Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CONDÉ (Louise-Marie-Thérèse-Bathilde D'ORLÉANS, duchesse DE BOURBON, princesse DE), plus connue sous le nom de duchesse de Bourbon

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 868-869).

duchesse de Bourbon ne fût pas aimée, être en opposition avec la famille royale fut cause que tout le monde se déclara pour elle, les femmes surtout… etc. » Bezenval passe ensuite au récit du duel et des petites négociations qui le précédèrent ; mais il est bon de se souvenir en le lisant, si on ne l’a pas senti au ton de ce qu’on vient de lire, que le narrateur était, par sa position à la cour, entièrement dévoué à l’une des deux parties. Le duc de Bourbon, au milieu de ses écarts, avait conservé le respect de sa femme ; il était à peu près séparé d’elle depuis deux ans déjà lors du duel qu’il eut à son sujet avec le comte d’Artois, et sa conduite dans cette affaire en parut d’autant plus singulière et chevaleresque.

Il n’y eut toutefois plus rien de commun entre eux, et chacun vécut à part. Dans sa retraite, la duchesse de Bourbon chercha une occupation pour son esprit actif dans le mouvement des idées qui agitaient le monde, et, de lecture en lecture ou, si l’on veut, d’étude en étude, elle en vint à être frappée de quelques écrits mystiques du temps, et surtout de ceux du philosophe Saint-Martin ; ce qui la disposa plus tard à embrasser les doctrines théophilanthropiques de dom Gerle et de Catherine Théot, qui se faisait appeler la mère de Dieu. S’il fallait ajouter foi aux Mémoires un peu suspects de Sénart, agent du comité de sûreté générale, le médecin de la duchesse de Bourbon, nommé Lamothe, et quelques-uns de ses gens, auraient fréquenté la maison de le rue Contrescarpe-Saint-Marcel qu’habitait la célèbre illuminée (dont l’histoire, par parenthèse, a été un peu chargée par les écrivains de parti, et non suffisamment éclairée), et dom Gerle aurait prêché dans des réunions qui avaient lieu à l’hôtel de la princesse. On ne voit pas de traces bien sensibles d’illuminisme dans les écrits connus de Mme la duchesse de Bourbon ; on y voit plutôt quelques rêves politiques et sociaux à la manière du bon abbé de Saint-Pierre, des utopies de bien public si l’on veut, et beaucoup de philanthropie. Longtemps avant 1789, les principes qui devaient trouver leur formule suprême dans la Déclaration des droits l’avaient gagnée, et les idées d’égalité n’avaient rien qui révoltât son orgueil de princesse ou qui froissât les sentiments naturels de son cœur. L’illuminisme qu’on a prétendu trouver chez elle n’était que le libéralisme de ses opinions. Quoi qu’il en soit, l’Ami de la religion et du roi (1822, t. XXXIII, p. 85) dit que, lorsque la prétendue prophétesse Labrousse vint à Paris, en 1790, elle fut logée chez la duchesse de Bourbon, où elle tenait des réunions avec des évêques constitutionnels ; il ajoute que la même princesse paraît avoir fait les frais de l’édition des prophéties Labrousse qu’on publia à Paris en 1791. Mlle Labrousse avait beaucoup des qualités et des défauts de sainte Thérèse et de Mme Guyon, et il ne lui a manqué peut-être, pour être canonisée, que d’avoir vécu au temps où vivait sainte Thérèse. C’était une mystique exaltée dans la première partie de sa vie, et elle le fut un peu jusqu’à fin ; mais elle eut toujours un grand cœur, et, chez elle, l’esprit chrétien, loin d’être l’ennemi de la liberté républicaine, en était l’auxiliaire et le fondement. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la duchesse ait accueilli et logé dans son hôtel cette religieuse qui, avec une certaine intrépidité, prédisait en termes bibliques les choses que le temps portait dans son sein. Mais il n’est pas certain que ce soit la duchesse de Bourbon qui ait fait les frais de la publication des prophéties de Mlle Labrousse. La duchesse elle-même avait composé et fait imprimer, vers ce temps, deux ouvrages différents, de chacun 2 vol. in-8o. Ces ouvrages sont aujourd’hui perdus, peut-être les a-t-elle supprimés elle-même ; mais nous en devons la connaissance à un témoin tout à fait irrécusable : « Mme la duchesse de Bourbon, dit l’abbé Lambert (Mémoires de famille, historiques, littéraires et religieux, par l’abbé Lambert, dernier confesseur de S. A. S. Mgr le duc de Penthièvre, etc. Paris, Painparré, 1812, in-8o, p. 59), fut la première à la venir consoler (Mme la duchesse d’Orléans, mère du roi Louis-Philippe), dans son affliction, à l’occasion de la mort du duc de Penthièvre, arrivée dans les premiers mois de 1793, et demeura quelques jours à Bisy. Elle fit présent à sa sœur de deux ouvrages de sa composition, en deux volumes chaque. Ces livres, imprimés à ses frais, contenaient des erreurs d’un genre tout à fait nouveau. Déjà ils avaient paru avant mon départ de Paris pour Anet, et, à la prière de M. l’abbé Floiras, j’avais fait le relevé de tout ce qui s’y trouvait de contraire à la foi. C’est sur ce relevé qu’était intervenue une censure des deux ouvrages, très-bien faite, parfaitement en mesure avec les circonstances au milieu desquelles nous nous trouvions, et dans laquelle la Sorbonne s’était surpassée. »

