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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Chansons de Coulanges

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 3p. 929).

Chansons de Coulanges, publiées en 1698. Homme du monde avant tout, renommé pour son esprit et ses succès, M. de Coulanges, dont Mme de Sévigné et Bussy-Rabutin font le plus grand éloge, s’avisa, malgré son titre de grand seigneur, de composer des chansons. Elles circulèrent dans le public, par l’indiscrétion de quelques amis, et l’on en publia un recueil plein de fautes. Chagriné de voir ainsi compromettre sa réputation de poëte, que d’ailleurs il n’avait nullement recherchée, M. de Coulanges fit paraître lui-même une édition de ses œuvres en tête de laquelle il s’annonçait ainsi au lecteur :

Manger et rire incessamment
  Est tout ce qui l’occupe ;
D’un solide raisonnement
  Il n’est jamais la dupe.
Il est sans chagrin, sans ennui
  Et rien ne l’importune :
Tout ce qu’il possède est à lui
  Et rien à la fortune.

Le recueil obtint un franc succès. L’auteur se distinguait par un esprit brillant et railleur. Le style était vraiment d’une admirable légèreté, tout à la fois poétique et énergique. On y reconnaissait un goût prononcé pour le genre lyrique. La majeure partie des pièces étaient plutôt de petites épîtres en dix, douze ou quatorze vers que des chansons. Quelques morceaux étaient des plus sérieux ; nous citerons comme exemples plusieurs fables de La Fontaine mises en chansons, idée ingénieuse reprise par M. Péan, l’un des secrétaires de l’Assemblée nationale de 1848. M. de Coulanges avait choisi le Héron, la Fille, le Coche et la Mouche. On a retenu les vers suivants de Coulanges, qui font allusion à l’inégalité des conditions :

D’Adam nous sommes tous enfants,
  La preuve en est connue,
Et que tous nos premiers parents
  Ont mené la charrue ;
Mais las de cultiver enfin
  La terre labourée,
L’un a dételé le matin,
  L’autre l’après-dinée.

Le trait est finement tourné, et la facture du couplet est des plus naturelles. M. de Coulanges est, en vérité, un habile versificateur, et l’on a lieu de croire que, s’il eût fait de l’art d’écrire une application plus essentielle et plus suivie, il serait au nombre de nos bons poëtes.