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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES III, fils de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1007).

CHARLES III, fils de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse, né en 1716, mort en 1788. Il fut d’abord connu sous le nom de don Carlos. En 1731, il prit possession des duchés de Parme et de Plaisance, qui lui étaient garantis par les traités, dans le cas d’extinction de la maison de Farnèse. Pendant la guerre de la succession de Pologne, comme allié de la France et de l’Espagne, il battit les impériaux à Bitonto, s’empara de Naples, puis de la Sicile, et fut définitivement reconnu comme roi par le traité de Vienne en 1738 (Charles VII de Naples, Charles V de Sicile). Le nouveau monarque, qui avait fait preuve de bravoure sur les champs de bataille, mérita la reconnaissance de ses sujets par son administration habile et prévoyante, par le développement qu’il donna au commerce, aux arts et à l’industrie, par ses utiles réformes judiciaires et financières et par les monuments dont il embellit Naples, Caserte, etc. La mort de son frère aîné Ferdinand lui donna la couronne d’Espagne en 1759. Il abandonna les Deux-Siciles à l’un de ses fils et fut accueilli en Espagne avec un enthousiasme et des espérances qui ne furent pas déçues. Il réorganisa les finances délabrées, donna une impulsion, à l’agriculture en faisant remise aux laboureurs de ce qu’ils devaient au fisc et en leur distribuant gratuitement des grains pour ensemencer leurs terres en friche, réforma la monnaie, altérée sous les règnes précédents, établit la liberté du commerce des grains, institua la banque de Saint-Charles, et la plaça sous la direction d’un Français habile, le comte de Cabarrus, embellit Madrid, fonda des écoles spéciales pour l’artillerie, le génie et la marine, fit exécuter de vastes travaux d’utilité publique, releva le travail de l’inepte mépris où il était tombé, pour la ruine de l’Espagne, en admettant aux charges municipales ceux qui exerceraient un métier et en les déclarant même aptes à aspirer à la noblesse. Enfin, dans toutes les parties du gouvernement et de l’administration publique, son règne fut fécond et réparateur. Il fut d’ailleurs secondé dans ses réformes par des ministres habiles, Aranda, Campomanès, Jovellanos, Florida-Blanca, etc. Souvent aussi il rencontra une vive opposition, notamment dans le clergé et les moines. En 1767, il supprima dans ses États l’ordre des jésuites et déporta les Pères en Corse. Sa politique extérieure ne fut pas sans gloire, bien que son alliance avec la France par le pacte de famille lui eût fait perdre temporairement Minorque, la Floride, etc., pris par les Anglais. Il échoua aussi, malgré ses efforts, contre les pirates barbaresques qu’il attaqua à plusieurs reprises. Sous son impulsion, la marine espagnole se releva de sa décadence. Ce fut lui qui établit dans les solitudes incultes de la sierra Morena des colonies d’Allemands qui les cultivèrent et les rendirent florissantes. On cite de lui deux mots caractéristiques qui peignent bien l’état de l’Espagne à son avènement. Au sujet des résistances contre ses utiles réformes, il disait : « Mes sujets sont comme les enfants, qui pleurent quand on les nettoie. » Lorsqu’on lui parlait de trames, d’intrigues dans les affaires publiques, ou de dissensions élevées dans les familles, il avait coutume de demander : « Quel moine y a-t-il dans cette affaire ? » Il mourut en emportant les regrets de ses sujets et l’estime de l’Europe.

Charles III (ordre de). Espagne. Le 10 septembre 1771, à l’occasion de la naissance du prince des Asturies, l’infant Charles-Clément, le roi Charles III institua cet ordre et le voua au mystère de l’immaculée Conception de la Vierge. Il s’en déclara grand maître et attacha cette dignité à la couronne d’Espagne. Le pape Clément XIV approuva cet ordre par une bulle en 1772. Destiné à récompenser ceux qui se sont distingués par leur mérite et leur vertu, il subsista jusqu’en 1808, époque à laquelle Joseph-Napoléon, devenu roi d’Espagne, le supprima. On le rétablit en 1814, et il fut composé de soixante chevaliers grands-croix, de deux cents chevaliers pensionnés, et d’un nombre illimité de chevaliers surnuméraires. Pour être reçu grand-croix ou chevalier pensionné, il faut faire preuve de noblesse et avoir au moins vingt-cinq ans ; pour être reçu surnuméraire, il faut avoir au moins quatorze ans. Les grands-croix ont le titre d’excellence et jouissent à la cour des privilèges qui y sont attachés. À leur réception, les chevaliers jurent de vivre et de mourir dans la religion catholique, de défendre les mystères de la sainte Vierge, de ne rien entreprendre, directement ou indirectement, contre la personne et les États du roi, de le reconnaître pour chef de l’ordre. La devise de l’ordre est : Virtuti et merito (à la vertu et au mérite). Les grands-croix portent en écharpe un large ruban moiré coloré en trois parties égales ; le milieu est blanc et les deux côtés bleu azur. À ce ruban est suspendue la croix à quatre branches et à huit rayons, avec boules d’or aux extrémités, portant dans un médaillon l’image de la Conception d’un côté, et le chiffre de Charles III de l’autre. Chaque branche de la croix est séparée de l’autre par une fleur de lis dorée. Les prélats et les ecclésiastiques qui sont grands-croix portent la décoration suspendue au cou par un large ruban ; les autres la portent attachée à un ruban en écharpe de droite à gauche. Les chevaliers pensionnés portent la croix à la boutonnière, et en outre une plaque plus simple que celle des grands-croix, au milieu de laquelle on lit le chiffre III. Les chevaliers surnuméraires portent la croix à la boutonnière sans avoir de plaque. Le collier de l’ordre se compose de trophées, de tours et de lions. On ne le porte que les jours de cérémonie avec un costume particulier.