Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Confessions d’un mangeur d’opium, par Thomas de Quincey

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 903).

Confessions d’un mangeur d’opium, par Thomas de Quincey (Londres, 1821 et 1822). Ce livre humoristique est une sorte d’autobiographie. Pour en expliquer la forme et

l’origine, il faut remarquer d’abord que de Quincey était réellement l’esclave du poison asiatique dont il décrit les effets sur son esprit. Sous l’influence de ce fatal narcotique, il remonte le cours de son existence, et se laisse entraîner par la fantasmagorie de ses rêves orientaux. Songe et réalité, sagesse et folie, souffrance et béatitude, vérité et fiction se confondent dans ces bizarres Confessions, où il est difficile de distinguer le vrai du faux. Une des pages les plus touchantes a été inspirée par le souvenir d’une pauvre fille sans laquelle, pendant sa jeunesse, l’auteur aurait succombé de faim et de misère, dans les rues de Londres. Les Confessions passent pour le chef-d’œuvre de Thomas de Quincey. C’est un travail d’une incontestable originalité, l’étude d’un état pathologique singulier. De Quincey a de la sensibilité, et son goût poétique l’arrache fréquemment aux divagations dans lesquelles l’entraînaient ses théories philosophiques. Sa prose est toujours mélodieuse, mais son ton paraît quelquefois affecté.

Dans la nouvelle édition de ses Confessions, de Quincey a’donné un supplément à sa première biographie, sous le titre de Suspiria de profundis. L’auteur a voulu mettre le lecteur au courant de son enfance et de sa jeunesse, et envelopper le récit d’un brouillard, à la manière d’Hoffmann. Les chagrins que Je mangeur d’opium devait étouffer plus tard dans les fumées de sou ivresse factice ne semblent pas assez graves pour mériter de pareils remèdes, et la perte d’un chat, mise en regard de celle d’une sœur aînée, dispose peu à l’intérêt. Le style de l’auteur, dans ces Soupirs obscurs, vise àja manière de Sterne, mais n’en atteint pas l’originalité. Chaque mot lui •suggère une digression ; de plus, comme ces Soupirs font suite au récit de.ses ivresses, on ne sait plus si c’est à l’opium ou à la vie réelle qu’il faut s’en prendre. Souvenirs d’enfance ou rêves d’un halluciné, tout cela est confondu, et démontre par un effet trop sensible la vertu dormitive de l’opium.