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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES MARTEL ou KARL LE MARTEL, duc d’Austrasie, maire du palais des rois francs

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1007).

CHARLES MARTEL ou KARL LE MARTEL, duc d’Austrasie, maire du palais des rois francs. Il était fils naturel de Pépin d’Héristal et d’Alpaïde et naquit en 689, Soupçonné d’avoir trempé dans le meurtre de Grimoald, fils de Pépin et de Plectrude, il avait été déshérité et jeté en prison par ordre de son père dans la forteresse de Cologne. À la mort de Pépin, les Austrasiens le tirèrent de son cachot et le proclamèrent duc. Il écrase d’abord les Neustriens, qu’il poursuit jusqu’à Paris, refoule ensuite les Frisons au delà du Rhin et porte ses ravages jusqu’en Saxe. Les Neustriens vaincus appellent à leur aide les Aquitains, qui s’avancent jusqu’à Soissons. Charles, accouru à temps, enveloppe dans la même défaite Aquitains et Neustriens (719) et se trouve ainsi maître de toute la France du Nord, comme maire du palais du fantôme mérovingien Chilpéric II. De nouveaux et redoutables ennemis se présentent, les Arabes, maîtres de l’Espagne et qui débordaient sur tout le Languedoc, lançant déjà leur innombrable cavalerie jusqu’en Poitou et jusqu’en Bourgogne. Le terrible Marteau accourt de la Germanie, où il guerroyait presque continuellement, entraînant à sa suite une foule de barbares d’outre-Rhin, rencontre l’émir Abdérame et les Sarrasins dans les plaines de Poitiers (732), en fait un carnage exagéré sans doute par l’imagination populaire, et sauve ainsi par cette mémorable victoire la civilisation chrétienne et l’Occident de la conquête musulmane. Il reprit ensuite quelques villes du Midi où flottait l’étendard du Prophète, mais ne put emporter Narbonne, et essaya en vain de brûler les Arènes de Nîmes, changées par les Arabes en forteresse. On distingue encore aujourd’hui sur les murs la trace de l’incendie. L’invasion germanique n’était pas moins à craindre pour la Gaule, et ce ne fut que par une longue suite d’expéditions que Charles Martel parvint à refouler les barbares de ces contrées belliqueuses où il recrutait ses soldats. C’est sans doute à sa vaillance irrésistible, à son activité, à ces coups multipliés frappés sur les ennemis des Francs qu’il dut son surnom de Marteau. On n’a d’ailleurs à cet égard aucune certitude et diverses opinions ont été émises. Pour attirer les guerriers sous ses drapeaux et pour les y retenir, il leur livrait les biens du clergé, crime irrémissible qui ne lui a jamais été pardonné par l’Église. Ni le service immense qu’il avait rendu à chrétienté en faisant rétrograder les sectateurs du Coran, ni l’appui efficace qu’il donna aux missions chrétiennes en Germanie, ni la protection accordée au pape contre les Lombards ne purent apaiser l’irritation de l’Église contre l’envahisseur de ses biens : sa mémoire demeura chargée pour jamais d’anathèmes et de malédictions. À la mort de Thierry, il ne fit point nommer un autre roi et dédaigna de prendre lui-même ce titre méprisé en la personne des derniers mérovingiens, et qui bientôt devait passer à son fils Pépin. Il laissa le trône vacant et gouverna avec une autorité absolue depuis 735 jusqu’à sa mort, arrivée à Kiersy-sur-Oise en 741. Disposant de la France comme d’un domaine acquis, comme d’une principauté, il partagea en mourant la Neustrie et l’Austrasie entre ses fils Carloman et Pépin.