Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES Ier, le Chauve, roi de France, puis empereur

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1007-1008).

CHARLES Ier, le Chauve, roi de France, puis empereur, fils de Louis le Débonnaire et de Judith de Bavière, né à Francfort-sur-leMein en 823, mort en 877. Dès l’âge de quatre ans ans, il reçut de son père le titre de roi d’Alemannie, puis celui de roi d’Aquitaine à la mort de Pépin. Objet de la jalousie de ses frères Lothaire et Louis, il partagea successivement la bonne et la mauvaise fortune du vieil empereur dans sa lutte contre ses fils révoltés. Après la mort de son père, en 840, il s’unit à son frère Louis le Germanique contre Lothaire, qui, comme fils aîné du Débonnaire, aspirait à la totalité de l’empire carlovingien, et qui fut défait à la sanglante journée de Fontanet ou Fontenailles dans l’Auxerrois, en 841. Louis et Charles ne surent ou ne purent tirer parti de leur victoire ; menacés de nouveau l’année suivante, ils resserrèrent leur alliance dans l’entrevue solennelle de Strasbourg (14 février 842). Le serment qu’ils prononcèrent en cette occasion, l’un en langue germanique, l’autre en langue romane, est le plus ancien monument écrit que l’on possède des idiomes français et allemand. En 843, le traité de Verdun consacra le démembrement définitif de la monarchie de Charlemagne. Charles eut toute la Gaule entre le Rhône, la Saône, la Meuse, l’Escaut et l’Océan. Toutefois, son neveu Pépin lui disputa longtemps l’Aquitaine méridionale, pendant que le duc Bernard se rendait indépendant dans la Septimaine et la Marche d’Espagne. Charles fit tuer en trahison ou peut-être tua de sa main le duc, soupçonné d’être son père, et, après quelques dévastations dans le Midi, dut céder l’Aquitaine à Pépin en 845, à la condition de l’hommage. La famine, la peste, les pirates normands, les Sarrasins mêmes, désolaient le royaume, en proie à l’anarchie. Son règne tout entier ne fut qu’une succession de calamités ; l’héritage du grand Charles tombait pièce à pièce, et les grands s’en partageaient les lambeaux pour constituer la féodalité. Les évêques étaient les maîtres de la France sous la toute-puissante impulsion d’Hincmar, archevêque de Reims. Mais ce gouvernement d’ecclésiastiques était impuissant contre les Normands, qu’on n’éloignait qu’à prix d’or, et qui revenaient sans cesse, par toutes les côtes et par tous les fleuves, porter leurs dévastations jusqu’au cœur du royaume, et piller les villes les plus puissantes, Nantes, Bordeaux, Rouen, etc. La guerre recommença en Aquitaine, en Bretagne, dans le Nord, sur tous les points de l’horizon, et de tous côtés les grands et les petits feudataires se rendaient indépendants et ensanglantaient déjà le pays de leurs luttes particulières. L’Armorique se détachait de la royauté franque et s’organisait librement sous le roi Noménoè et sous son successeur Hérispoé, que Charles le Chauve fut contraint de reconnaître en 851, sous la condition dérisoire de l’hommage. Afin qu’il ne manquât rien aux misères des peuples francs, les fils de Louis le Débonnaire se déchirèrent entre eux, et Louis le Germanique fut maître un moment d’une grande partie des États de Charles (859). Celui-ci, misérable roi impuissant à défendre son royaume contre ses feudataires et contre les épouvantables ravages des pirates scandinaves, ambitionnait cependant de vains titres et des agrandissements. En 869, à la mort de son neveu Lothaire II, il se jeta sur le royaume de Lorraine, que le traité de Mersen (870) l’obligea toutefois de partager avec son frère de Germanie. En 875, la mort de son autre neveu Louis II laissait l’Italie vacante ainsi que la dignité impériale. Il franchit rapidement les Alpes, prévint à Rome les fils de Louis, son compétiteur, et déroba pour ainsi dire le titre d’empereur à la complaisance du pape Jean VIII. La mort de son frère lui donna l’espoir de reculer ses frontières jusqu’au Rhin ; mais il fut battu par ses neveux à Andernach en 876, et mourut l’année suivante en traversant les Alpes, empoisonné, dit-on, par un médecin juif. Ce prince était violent, pusillanime, versatile et déloyal ; mais il protégea les lettres et les arts. Son fils Louis le Bègue lui succéda. L’année même de sa mort, il avait signé le capitulaire de Kiersy-sur-Oise, qui consacrait l’hérédité des comtés ; celle des fiefs existait déjà. Les comtes, jusque-là magistrats amovibles, au moins en droit, devinrent des souverains héréditaires. C’était l’acte d’abdication de la royauté franque ; l’ère féodale était ouverte.