Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/COLET (Louise RÉVOIL, dame), femme de lettres contemporaine

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 3p. 584-585).

COLET (Louise Révoil, dame), femme de lettres contemporaine, née à Aix, en Provence, le 25 août 1808, dans cette Provence ensoleillée et odorante qui rappelle la Grèce au temps où Théocrite écoutait chanter les bergers, où Bion répétait les plaintes de Vénus, où l’Amour mouillé venait frapper à la porte d’Anacréon endormi ; dans cette Provence où la poésie, la poésie vraie, c’est-à-dire tout à la fois simple et naïve, grande et forte, a trouvé son dernier refuge : Louise Colet était bien digne d’avoir un tel berceau.

Par sa mère, elle appartient à une vieille famille de robe ; M. de Servanne, son grand-père, était membre du parlement de Provence ; il fut l’ami de Mirabeau, et, comme lui, il applaudit et se mêla à la rédemption de 1789. Par son père, elle appartient au négoce. Fils d’un riche commerçant de Lyon, M. Révoil passa d’abord sa jeunesse à Naples et vint s’établir à Marseille ; après s’être mêlé au mouvement révolutionnaire, il devint tout à coup suspect. Obligé de fuir, il prend la route d’Aix ; le château de Servanne se rencontre sur ses pas ; il va frapper à la porte, qui s’ouvre toute grande devant le proscrit. À quelque temps de là, la jeune fille du maître de cette maison hospitalière, Mlle  de Servanne, devenait Mme  Révoil. C’est de cette union toute romanesque que naquit, elle huitième, Louise Colet, la muse dont nous avons à crayonner la sympathique et très-originale figure.

Un des derniers volumes publiés par Mme  Colet a pour titre : les Enfances célèbres. L’auteur aurait pu, et à bon droit, se placer elle-même dans cette galerie toute gracieuse, un peu triste aussi selon nous, car ils ont perdu une grande part du bonheur de cette vie, la plupart de ces enfants qu’une précoce intelligence a faits hommes avant l’heure. Il en fut ainsi de la jeune Louise, et la poupée que l’on berce et que l’on gronde, et la corde, et le volant, aucun jeu de fillette n’eut pour elle de charmes. Elle avait des goûts de travail que rien ne pouvait distraire, des besoins invincibles de solitude, une passion de lecture qui l’absorbait tout entière ; son imagination la transportait sans cesse dans un monde idéal : à dix ans, elle lisait nos grands poëtes et essayait déjà de parler leur divin langage.

À quatorze ans, Louise eut le malheur de perdre son père ; cette douloureuse séparation rendit la jeune fille plus rêveuse, plus amoureuse de solitude, et partant plus studieuse, plus avide que jamais de tout connaître, de s’identifier à tout ce qu’il y a de beau et de noble. Ici un détail douloureux : Louise était née, avons-nous dit, le huitième et dernier enfant de M. Révoil. Dans ce cas, on est ordinairement ou haï de ses aînés ou ardemment aimé par eux, qui veulent être, disent-ils en leur tout naïf et joli langage, « votre petit père » et « votre petite mère. » Louise était douée d’une beauté ravissante, angélique, et son intelligence était merveilleuse ; en toutes choses elle formait contraste avec ses aînés : elle fut haïe par eux. Lorsque la belle muse fait un retour vers le passé, que devant son esprit se présentent ces pages de sa vie, son cœur se serre. Nous n’insisterons donc pas, de peur que ces lignes ne tombent sous ses yeux. Et puis n’avait-elle pas de grands dédommagements aux sottes moqueries que lui valait son amour de l’étude ?

À la mort de M. Révoil, la famille, qui habitait Aix, se retira au château de Servanne. Si la Provence, comme nous le disions tout à l’heure, est la Grèce de la France, la portion qui comprend le château de Servanne est l’Attique de cette Grèce. Ce fut déjà un aliment de plus pour la poétique imagination de la jeune Louise, que le paysage au milieu duquel elle vécut dès lors, paysage borné par la chaîne des Alpines, tout parsemé d’orangers en fleurs et de lavande odorante, d’où l’on voit par intervalle s’élever quelques débris de monuments romains ou la flèche toute blanche d’une église de village, Saint-Remi par exemple.

Un autre aliment se joignait à celui-là, et le complétait pour ainsi dire ; c’était la bibliothèque du château, où l’enfant passait les heures qu’elle ne donnait pas à la rêverie dans les sentiers fleuris et ombreux. C’est là que, en compagnie des grands poètes, de tous les sublimes esprits qui ont inscrit leur nom sur le livre d’or qui raconte les progrès de la pensée humaine, elle forme son jeune esprit, coordonne ses pensées, régularise, s’il est permis de parler ainsi, son imagination.

