. Elle parlait avec une grâce singulière, une éloquence naturelle qui lui était particulière et qui coulait avec aisance et de source ; enfin, avec une justesse d’expression qui surprenait et qui charmait. » En 1710, elle épousa le duc de Berry, petit-fils de Louis XIV, devint veuve quatre ans plus tard et fut soupçonnée de n’avoir pas été étrangère à la mort de son mari, qui, après l’avoir aimée éperdument, s’était aperçu de sa conduite déréglée et l’avait menacée de l’enfermer dans un couvent pour le reste de sa vie. Joignant l’ambition à l’amour effréné des plaisirs, la duchesse de Berry fut également accusée de l’empoisonnement de la duchesse de Bourgogne. Lorsque son père devint régent, elle ne mit plus de bornes à ses prétentions extravagantes, à sa hauteur ambitieuse et surtout à ses débauches. Les débordements de cette Messaline moderne sont demeurés fameux et firent scandale, même à la cour corrompue du régent. Les Mémoires du temps, et surtout ceux de Saint-Simon, nous en ont laissé les hideux détails. Les soupçons les plus flétrissants circulèrent dans le public et à la cour sur les rapports qui existaient entre cette indigne princesse et son père. Elle vivait en très-mauvaise compagnie et passait ses nuits dans des orgies obscènes, auxquelles le régent prenait part. Saint-Simon, parlant d’un de ces banquets, où le père et la fille oubliaient plus encore que toutes les lois de la décence, écrit : « Mme  la duchesse de Berry et M. le duc d’Orléans s’y enivrèrent, au point que tous ceux qui étaient là ne surent que devenir. L’effet du vin par haut et par bas fut tel qu’on en fut en peine, et cela ne la désenivra pas ; tellement qu’il fallut l’emmener dans cet état à Versailles. Tous les gens des équipages la virent et ne s’en turent pas. » Un de ses derniers amants fut Rions, Gascon assez laid et assez sot, qui, grâce à son oncle, le duc de Lauzun, prit sur la duchesse de Berry, ordinairement impérieuse envers tous, un pouvoir absolu et en fit l’esclave de tous ses caprices. « Lauzun, dit Saint-Simon, lui avait conseillé de traiter sa princesse comme il avait traité lui-même Mademoiselle. Sa maxime était que les Bourbons voulaient être rudoyés et menés le bâton haut, sans quoi on ne pouvait conserver sur eux aucun empire. » Rions mit à la lettre le conseil de son oncle, et façonna la duchesse à supporter jusqu’à ses mépris. La duchesse de Berry devint enceinte de ce dernier, eut un accouchement extrêmement laborieux et mourut quelques jours après, à la suite d’une fête nocturne qu’elle avait donnée à son père, à Meudon. Le régent eut la pudeur de ne point exiger qu’on lui fît une oraison funèbre.