Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CATHERINE Ire, impératrice de Russie, femme de Pierre le Grand

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 2p. 588).

CATHERINE Ire, impératrice de Russie, femme de Pierre le Grand, née en 1682 ou en 1686, morte en 1727. Il règne quelque obscurité sur l’origine de cette femme célèbre. D’après le témoignage de Villebois, qui fut aide de camp de Pierre le Grand, elle serait fille d’un serf fugitif nommé Shawrousky, établi à Derpt (Livonîe) et vivant en cette petite ville de la profession de journalier. Mais la plupart des historiens s’accordent à dire que le vrai nom de cette femme était Marthe Rabe, qu’elle était fille d’un officier suédois, un quartier-maître, et d’une femme livonienne nommée Élisabeth Moritz. Catherine Ire serait donc née en Suède, à Germundéryd. Sa mère devint bientôt veuve; elle était infirme déjà. La misère arriva. Alors, ayant pris dans ses bras son enfant, qui n’avait que deux ans, elle se dirigea vers la Livonie et arriva à Marienbourg, où elle s’arrêta pour frapper à la porte du sacristain, un parent sans doute de la malheureuse. Mais celui-ci n’était point assez riche pour supporter ce surcroît de famille… L’orpheline fut alors recueillie par Gluck, l’archiprêtre de la province, qui en fit la compagne de ses enfants.

Catherine mit à profit ce qu’elle entendait des leçons données aux filles de Gluck et fit de cette façon son éducation, éducation incomplète à coup sûr (Catherine ne sut jamais écrire), mais suffisante pour étonner, pour éblouir la société demi-barbare au sein de laquelle elle devait vivre bientôt. En 1701, elle épousa un dragon de l’armée de Charles XII, qui la laissa bientôt pour entrer en campagne et fut tué quelques mois après. Marienbourg était assiégé par les Russes. La jeune veuve suivit Gluck, son protecteur et son maître, lorsqu’il alla implorer le feld-maréchal Chiremetief. Elle fut faite prisonnière lors de la prise de la ville et échut au général russe Bauer, dont elle devint la maîtresse. Catherine passa ensuite au mains de Menschikoff, qui l’attacha à sa maison.

Un jour que le czar Pierre le Grand dînait chez son ministre, Catherine, qui servait à table, fut remarquée par lui, Ce barbare de génie fut frappé de l’esprit charmant, plein de reparties fines et vives, d’une fille de condition si basse. Il fut ébloui et devint amoureux. Un mariage eut bientôt lieu, secret d’abord, puis rendu public cinq ans après, en 1712. Catherine, la mendiante recueillie par un pauvre sacristain, élevée par charité, fut solennellement proclamée impératrice de toutes les Russies. La nouvelle czarine, en embrassant la religion grecque, prit les noms de Jekaterina Alexeïewna.

Le secret de l’amour constant de Pierre Ier pour l’impératrice Catherine ne tient pas seulement à sa beauté et à son esprit. Le comte Bassewitz dit, dans son Histoire de l’empire de Russie : « Le czar Pierre était sujet à des convulsions douloureuses qu’on croyait être l’effet d’un poison qui lui avait été donné dans sa jeunesse. Catherine avait trouvé le secret d’apaiser ses douleurs par des soins pénibles et par des attentions recherchées, dont elle seule était capable, et se donnait tout entière à la conservation d’une santé aussi précieuse à l’État qu’à elle-même. Aussi le czar, ne pouvant vivre sans elle, la fit compagne de son lit et de son trône. »

La czarine était douée d’une fermeté toute virile, et on la sentait nécessaire au milieu des armées autant que dans l’intimité du czar et dans le conseil, où toujours étaient écoutés ses avis pleins de sens à la fois et d’énergie. Dans la malheureuse affaire des bords du Pruth, lorsque, cerné par des forces supérieures, le czar était à la merci du grand vizir, ce fut Catherine qui proposa de tenter le vainqueur par des présents, et réussit à obtenir des conditions honorables pour le vaincu en sacrifiant ses pierreries et ses fourrures.