Ici se place un épisode qui, dans la vie de Mme  Louise Colet, fut un événement décisif. Toutes les personnes distinguées par l’esprit ou par la naissance qui se rendaient à Saint-Remi, à Aix, à Nîmes ou dans une ville non éloignée, se hâtaient de faire une visite à Servanne. Un jour, les portes du château s’ouvrirent devant une femme élégante, jeune encore, et qui, par sa beauté, par son esprit et surtout par ses amours, avait fait beaucoup de bruit vers la fin du siècle dernier ! C’était Julie Candeille, la maîtresse platonique de Vergniaud, devenue femme de M. Périer, directeur des beaux-arts à Nîmes. Louise n’était point là pour la recevoir avec sa mère. Où était-elle ? « Sous un bosquet, à rêver sans doute, » dit ironiquement quelqu’un de ses frères. En effet, Louise rêvait sous un bosquet, et c’est là que l’illustre visiteuse la rencontra tenant un manuscrit à la main : ce manuscrit était écrit de sa main d’enfant, c’étaient des vers. Julie les lut, puis se les fit réciter par la jeune muse et fut enthousiasmée. À quelques jours de là, la nouvelle Corinne rendait visite à Mme Périer, qui la priait de jeter quelques vers sur un album où se lisaient les noms, illustres déjà, de Lamartine, Hugo, Vigny… Louise n’hésita pas, et la poésie au bas de laquelle elle écrivit son nom fut trouvée fort belle. Ce succès l’enhardit, et la voilà envoyant à des journaux de Lyon, de Marseille, de Paris, des vers signés simplement : « Une femme. » Sa mère, toute glorieuse de ce jeune talent, l’encourageait comme l’avait encouragée autrefois M. Révoil, qui pressentait un bel avenir à cette blonde enfant aux grands yeux bleus, au regard profond. Cette mère aimée mourut en 1835, au milieu des premiers triomphes de son enfant. Louise en ressentit une douleur profonde, dont on retrouve l’écho dans un superbe poëme intitulé : Ma mère. Presque à la même date, elle perd une amie d’enfance, une jeune fille de quinze ans, à la mémoire de laquelle elle consacre de ravissantes pages. En voici un fragment :

. . . . . . . . . . . . . . .

Jamais esprit plus pur, jamais formes plus belles ;
Elle avait tout d’un ange, âme et corps, moins les ailes,
Les ailes qu’en venant vers nous elle quitta,
Pour les trouver au ciel quand elle y remonta.
Elle est morte à quinze ans dans une paix profonde,
Avant d’avoir ouvert son âme chaste au monde,
Morte, ne connaissant que le toit paternel,
Que l’église des champs dont elle ornait l’autel ;
Que les pauvres venant recevoir le dimanche
L’aumône qui tombait de sa main frêle et blanche.

. . . . . . . . . . . . . . .

Un jour, des vers empreints de la même tristesse douloureuse parvinrent jusqu’aux oreilles, au plutôt jusqu’au cœur d’un jeune compositeur, Hippolyte Colet, de Nîmes, grand premier prix de Rome.

L’enthousiasme de l’artiste alla jusqu’à solliciter de Mlle Louise Révoil la permission de mettre en musique quelques-unes de ses poésies ; elle y consentit. L’admiration du jeune homme grandit de jour en jour ; loin de l’étouffer, il en fit part à Louise, qui se sentit vivement touchée et partagea l’amour du passionné méridional.

Les deux enfants de la Provence se virent, s’aimèrent et s’unirent. Bientôt après, M. Colet fut obligé de partir pour Paris ; Louise, qu’aucune affection ne retenait plus à Aix, l’accompagna. M. Colet devint professeur au Conservatoire, tandis que sa femme reprenait la plume. Autour de ce jeune talent on vit bientôt se grouper Alexandre Dumas, Charles Nodier, Babinet, etc.

En 1837, Mme Colet fit paraître les Fleurs du Midi ; ce volume commença sa réputation. Peu de temps après, les académiciens de toutes les écoles prodiguèrent des lauriers au talent de la muse et des myrtes à sa beauté. Mme Louise Colet était toujours blonde, fraîche, souriante ; néanmoins, on découvrait dans son œil bleu une force de volonté, une mâle résolution qui faisait présager qu’elle ne resterait pas enfermée dans l’humble sphère aimée par la plupart des femmes parce qu’elle est faite pour elles.

Mme Colet voulait la lutte, les émotions orageuses de la vie ; elle voulait surtout la liberté de penser tout haut. Son talent énergique, brutal parfois, lui valut beaucoup d’envieux, partant beaucoup d’ennemis.