Au mois de mai 1793, la duchesse de Bourbon fut reléguée avec le reste de sa famille au fort Saint-Jean, à Marseille. Dans la séance du 28 brumaire an II (18 novembre 1793), la Convention entendit la lecture d’une lettre de l’agent de la princesse, contenant l’état de ses biens, qui se montaient alors à 11 millions. Le sort de ses créanciers et de ses serviteurs une fois assuré, elle ne se réservait, disait-elle, sur le surplus, que ce qui était nécessaire à ses besoins, et abandonnait le reste aux veuves et aux orphelins des défenseurs de la patrie ; elle demandait en même temps qu’il lui fût permis de se retirer dans tel lieu de la République qu’elle voudrait choisir. Elle n’obtint pas ce qu’elle désirait ; seulement, après la Terreur, un décret de la Convention du 10 floréal an III (29 avril 1795) ordonna que, sur les biens séquestrés de la duchesse, un payement lui serait fait d’une somme de 180, 000 fr., et, lors de la déportation de fructidor an V, la loi du 19 de ce mois (5 septembre 1795) prononça son exclusion du territoire de la République, en lui accordant une pension annuelle de 50, 000 fr.

Mme la duchesse de Bourbon se rendit immédiatement en Espagne, avec Mme la duchesse d’Orléans, sa belle-sœur (mère du feu roi Louis-Philippe). Après un voyage pénible, elle passa la frontière de Catalogne, où elle se vit d’abord dans une situation qu’on aurait peine à se figurer. « Les déportés, dit l’un d’eux, le conventionnel Rouzet, l’un des compagnons de route et d’exil de la duchesse, se trouvèrent tellement aux expédients, en arrivant en Espagne, que la duchesse de Bourbon commença par être obligée d’emprunter quelque argent à un Espagnol qu’elle n’avait jamais vu. » Mais bientôt elle reçut la pension stipulée en sa faveur ; elle fixa sa résidence en Catalogne, à Soria, près de Barcelone. « Mme de Bourbon, dit le même Rouzet, se signale aujourd’hui plus que jamais par sa soumission aux décrets de la Providence ; elle laisse également au Ciel à régler le sort de son mari et de son fils. Tout entière aux œuvres de la charité chrétienne, Mme de Bourbon n’est, pour ainsi dire, plus qu’une sœur grise, qui reçoit dans sa maison de campagne, auprès de Barcelone, jusqu’à deux cents malades par jour, qu’e1le panse et soulage lorsqu’ils sont dans le besoin. Elle ne quitta pas cette résidence pendant tout le temps que Barcelone fut occupée par les troupes françaises à partir de 1809, et n’eut point à se plaindre des procédés qui furent suivis à son égard. C’est même pendant cette occupation qu’elle fit imprimer, sans nom de lieu, mais à Barcelone