Cette figure aux traits fermes et nets a cependant ses imperfections ; cette médaille frappée à l’antique a son revers. Ôtons à la czarine son manteau impérial, et nous verrons la femme tour à tour adultère, livrée à la boisson comme le dernier de ses soudards, meurtrière enfin à deux reprises, par ambition d’abord, par un amour aveugle ensuite. Pierre le Grand vivait encore lorsque Catherine éprouva une passion coupable et violente pour un gentilhomme de la chambre impériale. Ce jeune homme était d’origine française et se nommait Moens de la Croix. Pierre eut vent de l’intrigue ; il fit décapiter l’amant de sa femme et planter sa tête sur un pieu au milieu d’une place publique. Il poussa plus loin encore sa vengeance, et obligea la czarine à aller jusqu’au pied de l’échafaud voir l’horrible exhibition. On a soupçonné cette princesse d’avoir poussé le czar à faire mourir son fils Alexis, qui, né d’un premier mariage, fermait aux enfants de Catherine le chemin du trône. Enfin on l’accuse d’avoir, avec Menschikoff, comploté la mort même de Pierre le Grand. Rien, heureusement, ne prouve ce dernier meurtre, si ce n’est la faveur toute particulière dont jouit, dès ce jour, celui qu’on accuse d’avoir été le complice de Catherine. Quoi qu’il en soit, Pierre le Grand étant mort, l’archevêque Théophane déclara que le testament du czar défunt appelait sa veuve à lui succéder, et, sans opposition, Catherine fut reconnue et acclamée impératrice régnante de toutes les Russies. C’était en 1725.

Jusqu’à cette époque de sa vie, Catherine avait montré pour les affaires de l’État un intérêt plein de zèle. Au conseil, au camp, nous l’avons vue pleine d’activité ; tout à coup, à la mort de Pierre le Grand, elle devient indolente, insouciante et se plonge dans la débauche, abandonnant à son amant Menschikoff le soin du gouvernement Le règne du favori, loin d’être fatal à la Russie, lui fut favorable. Menschikoff, à son avènement, abat les potences, brise les roues, adoucit cette justice rendue si terrible par Pierre le Grand et ne suit la politique du dernier czar que pour soutenir les établissements utiles qu’il avait formés, pour mener à fin ceux qu’il avait commencés. Il créa un nouvel ordre de chevalerie, celui de Saint-Alexandre-Newski.

Pendant ce temps, la santé de Catherine allait s’altérant tous les jours davantage par sa vie déréglée. Une hydropisie enfin, attribuée à ses fréquents excès de vin de Tokai, se déclara, et le 17 mai 1727, elle mourut après seize mois de règne.

Catherine de Russie (ORDRE DE SAINTE-), institué par Pierre le Grand, en 1714, en souvenir de la conduite héroïque et de la présence d’esprit de l’impératrice Catherine dans la bataille du Pruth contre les Turcs. À son origine, cet ordre était accordé aux hommes ; mais, en 1797, l’empereur Paul Ier décida qu’il serait exclusivement destiné aux dames du plus haut rang. Il le divisa en deux classes, la grande et la petite croix. La grande croix est tout en brillants; le cordon auquel elle est attachée se porte de droite à gauche, il est de couleur ponceau, liséré d’argent, avec les mots suivants en langue russe : Pour l’amour et la patrie. La décoration porte au milieu un écusson ovale fond blanc, avec l’image de sainte Catherine, vêtue d’une robe blanche et d’un manteau bleu, appuyée sur sa roue, qui est émaillée de rouge et posée sur un tertre vert. Elle a devant elle une croix d’argent. Au revers, on voit un nid de jeunes aiglons au sommet d’une tour élevée, au pied de laquelle sont deux grands aigles qui viennent de saisir des serpents avec leur bec et qui s’envolent vers leurs petits. La plaque de l’ordre, qui a la même décoration, est à huit pans; elle est enrichie de diamants. Sur un écu rond de couleur rouge, qui forme le centre, se trouve le diadème impérial. Les dames grands-croix portent ces insignes sur le côté gauche de la poitrine. La décoration de deuxième classe est de même forme, mais plus petite et moins richement garnie de diamants. L’impératrice est grande maîtresse de l’ordre. La fête a lieu le 25 novembre.