Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Césars et les Napoléons (LES), parallèle historique, publié par M. Amédée de Cesena

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 3p. 808).

Césars et les Napoléons (les), parallèle historique, publié par M. Amédée de Cesena en 1861. Les Napoléons sont le vivant commentaire des Césars, de même que les Césars sont l’histoire anticipée des Napoléons ; telle est l’idée fondamentale du livre de M. Amédée de Cesena. Il compare Napoléon Ier à César, en donnant parfois la préférence à ce dernier, et Auguste à Napoléon III, qu’il place bien au-dessus de l’empereur romain. À travers tout l’ouvrage circule une idée dominante ; c’est l’influence du christianisme, dont les Napoléons ne sont que les instruments. M. de Cesena soutient la thèse des hommes providentiels. Il conclut en disant que Napoléon III doit conquérir, par le progrès, le monde à l’égalité et à la démocratie, dont il est le représentant, et que l’empire est dans la sphère temporelle ce qu’est l’Église dans la sphère spirituelle. Selon M. de Cesena, l’autocratie ne gouverne en haut que pour que l’égalité règne en bas.

Telles sont les idées principales de ce parallèle, que nous ne suivrons pas dans ses développements. Dans ce dithyrambe en l’honneur de l’empire actuel, quelques pensées se font jour, empreintes d’un levain de libéralisme. On aperçoit, sous le travestissement impérialiste, l’auteur de la fameuse lettre adressée, en 1848, à Proudhon, pour faire acte d’adhésion a la banque d’échange. M. de Cesena élève courageusement la voix contre les exils de 1852, qu’il met en contradiction avec la politique conciliatrice du pouvoir ; il réclame de plus pour la France les frontières du Rhin. Quant à son libéralisme, il ne va pas au delà de certaines mesures bien restreintes : on sent que l’auteur est encore sous le coup d’une vague terreur inspirée par le spectre rouge ; il rêve révolutions tout éveillé, et sacrifie sans peine à ses terreurs puériles la liberté absolue dont il n’a que faire.

Ce parallèle à la Plutarque, bien qu’il affecte trop le ton élogieux et ressemble plutôt à une contrefaçon du Panégyrique de Trajan, se recommande par une véritable vigueur. Les idées ne manquent parfois ni de justesse ni d’élévation. Le style en est clair, élégant, quoique emphatique. M. de Cesena a visé à l’alinéa comme M. de Girardin ; il affecte la forme brève des sentences et a trop souvent l’air de donner une leçon ; mais il faut lui tenir compte de ses timides aspirations vers le progrès, et l’on est aise de surprendre, dans quelques passages, un rédacteur du Constitutionnel en flagrant délit de démocratie.