même, deux nouveaux volumes intitulés, le premier : Correspondance entre madame de B… et M. R… (Ruffin) sur leurs opinions religieuses, et le second : Suite de la correspondance entre madame de B… et M. R…, et divers petits contes moraux de madame de B… « Si j’ai fait imprimer cette correspondance, dit l’auteur, c’est par la difficulté que j’ai éprouvée en voulant en faire faire plusieurs copies, ce qui eût été fort long et fort dispendieux. J’en ai fait tirer un très-petit nombre d’exemplaires pour donner à mes amis, et les planches (elle veut dire les formes) en sont détruites (t. II, p. 41). » Ces deux volumes, qui n’ont rien de commun avec les deux ouvrages dont nous avons déjà parlé, ont été mis à l’index à Rome.

M. Ruffin, à qui Mme la duchesse de Bourbon confiait ses idées politiques et religieuses, était le militaire français qui avait été chargé par le Directoire de l’accompagner jusqu’à la frontière d’Espagne, après le 18 fructidor. Ses bons procédés envers la princesse exilée et ses qualités personnelles lui gagnèrent le cœur de Mme de Bourbon, qui conçut pour lui l’amitié la plus tendre, ainsi qu’elle le raconte elle-même, dans l’avant-propos historique qu’elle a placé en tête de sa correspondance. Ce commerce épistolaire dura depuis le mois d’octobre 1799 jusqu’au 29 janvier 1812. Le bon ange Michel était la dénomination que M. Ruffin avait reçue de la princesse, et qu’il avait adoptée pour signature dans cette correspondance. S’il est facile de signaler des erreurs d’esprit dans les lettres de la duchesse, il est bien plus facile encore, et surtout bien plus doux, d’y reconnaître, ce qui est en effet, un bon cœur et une grande générosité de sentiments. Même à l’époque du 18 fructidor, la duchesse de Bourbon témoignait le plus grand regret d’être forcée de quitter la France. « Oui, je dois concevoir, dit-elle, plus d’espérance que jamais de mon retour en France, et, sûrement, je ne suis pas celle qui sent le moins vivement le bonheur de la paix qu’elle vient de faire (la paix d’Amiens) ; car j’ai en horreur tout ce qui tient à la guerre et à la destruction volontaire de l’humanité. Mais la rentrée des émigrés avant la mienne me fait craindre que Bonaparte, ainsi que tous les grands hommes, n’ait son petit coin de faiblesse, et qu’il n’en soit pas assez exempt pour rendre justice à ceux d’entre les….. qui ont été constamment fidèles à leur patrie. Le temps m’apprendra si je me trompe. Je n’ose donc me livrer entièrement à l’espérance, ainsi qu’à la joie que me causerait le bonheur de revoir mes amis. » (Lettre XVII, t. II, p. 93.)