Cette dixième muse, ainsi que quelques-uns l’ont appelée, se lassa de ne manier qu’une fragile « lyre » (style de l’époque dont nous parlons). Un jour elle se réveilla lionne ; sa main blanche aux ongles roses s’arma soudain ; le sang venait de lui monter au cerveau. Ses vers avaient fait couler bien des larmes, l’auteur voulait faire trembler maintenant. Quelle était l’occasion, sinon la cause, de cette révolution subite ? Pourquoi cette grande colère ? Parce que la critique l’assaillait de toutes parts, railleuse, méchante, implacable ; parce qu’on niait le talent de Mme Colet, parce qu’on lui disputait la trop large place qu’elle prenait au soleil.

Alphonse Karr lui-même, oubliant, tout homme d’esprit et de goût qu’il était et qu’il est encore, oubliant qu’il s’agissait d’une femme, dirigea les dards aigus de ses guêpes contre la muse du Midi. Leurs petites pointes venimeuses ne se contentèrent pas de percer l’épiderme, elles plongèrent et replongèrent jusque dans la vie intime de l’auteur. Hommes ou femmes qui sortent de la foule appartiennent au public, nous le savons, mais il y a des bornes, et ces bornes Alphonse Karr, cet humoriste charmant qui cultive avec tant d’amour les violettes et les roses ; ces bornes, avouons-le, le jardinier-poëte les franchit en cette circonstance.

La lionne blessée rugit, si bien qu’un soir elle s’arme résolûment… non d’un poignard, non d’une fine lame de Tolède, comme disaient les romantiques chevelus d’alors, mais… d’un prosaïque couteau de cuisine. Notre poëte féminin voulait se venger ; elle avait une fille, elle avait un mari ; mais celui-ci, il faut le croire, oubliait quelquefois son rôle d’homme pour le laissera sa femme. Arrivée devant la porte de son ennemi, Mme Louise Colet attendit dans une exaltation fiévreuse, se demandant si elle n’irait pas jusque chez lui tuer celui qu’elle avait condamné. Le spirituel critique lui évita cette peine ; il descendit calme comme l’innocence, ayant une cigarette à la bouche et des idées souriantes plein le cœur. Tout à coup il aperçoit une main, toute petite, toute blanche, mais armée, mais menaçante. Sans plus s’émouvoir, le jardinier de Nice, qui à cette époque ne cultivait pas spécialement les fleurs, arrache l’arme homicide, l’examine dans tous les sens, la met précieusement dans sa poche de gauche, sur ce même cœur qui avait failli cesser de battre un instant auparavant, puis il continue à fumer sa cigarette.

Mme Louise Colet n’a plus que ses ongles, que ses dents : elle dédaigne de s’en servir et s’en retourne révoltée de sa défaite…

Le modeste couteau à manche noir, et qui heureusement n’avait effleuré que le drap d’une antique robe de chambre, figure chez l’auteur des Guêpes parmi les mille curiosités que les admirateurs ont données comme souvenir au conteur inimitable. Au-dessous, comme légende, on lit ces mots :

    
DONNÉ À ALPHONSE KARR

PAR MADAME LOUISE COLET......

        DANS LE DOS.

Cette petite scène mélodramatique a tourné au ridicule, on ne la conte plus que le sourire aux lèvres. C’est peut-être fâcheux, une blessure eût sans doute fait réfléchir les critiques malveillants quand même et mal élevés, le drap lui-même avait été à peine effleuré ; c’était un duel à la balle de liége, au pain d’épice, à la moelle de sureau, au fromage de Gruyère : notre Charlotte Corday n’était plus justiciable que du ridicule.

Une autre fois, l’impétueuse méridionale souffleta en pleine rue un jeune homme dont elle avait à se plaindre et qui passait près d’elle sans la saluer. Nous ne savons pas ce que ce monsieur a fait de son soufflet ; il lui était assez difficile de le placer sur une étagère comme avait fait Alphonse Karr de son poignard ; tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’il l’a gardé.

À la nouvelle de cette correction, un illustre philosophe improvisa, dit-on, pour l’héroïne cette devise :

Maxime sum mulier ; sed sicut vir ago,

Louise oublia vite ces accidents extrapoétiques dans l’étude, qui fut toujours, quoi qu’on en ait dit, sa grande, sa vraie passion. La Revue de Paris publia successivement sous sa signature, déjà honorablement connue et aimée, plusieurs nouvelles, dont une, Sylvio Pellico, fut surtout remarquée. À quelque temps de là, elle concourait pour le prix de poésie proposé par l’Académie française : le Musée de Versailles. Elle sortit victorieuse de ce concours. Trois fois depuis cette époque, elle s’est remise sur les rangs, et trois fois elle a été couronnée. Cette succession de triomphes est peut-être la page la plus intéressante de la vie de notre auteur. Laissons-la nous la raconter elle-même. Voici ce qu’écrit Mme Colet dans la préface du petit volume publié par M. Lévy en 1855, et renfermant les quatre poëmes heureux : « Nous avons concouru quatre fois pour le prix de poésie, et quatre fois nous l’avons remporté. Comme cela n’était jamais arrivé à aucune femme, le public s’est étonné, et quelques-uns ont crié à la faveur. Nous avons repoussé du sourire, et aujourd’hui nous repoussons de la parole cette opinion. Chaque fois que nous avons eu le prix, c’est appuyée par la poésie contemporaine, par une de ces forces vives dont nous parlions tout à l’heure, protection accordée à l’œuvre et non à la personne.

