Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHOISEUL (Étienne-François, duc DE), homme d’État

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 1p. 173).

CHOISEUL (Étienne-François, duc de), homme d’État, né en 1719, mort en 1785. Il fut connu d’abord sous le nom de comte de Stainville, et obtint un avancement rapide dans la carrière des armes. En 1759, il était lieutenant général. Spirituel, élégant, présomptueux, homme à bonnes fortunes, quoique d’un extérieur peu agréable, il se fit remarquer à la cour de Louis XV, et gagna, par des moyens plus ou moins honorables, la faveur de Mme  de Pompadour, qui le fit nommer ambassadeur à Rome. Il y obtint de Benoît XIV la fameuse lettre encyclique sur les billets de confession et le refus de sépulture, qui apaisa sans les terminer les disputes sur la bulle Unigenitus. Chargé de l’ambassade de Vienne en 1756, il fit avec Marie-Thérèse le traité d’alliance contre la Prusse qui fut l’objet de tant de controverses. À la chute du cardinal de Bernis, il reçut le portefeuille des affaires étrangères (1758), puis celui de la guerre après la mort du maréchal de Belle-Isle, enfin les titres de duc et pair et de lieutenant-colonel des Suisses. Il conquit rapidement un ascendant presque absolu, sous le patronage de la favorite ; premier ministre sans en avoir le titre, il dirigeait seul toutes les affaires et disposait de toutes les places. Sans avoir un talent supérieur et un système bien arrêté, il accomplit cependant des réformes utiles, et laissa de son administration un souvenir éclatant. Il réorganisa l’armée, releva la marine et les colonies, répara les désastres des guerres précédentes, rétablit l’influence française en Europe, négocia le fameux pacte de famille, qui unissait en un faisceau les souverains de la maison de Bourbon, réunit la Corse à la France, malgré l’opposition secrète de l’Angleterre, combattit avec succès les prétentions de cette puissance sur les possessions espagnoles, traversa les projets ambitieux de la Russie sur la Pologne, poussa la Turquie à déclarer la guerre à Catherine, et l’eût aidée sans l’opposition formelle du roi, retrancha les subsides accordés à des princes étrangers, qu’il sut maintenir dans l’alliance de la France sans les soudoyer, diminua les dépenses des services qui lui étaient confiés, enfin contribua à l’expulsion des jésuites, protégés en vain par le dauphin. Une intrigue de cour, conduite par les ducs d’Aiguillon et de Richelieu, l’abbé Terray et le chancelier Maupeou, amena sa chute en 1770. Il eût pu se maintenir s’il ne se fût aliéné la nouvelle favorite, Mme  Dubarry. Exilé dans sa terre de Chanteloup, il reçut à son départ les témoignages les plus flatteurs de l’estime publique. Il reparut un moment à la cour à l’avènement de Louis XVI ; la reine, dont il avait négocié le mariage, lui fit un accueil gracieux ; mais le roi, prévenu contre lui, le traita avec une froideur qui l’engagea à retourner dans ses terres. Le duc de Choiseul était d’une prodigalité sans bornes ; malgré son immense fortune et ses traitements considérables, il laissa en mourant des dettes que sa veuve n’acquitta qu’en se ruinant. On a publié sous son nom, en 1790, des Mémoires qui sont d’une authenticité douteuse.