Dans de plus hauts sujets, elle est plus remarquable encore. Il est beau, il est attendrissant d’entendre plus loin Mme de Bourbon combattre les préventions dont M. Ruffin s’était laissé surprendre contre les doctrines philanthropiques du XVIIIe siècle. On avait monté la tête à M. Ruffin particulièrement contre l’abbé Raynal, par une grossière calomnie qu’il avait accueillie beaucoup trop légèrement. Il la transmet à Mme de Bourbon. Elle ne sait pas précisément elle-même à quoi s’en tenir, et elle admet presque le fait comme le lui rapporte dans sa bonne foi M. Ruffin ; mais qu’à cela ne tienne : « Ne vous endurcissez pas, lui écrit-elle, sur le sort des malheureux nègres, qui n’est que trop réel, parce que Raynal gagne à cette traite 100, 000 fr. (c’est ce qu’on avait fait croire à M. Ruffin, et ce qu’il avait mandé à Mme de Bourbon). Est-ce parce qu’un homme d’une plume savante sait attendrir votre cœur sur une injustice atroce sans en être lui-même touché, que vous renonceriez au beau sentiment de la pitié qui vous eût fait voler au secours de ces malheureux ? Et pouvez-vous éteindre cette chaleur divine en vous disant : Raynal a acheté et vendu des nègres ? Non, mon bon ange ; si cette chaleur était en vous, celle de la pure et divine charité, elle subsisterait toujours dans votre cœur, mais sans haine, sans désir de vengeance envers les instruments de cette injustice. Vous brûleriez du désir qu’elle fût anéantie et réparée aussitôt que possible ; mais vous ne vous permettriez jamais de répandre le sang ou venger les victimes. Telle est la morale de cette religion pure que je vous prêche, etc. » (Lettre XIX, t. Ier, p. 113.) C’est avec la même chaleur de cœur qu’elle défend, contre les préventions de M. Ruffin, toutes les causes justes, et, comme on l’a vu, la Révolution elle-même dans ses grandes lignes et son grand courant. (C’est un livre vraiment curieux à lire que cette correspondance, presque aussi curieux qu’il est rare, et il est si rare que, même au poids de l’or, on le chercherait en vain chez les libraires. Mme de Bourbon s’y montre en maint endroit pleine d’admiration pour Bonaparte, et dans des lettres écrites presque au moment où il allait être le meurtrier du fils de la duchesse. La lettre qui suivit la nouvelle de l’exécution du duc d’Enghien, et où elle parle de ce malheur, est plus remarquable encore, sous un certain rapport, qu’on n’aurait osé s’y attendre : « Ah ! mon enfant, souffrez que je vous donne ce nom cruel et cher à mon cœur. Je viens d’en perdre un selon la chair, faites que j’en retrouve un autre en vous selon l’esprit ! Hélas ! j’engendrai le premier dans la douleur : il fut élevé loin de moi pour ma douleur ; il suça des principes qui m’ont causé bien des douleurs, et je le perds par suite de ces principes, dans les plus mortelles de toutes les douleurs. Vous fûtes, mon cher ange, dans les premiers instants de notre connaissance, un adoucissement dans mes chagrins ; votre belle âme se fit sentir à la mienne. Vos lettres ont souvent suspendu mes douleurs, la dernière est une espèce de baume appliqué sur la plaie saignante de mon cœur, » etc. (Lettre LXII, t. Ier, p. 344.) Et, au milieu de tout cela, pas une échappée de haine contre Bonaparte. Quels que fussent les nouveaux et bien justes motifs qu’elle avait de le haïr, il paraît que la surnaturelle mansuétude de Mme de Bourbon n’en fut point altérée ; car, au mois de février 1806, elle écrivait : « Je me réjouis de vous retrouver avec la paix, dont je partage avec la France la joie et le bonheur. Hélas ! si tous les hommes jugeaient et sentaient comme moi, elle n’eût pas été achetée par tant de sang répandu, car la guerre n’eût jamais été entreprise. » Lettre LXXXIII, t. Ier, p. 469.) Plus tard, elle disait encore (juillet 1807) : « Il vaudrait beaucoup mieux ne jamais quitter cette bonne France, et que la paix m’y ramenât, comme l’a promis celui à qui rien ne résiste (allusion sans doute à quelques mots de Napoléon rapportés à la princesse). Mourir dans les bras de ma fidèle amie est tout ce que je souhaite sur cette terre. Je n’ai besoin ni d’habitations ni de richesses, mais de cœurs sincères et bons ; voilà ce qu’il me faut, surtout dans ma chère patrie. » (Lettre XCVI, t. II, p. 42.) À l’occasion des premiers mouvements militaires qui allaient faire éclater en Espagne la révolution de 1808, elle écrivait : « De tout ce qui se passe, s’il allait en résulter pour moi la possibilité de retourner en France, avec quelle satisfaction je recevrais encore vos embrassements, mon bon ange. Mais quelle douleur s’il fallait, au contraire, m’éloigner du continent. Dieu me préserve de fixer mes jours si loin de ma patrie et de mes plus chères amies ! » (Lettre CXI, t. II, p. l02.) — « Mon exil me semble bien inutile au salut de l’empire et au bonheur de l’empereur. Comment se peut-il que je ne puisse en obtenir la fin, surtout après l’avoir demandée avec tant d’insistance et de constance ? » (Lettre CX, t. II p. 118.)