« En 1839, à peine connue par la publication de quelques vers, nous apprîmes, cinq jours seulement avant la clôture du concours, que le sujet du prix proposé était le Musée de Versailles. Ce sujet nous tenta, et nous fîmes précipitamment le chant sur Versailles, tel que nous le publions aujourd’hui. Le souffle général, et çà et là quelques strophes, frappèrent, Népomucène Lemercier ; il se fit l’avocat de nos vers et il les défendit avec cette conviction et cette conscience qu’il a mises dans tous les actes de sa vie. Le prix nous fut décerné ; il fut même doublé, à cause du sujet national que nous avions chanté. L’ouverture du musée de Versailles préoccupait alors tous les esprits ; notre poëme eut un grand retentissement, qui tenait moins à son mérite qu’à l’événement qu’il célébrait.

« En 1843, malade depuis quelques mois, et presque dans l’impossibilité de travailler, nous ne songions guère au concours de poésie, dont le sujet était : le Monument de Molière. Un jour Béranger vint nous voir ; il nous parla avec tant d’éloquence, de verve et d’émotion de la vie de Molière, qu’après l’avoir entendu nous écrivîmes presque sans désemparer un chant, non sur le monument qu’on élevait au grand homme, mais sur l’homme lui-même. Béranger, qui avait été cette fois notre initiateur, devint notre appui à l’Académie même ; il recommanda nos vers, sans nommer l’auteur, à son ami M. Lebrun, et, pour la seconde fois, nous obtînmes le prix.

« Nous laissâmes s’écouler plusieurs années sans nous préoccuper de lauriers académiques. Au commencement de 1851, sous la République, l’Académie donna pour sujet de son prix de poésie : la Colonie de Mettray. Nous composâmes un chant rapide et ému qui fut envoyé et jugé par l’Académie sans recommandation. Le secret avait été si bien gardé, et par conséquent l’impartialité fut telle, que Victor Hugo, qui se fit le défenseur de la poésie, l’attribuait à un jeune poëte républicain, et il répétait à ses confrères ce vers :

Ayons de ces grands cœurs où bat le cœur de tous !

comme résumant tout l’esprit de notre pièce sur Mettray. Mais l’Académie, préoccupée des événements récents et de ceux dans l’attente desquels on vivait, crut sentir un souffle socialiste dans notre poésie, qui ne renfermait qu’un souffle de justice et de charité. Le prix ne fut pas décerné, et le concours sur le même sujet fut remis à l’année suivante.

« En 1852, les événements avaient changé ; on ne craignait plus les entraînements de la liberté, et notre poëme, que nous renvoyâmes au concours en y changeant seulement quelques vers, ne parut plus révolutionnaire à l’Académie. Elle n’y vit que ce qu’il renferme en effet, un esprit de mansuétude et de commisération pour tous. Nous obtînmes le prix pour ce poëme rejeté l’année précédente.

« Le sujet du prix de poésie de 1853 fut l’Acropole d’Athènes. Cette fois, ce ne fut pas l’espérance d’un succès qui nous détermina à concourir, ce fut l’amour du sujet même. Nous avions dit notre admiration instinctive pour tout ce qui tient à l’art grec, dans des vers depuis longtemps publiés :

Moi, fille de la Grèce en deçà de ma vie !
Mes aïeux ont baigné leurs flancs dans l’Ilissus.
Du sang des Phocéens mes pères sont conçus,
Et mon cœur a gardé de la race première
Le triple amour de l’art, du beau, de la lumière.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


    Famille, courant qui se brise ;
    Qui sait l’influence transmise
    Du sang inconnu des aïeux ?

