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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Blacas, seigneur et troubadour provençal

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 782).

BLACAS, seigneur et troubadour provençal, mort en 1229. Blacas est le type et le modèle de ces hauts barons, galants, braves, fastueux, se faisant fiers de cette fleur de bon ton appelée courtoisie, et qui formaient une vivante antithèse avec les barons du Nord, lesquels ne se glorifiaient pas moins de leur ignorance que de leur valeur. Ces seigneurs provençaux tenaient dans leurs châteaux des cours nombreuses ; ilsaccueillaientavec magnificence les chevaliers, les dames, les postes, comblaient ceux-ci de présents, et composaient eux-mêmes des vers. « Blacas, dit l’auteur de sa vie, aimait les femmes, la galanterie, la guerre, la dépense, les cours, la magnificence, le bruit, le chant, le plaisir et tout ce qui donne du relief et de la considération. Personne n’eut jamais autant de satisfaction à recevoir qu’il en éprouvait à donner ; il fut le protecteur des faibles, le soutien des délaissés, et plus il vécut, plus aussi s’accrurent son savoir, sa sagesse et même sa galanterie. • C’est là que les romanciers allaient chercher leurs modèles pour peindre les héros de leurs épopées, et non chez les seigneurs du Nord, ou ils ne rencontraient souvent qu’un accueil brutal et grossier. Blacas ne se contentait pas de se lier avec les troubadours et de les combler de présents, il composait des tensons avec eux, et luttait à armes égales : il en composa avec Peyrols, avec Cadenet et plusieurs autres encore ; aussi, tous l’ont célébré à l’envi. Pierre Vidal, donnant des instructions à un jongleur, lui dit : « En Provence sont des hommes qui ne connaissent pas l’avarice ; n’allez pas y oublier Blacas. » Les poésies laissées par ’Blacas ne peignent pas moins son temps que ses propres sentiments. Ainsi, il avoue franchement que l’amour platonique n’est point son fait : « Et d’elle, il me plaît qu’elle me fasse don d’amour, dit-il a Pierre Vidal ; a vous je laisse la longue attente sans jouissance ; sachez-le bien, ce sont joies perdues, dont aucune ne se retrouve. » Une autre fois, il dit à Rambant : « Rambant, sans ’qu’on le sache, bonne dame vous fera jouir d’amour accompli, ou bien, pour vous donner de la gloire, elle fera croire à la gent, sans rien de plus, qu’elle est votre amie ; qu’aimez-vous mieux ? — Rambant aime mieux jouissance toute suave et sans bruit que vaine opinion sans plaisir. » Ce n’est point l’avis de Biacas, qui n estime point un honneur caché, ni une escarboucle sans luisant. Plus tard, Bassompierre dira de même : il y a plus de plaisir à le dire qu’à le faire 1 Blacas ne se croisa point, retenu par l’amour de sa dame. «Je ferai ma pénitence, dit-il, de ce côté, entre mer et Durance, auprès de sa demeure. » On voit que, s’il aimait les dames, il connaissait leurs défauts. Il faut croire que Blacas fut valeureux, puisque Sordel, dans l’éloge funèbre qu’il en a fait, veut que son cœur soit partagé entre les princes qui en manquent. L’empereur en mangera le premier, afin de recouvrer les pays que les Milanais lui ont enlevés ; et le noble roi de France, Louis XI, en mangera aussi, pour reprendre la Castille, perdue par sa sottise.