Il paraît qu’il a encore existé un quatrième ouvrage de la duchesse de Bourbon, tiré à très-petit nombre, sous le titre de Mémoires. On dit que ce livre, où l’on trouvait des choses extrêmement singulières, a été soigneusement supprimé, après la mort de l’auteur.

Rentrée en France à l’époque de la Restauration, la duchesse de Bourbon continua de vivre séparée de son mari, toujours occupée de bonnes œuvres. Elle avait établi dans son hôtel, rue de Varennes, un hospice, dit hospice d’Enghien, pour recevoir des pauvres malades, et elle l’avait confié à des sœurs de charité, selon son cœur. Elle vécut ainsi, sans faire sa cour à personne, dans la pratique de ses théories charitables. Tout semblait lui promettre encore de longs jours lorsqu’elle fut frappée d’une mort subite, sans agonie, de telle sorte que la mort a été pour elle comme un simple évanouissement. Le 10 janvier 1822, à une heure après midi, elle s’était rendue à l’église de Sainte-Geneviève pour y assister aux cérémonies religieuses, célébrées pendant l’octave de la fête patronale de cette église. À deux heures, la procession commença, et la princesse la suivait quand, tout à coup, elle parut éprouver une certaine vacillation, qu’elle s’efforça de surmonter pour ne pas interrompre la cérémonie ; mais le mal prit le dessus, et la princesse tomba en défaillance. Elle eut encore la force de demander de l’eau. Lorsqu’on eut approché le verre de ses lèvres, elle le repoussa. Un missionnaire s’approcha en cet instant, pour recueillir ses dernières paroles et lui donner l’absolution ; mais elle ne put prononcer un seul mot. Elle fut transportée immédiatement à l’École de Droit, située sur la place en face de l’église, dans l’appartement de l’un des professeurs de l’école (M. Grappe), qui s’empressa de mettre à la disposition des gens de la duchesse de Bourbon tout ce qui était chez lui. On la plaça d’abord, évanouie, sur un canapé ; mais, pour lui administrer des soins avec plus de succès, à l’arrivée des médecins qu’on avait envoyé chercher, on la transporta sur un lit de l’appartement, où elle expira quelques minutes après. Son corps fut ensuite transporté à Dreux, et déposé dans le tombeau de sa famille.


CONDÉ (Louise-Adélaïde de Bourbon, princesse de), sœur de Louis-Henri-Joseph, née à Chantilly en 1757, morte en 1824. Elle était destinée au comte d’Artois, mais elle montra de bonne heure une piété austère, et fut nommée, en 1786, abbesse de Remiremont. Ayant émigré avec sa famille, elle passa l’époque de la Révolution dans divers couvents en Suisse, en Autriche, en Russie et en Pologne ; se rendit en Angleterre après la mort du duc d’Enghien, revint à Paris en 1815. et reçut de Louis XVIII la maison du Temple, où elle établit l’institution de l’Adoration perpétuelle. Ballanche a publié ; en 1834, une correspondance entre cette princesse et un jeune officier, M. de La Gervaisais (1786-1787), curieux échantillon d’amour platonique.