« Fille de cette colonie phocéenne où l’art grec s’était transmis sans altération, quoiqu’en passant au travers, ou plutôt à côté de l’art romain, nous avions joué enfant et médité jeune fille parmi les ruines des temples et du théâtre d’Athènes. La Maison-Carrée de Nîmes nous avait fait rêver du Parthénon. Nous avions vécu pour ainsi dire dans des colonies d’Athènes, et la mère patrie nous préoccupait toujours. Aussi ce magnifique sujet de l’Acropole ne nous inspira-t-il point, comme les autres concours, une sorte d’improvisation. Nous relûmes Pausanias, nous étudiâmes Muller, nous admirâmes, à Londres, les marbres ravis au Parthénon, nous revîmes dans nos musées ses plâtres complets, et, quand nous eûmes reconstruit par la pensée le monument primitif sur ce rocher sacré qui domine Athènes, la procession des Panathénées se déroula pour nous ! Puis c’étaient les hétacombes, les jeux et les spectacles par lesquels on célébrait Minerve. Au pied de l’Acropole, dans le théâtre de Bacchus, où les spectateurs assis voyaient se dérouler au loin la nappe bleue et mouvante de la mer, retentissaient les vers d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide et d’Aristophane ; les populations de la Grèce et de l’Asie Mineure encombraient les rues d’Athènes et les campagnes voisines. C’était un mouvement, une vie, une gloire, qui semblaient éternels ! Que reste-t-il aujourd’hui de ces splendeurs ? les ruines de l’Acropole portant au front le Parthénon flanqué de la Tour vénitienne, puis les débris de la colonnade des Propylées, l’enceinte des temples détruits et les blocs disjoints du mur pélasgique ! Qu’est aujourd’hui la docte Athènes ? une bourgade peuplée de Grecs ignares. Quels navires sillonnent désormais la mer d’azur qui baigne le Pirée ? ceux des forbans qui courent sus aux pavillons civilisés. Que survit-il de la Grèce entière ? rien que la grandeur de ses souvenirs. Mais cette grandeur suffit pour inspirer le poète et l’artiste. « De tous les peuples de la terre, a dit Gœthe, les Grecs ont le plus noblement rêvé le rêve de la vie ! » Cette pensée était l’épigraphe du poëme sur l’Acropole que nous envoyâmes au concours de 1853, et qui fut inscrit à l’Institut sous le n° 53.

« Les poëtes qui ont mission de sauvegarder la poésie et de lui attirer l’attention de leurs confrères à l’Académie ne siégeaient point parmi les juges de ce concours de 1853. Victor Hugo était en exil, Alfred de Musset était absent, Alfred de Vigny et Lamartine ne quittaient pas leurs terres. L’Académie, distraite, ne lut point ou n’écouta point notre poëme et ne décerna pas de prix. Le sujet fut maintenu au concours ; nous fîmes comme pour la Colonie de Mettray, nous changeâmes quelques vers à ce poëme, nous remplaçâmes l’épigraphe de Gœthe par une épigraphe de Byron, et nous l’envoyâmes de nouveau au concours de 1854. Cette fois-ci, les poètes étaient présents, l’Académie était attentive, l’illustre auteur de Chatterton, le protecteur-né de ceux qui parlent cette langue divine de la poésie si peu écoutée du public, Alfred de Vigny, défendit notre Acropole avec la même impartialité que Victor Hugo avait défendu notre Colonie de Mettray, ignorant tous les deux qu’ils protégeaient l’œuvre d’une femme.

« Notre poëme sur l’Acropole a remporté le prix. Que le lecteur nous pardonne les détails qui précèdent : ils expliquent le sentiment de gratitude qui a dicté nos quatre dédicaces. Désormais les concours de poésie ne nous tenteront plus. Notre poëme de la Femme nous éloigne pour toujours du cadre académique restreint et déterminé ; tout notre temps est donné à ce poëme et à la continuation d’études dramatiques dont la plus faible a seule jusqu’ici abouti à la scène. D’autres, qui ont paru trop hardies comme idée et comme sentiment, ont été publiées ; celles qui suivront seront, nous l’espérons, représentées. Dans le domaine de la pensée, les témérités qui semblent dissonantes la veille deviennent le diapason du lendemain. Ceux qui se mettent à la remorque des faiseurs et des prétendus habiles arrivent vite et banalement. Ceux qui s’inspirent de leur individualité, des passions qu’ils ont ressenties ou observées et de l’étude des grands maîtres, sans imitation servile et seulement comme on recherche une atmosphère vivifiante, ceux-là arrivent tard, mais leur place se fait glorieuse et durable. »

Tout cela n’est peut-être que de l’autobiographie un peu exaltée ; mais nous avons lu ces lignes avec plaisir, et nous avons pensé que d’autres pourraient les lire avec le même sentiment.

Après son premier succès académique, Mme Louise Colet avait obtenu de M. A. de Salvandy, ministre de l’instruction publique, une pension qui fut doublée peu de temps après, que la République maintint, mais que l’Empire a cru devoir diminuer considérablement.

En 1842, Mme Louise Colet devint une des grâces et une des illustrations du salon célèbre de Mme Récamier. C’est par Mme Dupin qu’elle y fut présentée. Cette même année, la muse enthousiaste chanta avec toute son âme le désastre de Sidi-Brahim, et félicita le grand-duc de Toscane Léopold d’avoir refusé de livrer un réfugié italien au pape. Vers la même époque, elle fit un drame en cinq actes et en vers sur Charlotte Corday ; cette œuvre, malgré son mérite incontestable, n’a jamais pu affronter la rampe. Deux autres drames : Madame Roland et une Famille en 1793, ont eu le même sort, ainsi qu’une comédie intitulée les Lettres d’amour. La Jeunesse de Gœthe, l’œuvre que Mme Louise Colet nous disait tout à l’heure être entre toutes la plus faible, a été jouée.

