Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Charles XV, petit-fils du précédent, et fils du feu roi Oscar et de Joséphine-Maximilienne-Eugénie de Beauharnais, princesse de Leuchtenberg et d’Eischstadt

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Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1018).

CHARLES XV, petit-fils du précédent, et fils du feu roi Oscar et de Joséphine-Maximilienne-Eugénie de Beauharnais, princesse de Leuchtenberg et d’Eischstadt, né le 3 mai 1826. « Jamais, dit un historien suédois, naissance de prince n’excita un pareil enthousiasme. Cette naissance, en effet, consolidait la dynastie que la Suède avait adoptée, et mettait ainsi fin à ces convulsions intérieures qui, en renversant l’antique maison royale, avaient porté une atteinte si profonde aux forces vives du pays. Parvenu à l’âge des études, le prince Charles fut mis entre les mains de maîtres dévoués et habiles. Il fit de rapides progrès, et bientôt on le vit occuper une place distinguée sur les bancs de l’université d’Upsal. Le prince Oscar, son père, voulait que tous ses fils suivissent les cours de ce grand établissement national. Sa carrière d’étudiant terminée, il entra dans l’armée, où il ne tarda pas à se passionner pour les exercices militaires.

Le 8 mai 1844, le vieux roi Charles-Jean étant mort, son fils Oscar lui succéda. Dès lors, le rôle du prince Charles s’agrandit. Il prit le titre de prince royal, et commença ce laborieux apprentissage du trône auquel il devait être appelé un jour. En effet, différent du roi son père, qui l'avait toujours tenu systématiquement éloigné des affaires, le roi Oscar n’omit rien pour que son fils y fût largement initié. C’est ainsi que l’on vit le prince Charles assister sous sa présidence aux conseils du cabinet, diriger pendant ses voyages le conseil de régence, occuper plus tard le poste de vice-roi, prendre en main le gouvernement des deux royaumes. Le 19 juin 1850, le prince Charles, âgé de vingt-quatre ans, épousa la princesse Louise des Pays-Bas, née le 5 août 1828. Deux enfants sont nés de cette union : la princesse Louise-Joséphine-Eugénie, le 31 octobre 1851, et le prince Charles-Oscar, qui est mort en 1854, en sorte qu’au moment actuel le trône de Suède n’a pas d’héritier mâle direct. À la mort du roi Oscar, le 8 juillet 1859, le prince Charles monta sur le trône, sous le nom de Charles XV. Il fut couronné à Stockholm le 3 mai 1860, et à Trondjem le 5 août de la même année. À leur avènement au trône, les rois de Suède prennent une devise qui doit être comme le symbole de leur futur règne. Celle de Charles-Jean était : « L’amour du peuple est ma récompense ; » celle d’Oscar : « Justice et vérité » ; Charles XV choisit celle-ci : « Un pays doit être bâti sur la loi. » Il s’y est montré constamment fidèle. Charles XV est ce qu’on appelle un bel homme ; son grand air, sa haute prestance imposent. Il se distingue par une intelligence élevée, un esprit cultivé, un caractère ferme, une franche et gracieuse cordialité. Il prend au sérieux son rôle de souverain constitutionnel ; mais il n’en est pas moins très-hardi dans ses initiatives et très-énergique à les faire prévaloir. La Suède lui doit beaucoup ; il continue vigoureusement les traditions fécondes et patriotiques de Charles-Jean et d’Oscar. Toute idée, tout projet tendant à activer dans ses États le progrès moral ou matériel trouvent en lui un appui généreux et efficace. Souvent, il est vrai, ses meilleures intentions se heurtent contre une législation surannée et de beaucoup en arrière des mœurs contemporaines ; mais ces entraves mêmes sont un nouvel aiguillon qui le pousse dans la voie des réformes. Parmi celles qui ont été accomplies jusqu’à présent, la plus considérable est la réforme parlementaire. On sait que, de tous les pays de l’Europe constitutionnelle, la Suède était le seul qui eût conservé la représentation par les quatre ordres : clergé, noblesse, bourgeoisie et paysans. Il résultait de là, par suite de l’accord immanquable des deux premiers ordres, et de leur influence presque toujours prépondérante sur le quatrième, une sorte d’oligarchie déguisée qui, dans la plupart des questions, consultait beaucoup plus son intérêt propre que celui de l’État. La Suède se trouvait ainsi condamnée sinon à l’immobilité, du moins à un mouvement d’une lenteur désespérante. Cette lenteur s’érigeait même en système dès qu’il s’agissait de toucher à quelque privilège des deux ordres dominants. Désormais il en sera autrement. La vieille diète est abolie ; les chambres suédoises, débarrassées des ordres et des castes au profit des véritables représentants du pays, n’auront plus qu’à s’occuper des intérêts nationaux. Cette réforme, due à l’énergie et à la persévérance de Charles XV, sera l’éternel honneur de son règne.

Faut-il conclure de là que la Suède est appelée, dans un avenir plus ou moins prochain, à reprendre le grand rôle qu’elle a joué jadis dans les destinées de l’Europe ? Sans aller aussi loin, on peut lui prédire, du moins, une action plus vive et plus sentie que celle à laquelle elle a dû se borner durant les dernières années de ce siècle. Si, par exemple, l’union Scandinave, sortie des limbes du rêve et de l’utopie, venait à se réaliser, qui ne voit l’importance qu’elle ajouterait dans le concert européen à l’intervention d’un État aussi éclairé et aussi riche en ressources que la Suède ? Charles XV marche prudemment, il est vrai, dans la voie qui semble préparer cette union ; mais il ne perd de vue aucun des bénéfices qu’il pourrait en retirer,

La réforme parlementaire contribuera certainement à avancer l’union dont il s’agit. Avec sa diète des quatre ordres, la Suède était mal posée vis-à-vis du Danemark et de la Norvège. Ils la regardaient comme une puissance d’un autre âge, et hésitaient à confondre leurs destinées avec la sienne. Maintenant elle peut marcher de pair avec ces deux royaumes et exercer sur eux toute sa force d’attraction. On ne verra plus, dans tous les cas, la Norvège soulever contre la Suède de ces conflits irritants semblables à celui qui a si vivement préoccupé Charles XV pendant les deux premières années de son règne, et qu’il a eu tant de peine à apaiser. Mais, vis-à-vis du Danemark, sa situation est moins nette. S’inspirant d’une rancune de sentiment plutôt que d’une froide appréciation des nécessités politiques, le Danemark n’oubliera pas de longtemps qu’après lui avoir promis aide et protection en cas de danger le roi de Suède l’a laissé attaquer, battre et mutiler, sans lui envoyer autre chose que des notes et des protocoles.

Dans les loisirs qu’il sait se ménager au milieu des labeurs du gouvernement, Charles XV cultive les arts. Il est poëte et peintre. Un choix de ses poésies a été traduit et publié en français ; quant à ses tableaux, dont quelques-uns sont très-appréciés des connaisseurs, ils figurent d’ordinaire aux expositions de Stockholm, de Copenhague et de Christiania.