CONDÉ (Jean de) écrivain du XIIIe siècle. Il n’est connu que par ses œuvres, d’ailleurs très-remarquables, lesquelles consistent en quelques pièces en prose, quelques vers et deux mystères. Son morceau le plus piquant est, sans contredit : Chanoinesses et bernardines. V., à l’ordre alphabétique, le compte rendu de cette pièce satirique.


CONDÉ (L.-M.), contre-amiral français, né à Auray le 17 septembre 1752, mort à Pontivy (Morbihan), le 10 février 1822. Le père de Condé, négociant considéré, destinait son fils à l’état ecclésiastique ; mais l’enfant ne dissimula point la répugnance que cet état lui inspirait. Sa déclaration lui attira de mauvais traitements auxquels il prit le parti de se soustraire. Il s’enfuit à Auray, où il s’engagea comme pilotin à bord d’un navire de la Compagnie des Indes en partance pour la Chine. Il fit, sur les bâtiments de la même Compagnie, plusieurs campagnes, et passa, en 1778, sur l’Iphigénie, en qualité de lieutenant de frégate. Ce navire ayant capturé le cutter l’l’Expédition, Condé fut chargé de le conduire à Brest. Embarqué sur l’Aigrette, il eut également à ramener à Nantes le cutter le Fox, pris par cette frégate. Il fut ensuite placé sous les ordres de Pontevez-Gien, et fit la campagne de la Gambie et de Sierra-Leone. Après avoir successivement commandé deux goélettes anglaises capturées dans cette campagne, Condé fut chargé d’aller porter en France la nouvelle du succès de l’expédition. Il prit le commandement de la corvette la Junon, qu’il avait ordre de conduire à Brest. Le trajet fut périlleux, car Condé n’eut pas à soutenir moins de cinq engagements successifs contre divers bâtiments, mais l’avantage lui resta constamment. Il eut, dans l’un de ces combats, l’occasion de montrer son courage. Un baril de cartouches placé près de lui ayant fait explosion, il eut le corps littéralement couvert de brûlures, et cependant il n’abandonna pas son poste. S’étant fait apporter un baquet d’eau, il s’y plongea tout entier, et continua, dans cette position, à donner ses ordres, malgré d’atroces douleurs.

On retrouve Condé, en 17S0, commandant le brick le Saumon, et servant successivement de mouche à de Ternay, à Barras et au comte de Grasse, dont la division, dite des Antilles, eut à soutenir plusieurs engagements. À la paix de 1783, Condé rentra dans la marine du commerce, et fit trois campagnes en Chine et au Bengale. Il reprit le service de l’État en 1792. comme lieutenant de vaisseau. L’année suivante, il était nommé capitaine, et commandait le Ça-ira (ci-devant la Couronne), qui faisait partie de la division du contre-amiral Martin. Surpris par l’armée du contre-amiral Hotham, avec ses deux mâts de hune brisés, le Ça-ira dut néanmoins engager le combat avec une frégate anglaise, l’Inconstant, qui, dès la première bordée, blessa grièvement cinq des hommes du bâtiment français, et mit le feu à bord. Condé put néanmoins forcer l’'’Inconstant à se retirer de la lutte. Il fut remplacé par l’Agamemnon, que commandait Nelson, alors capitaine de vaisseau, et qui reçut des avaries majeures. Une manœuvre hardie tira le Ça-ira de la position critique où il se trouvait, et lui permit de rejoindre le gros de l’armée. Malheureusement, les avaries qu’il avait reçues ralentirent la marche du Ça-ira, de telle sorte que le lendemain matin il se trouvait assez loin de la division de l’amiral Martin, et très-près de la division anglaise, avec le vaisseau le Censeur, également fort maltraité la veille.

Attaqués par le Captain et le Bedford, les deux navires français ripostèrent si bien qu’ils désemparèrent leurs ennemis et les contraignirent à quitter le champ de bataille. Le