Vers 1849, Mme Colet habitait la rue de Sèvres, en face de l’Abbaye-aux-Bois, dans la maison de Ballanche, le grand penseur, le profond philosophe. Elle y hérita des hôtes habituels de sa voisine, Mme Récamier, et l’on rencontrait alors dans son salon Béranger, Émile de Girardin, Michel de Bourges, Hugo, Villemain, d’autres illustrations encore et en grand nombre.

C’est à cette époque que se place, dans la vie de Mme Colet ; un épisode qui a fait beaucoup de bruit. Elle avait signé avec le directeur de la Presse un traité pour la publication des lettres de Benjamin Constant, qui lui venaient de Mme Récamier, morte récemment du choléra. Mme Lenormant, héritière de la gracieuse châtelaine de l’Abbaye-aux-Bois, arrêta cette publication et réclama la correspondance intime comme lui appartenant. Mme Colet refusa, voulut passer outre, mais un procès eut lieu, et les tendres confidences, les doux épanchements de l’auteur d’Adolphe ne parurent pas comme l’aurait désiré notre héroïne : cette correspondance ayant été donnée pendant que Mme Récamier était aveugle, la possession par Mme Colet en fut regardée comme illégitime.

En 1851, Louise Colet perdit son mari : c’est en cette douloureuse circonstance qu’elle fit, avec sa fille, âgée de neuf ans, son premier voyage en Angleterre. Victor Hugo, le grand exilé, reçut la muse avec un véritable bonheur. Elle emporta de Guernesey plusieurs galets que le poëte ramassait en se promenant avec elle et sur lesquels il s’amusait à tracer son nom immortel.

De retour à Paris à la fin de 1852, plus que jamais elle est entourée, adulée ; son modeste salon de la rue de Sèvres devient le rendez-vous de tous les gentilshommes de la plume, une Académie au petit pied, une église où l’art est adoré. On y rencontre Alfred de Vigny, Henri Martin, Gustave Flaubert, Leconte de Lisle, Lanfray, Patin, Alfred de Musset. Les beaux jours du xviie siècle et du xviiie siècle sont revenus. Un grand salon littéraire a rouvert ses portes ; c’est pour peu de temps. À la fin de l’automne de 1859, Louise Colet part pour l’Italie ; ce beau ciel lui inspire Madeleine ; elle revint en France pour publier Lui.

Arrêtons-nous un instant devant ce titre. Ce n’est point une apologie que nous écrivons, mais une biographie qui a la prétention d’être une photographie, une photographie reproduisant sans doute les qualités du modèle, mais aussi ses défectuosités, ses irrégularités, ses taches. Or, Lui est une tache ; c’est une faute en la vie de Mme Colet. Nous n’avons pas besoin de rappeler les circonstances qui furent l’occasion de cette publication. A. de Musset était mort, et Georges Sand avait écrit un roman : Elle et Lui, dont l’illustre poëte était le héros, l’auteur l’héroïne, et dans lequel à celle-ci était sacrifié celui-là, Laurent à Thérèse, Lui à Elle. Paul de Musset, le frère de Laurent, de l’amoureux transi malheureux, un peu ridicule, riposte par un autre roman : Lui et Elle, contre-partie du roman de Georges Sand, et dans lequel, cette fois, Olympe de B…, c’est-à-dire Thérèse, c’est-à-dire Elle, c’est-à-dire Georges Sand, est sacrifiée à E. de Falconey, c’est-à-dire à Laurent (Alfred de Musset). C’est alors que Mme Colet entre en lice à son tour et publie Lui pour faire suite à la fois, à Elle et Lui et à Lui et Elle, « un petit à-propos hors de propos, » dit très-justement M. Vapereau dans son Année littéraire.

Là on voit la réalité sous la fiction, les visages sous les masques, les noms sous les pseudonymes. La parole est à une marquise distinguée, jeune encore, veuve et ruinée, qui s’est faite bas-bleu pour vivre et élever son enfant. Stéphanie de Rostan devient tout d’un coup l’objet d’une passion foudroyante de la part d’un grand homme de lettres qu’elle avait entrevu elle-même comme son idéal dans ses rêves de jeune fille. Le grand homme, qu’elle nomme Albert de Lincel, est blasé, usé, épuisé. Il a mené la vie à grandes guides, et il est puni de ses excès par des besoins qu’il ne peut plus assouvir. La marquise résiste à l’attaque, si impétueuse qu’elle soit. Dès sa première visite, le poëte s’installe chez elle ; il lui demande à boire du vin, « cette liqueur aux parfums âcres » dont la marquise n’a jamais goûté, ou toute autre boisson alcoolique : la marquise n’a que de l’eau sucrée à lui offrir. Il lui demande ensuite plus brutalement encore quelque chose de plus ; ses complaisances pourraient le sauver des mauvais lieux où il va courir en la quittant. Sans l’encourager tout à fait, elle n’ose pas, de peur de le rejeter dans l’abîme, repousser ses assiduités, et, entre autres récits malsonnants qui remplissent leurs longs tête-à-tête, en présence même de l’enfant, le poëte raconte son passé et la malheureuse passion qui a ouvert à sa vie et à son génie le même tombeau. Il a été la dupe et la victime d’une célèbre artiste, Antonia Back (on devine qui), cette femme-homme, aux habitudes des deux sexes, plus âgée que lui, et qui traite l’amour maternellement et cavalièrement. À partir de ce moment, c’est une réédition de Lui et Elle par Lui. Le voyage en Italie ne manque pas à ce récit, non plus que la scène dans la chambre du malade avec le beau médecin. Elle est mitigée pourtant et dégagée des circonstances aggravantes. Quant à la marquise, après avoir souffert, encouragé, sinon récompensé les assiduités d’Albert de Lincel, elle finit par l’écarter, et elle a la fatuité de croire que ses rigueurs n’ont pas été étrangères à la fin prématurée de l’illustre et malheureux poëte ; mais elle a elle-même dans la tête et au cœur un amour qui ne lui permet pas d’autres attachements trop profonds. Elle réserve ce que l’auteur n’ose appeler sa fidélité pour un certain penseur absent qui l’aime moins du cœur que du cerveau (on devine encore quel est ce penseur).

Nous laissons de côté les détails, ainsi que certains personnages accessoires. Que les amateurs de scandale sondent ces mystères de boudoir et d’alcôve, et cherchent le mot de toutes ces énigmes révélatrices. Quant à nous, n’insistons pas davantage et contentons-nous de renvoyer les curieux à notre article sur les Confessions d’un enfant du siècle.

Les publications qui suivirent celle dont nous venons de parler ont pour titres : Histoire d’un soldat, Madame Duchâtelet et l’Italie des Italiens (4 vol. in-18).

En 1864, Mme Louise Colet se rendit à Gênes, de Gênes à Turin, de Turin à Venise. Naples la posséda tout l’hiver. Elle s’était logée à l’ancienne colonie de San-Leucio, près de Caserte, puis dans l’île d’Ischia, à la Villa-Réal.

Au séminaire, on se préoccupa fort de sa présence, qu’on regarda comme dangereuse ; les écrits de Mme Colet, tant soit peu irréligieux, la rendaient fort redoutable et lui suscitèrent un grand nombre d’ennemis. Les moines, frappés de terreur à cause des fièvres qui régnaient depuis quelque temps en Italie, accusèrent la Muse d’avoir empoisonné les sources ; ces bruits monstrueux grandirent peu à peu, si bien qu’un jour on menaça de mort Mme Louise Colet. Heureusement qu’elle avait des amis en Italie, qui la tirèrent des griffes de ces furieux.

Un mot encore sur le caractère de Mme Louise Colet ; voilà près de deux ans (elle était alors absente), Victor Cousin mourut en témoignant le désir de laisser quelque chose à l’amie de vingt ans. Comme rien n’avait été désigné dans le testament, les héritiers du grand écrivain se mirent à la disposition de Mme Louise Colet pour lui offrir la somme qu’elle désignerait ; celle-ci ne voulut fixer aucun chiffre, sa nature loyale se révolta justement. Ce fut avec toute la délicatesse possible que les héritiers demandèrent à Mme Louise Colet de leur montrer la correspondance du philosophe : elle refusa de nouveau, indignée de cette sorte de profanation. Une modeste rente lui fut offerte, et elle l’accepta comme souvenir. Quant aux lettres de Victor Cousin, personne ne les a lues ; Mme Colet, qui a toutes les délicatesses du cœur, préfère une fortune modeste et le travail, à une fortune brillante acquise par une lâcheté.

Un dernier ouvrage, les Derniers marquis, parut chez Dentu en 1866. Voici le jugement porté sur ce livre par un critique. « Mme Louise Colet abandonne enfin l’Italie, cette Italie des Italiens dont elle nous a parlé si longuement et en bons termes, pour revenir en France avec les Derniers marquis. Le titre de ce volume est tout de fantaisie ; car dans la nouvelle, d’ailleurs délicate et bien conduite, qui en remplit la moitié, c’est à peine s’il est question de ces gens titrés que Napoléon ne voulut pas admettre dans sa hiérarchie nobiliaire. La seconde partie du livre, intitulée Deux mois aux Pyrénées, n’est que le récit d’excursions faites dans les chaînes de l’ouest, depuis Dax, Pau et les Eaux-Bonnes, jusqu’à Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et Fontarabie. L’auteur y narre d’un style agréable ses impressions, ses aventures et ses rencontres. Tout cela n’a rien de l’intérêt romanesque qui relève les Derniers marquis, mais ne laisse pas de plaire au lecteur par la foule des judicieuses observations et des remarques spirituelles.

Nous y avons rencontré quelques vers d’une bonne facture et d’une coupe heureuse, écrits sur le bord de la mer :

Debout, sur les rochers où ta voix se lamente,
M’enivrant de ta force et de ta majesté,
Je te vois tantôt calme et tantôt véhémente,
      Déserte immensité !
Ô mer, je t’aime ainsi, sublime, solitaire,
Repoussant les pêcheurs, dédaignant les vaisseaux.
Et semblant tour à tour plaindre ou railler la terre
Avec les cris stridents qui sortent de tes eaux.
Ces longs gémissements qui meurent sur tes rives
De nos propres douleurs me semblent un écho ;
Je m’incline au-dessus des vagues attractives
      Et je comprends Sapho !
Ton flux montant toujours sur la roche qu’il creuse
Est moins rongeur qu’en nous les âpres passions.
Et le suaire froid de ta vase visqueuse
Moins glacé que l’oubli de ceux que nous aimions.

. . . . . . . . . . . . . . .

Oh ! que nous voulez-vous, vagues insidieuses ?
Parfois vous vous dressez avec des bruits si doux
Que l’essaim éperdu des âmes malheureuses
       Voudrait aller à vous.
Montez, montez vers ceux que l’angoisse consume !
Couvrez leurs pieds lassés et leurs fronts abattus ;
Ensevelissez-les dans votre blanche écume.
Vous pleurerez sur eux quand ils ne seront plus.

On voit que Mme  Louise Colet est de l’école de Lamartine et qu’elle fait honneur à son maître. Elle a même un souffle plus viril que les imitateurs ordinaires de l’auteur de Jocelyn, et joint aux délicatesses de la phrase l’énergie de la pensée. Du reste, nous avons montré plus haut que Mme Louise Colet sait prouver par des actes qu’elle fait exception au caractère ordinaire à son sexe.

Les autres ouvrages du fécond écrivain sont les Derniers abbés, publiés tout récemment. Avant cette publication avaient paru les Petits messieurs ; les Courtisanes de Capri, roman contemporain ; deux volumes de poésie : les Convictions ; la Journée d’une femme du monde ; les Satires du siècle, étude mordante, brutalement vraie, retraçant trop exactement peut-être les vices de notre époque.

Mme Louise Colet, qui est un écrivain consciencieux et désintéressé, a repoussé les conseils de ses amis, qui lui recommandaient la prudence et s’effrayaient pour elle des idées audacieuses émises dans ces satires qui parlent de tout, critiquent tout, touchent à tout : à la religion, aux mœurs, à la politique. L’auteur répondit aux sages conseilleurs : « Je sais bien que ma pension me sera retirée ; mais que voulez-vous ! je ne peux pas mentir et j’éprouve le besoin de me révolter tout haut. » En effet, elle s’est révoltée sans ménager personne. Le poëme dont nous venons de parler devait paraître dans le Siècle : les épreuves avaient été envoyées à l’auteur, lorsque la publication fut interdite à cause de la violence et surtout des idées par trop libérales répandues dans ce recueil.

Mme Colet s’est révoltée, comme toujours, contre cette prudence qu’elle qualifiait de manque de courage. Néanmoins. quelques fragments ont paru dans un journal, le Nain jaune, mais avec de nombreuses coupures.

Que nous donnera maintenant Mme Colet ? C’est ce que nous ne savons pas. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’elle se dispose à nous quitter pour retourner en Italie, où elle est attirée par ce beau ciel qui lui rappelle sa Provence, et surtout par ses amis, au nombre desquels nous citerons Garibaldi.

Mme Colet a eu trois enfants, deux garçons et une fille. Cette dernière seule vit encore : Mlle Henriette Colet, née en 1842, est mariée à un docteur en médecine habitant Verneuil, M. Émile Bissieux.

Maintenant, que Mme Colet nous permette, en terminant, de lui chercher noise à propos de certaines expressions heurtées, brutales, à l’emporte-pièce, qui émaillent trop souvent ses écrits ; elle parait faire fi de la forme, sans doute par antipathie pour Brid’oison. Pour nous en tenir à un exemple, nous rappellerons ce passage de l’Italie des Italiens, où, en parlant de jeunes filles aux allures un peu échevelées, elle s’écrie : « On eût dit des échappées du Sacré-Cœur. » Voilà qui manque de justice, et, en outre, de tact et d’habileté : un pareil coup de boutoir, madame, autorise vos ennemis à dire que, démon tombé du ciel, vous regardez d’un œil jaloux et colère ce séjour des élus.