Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/DUGOMMIER (Jean-François COQUILLE), général français

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (6, part. 4p. 1358).

DUGOMMIER (Jean-François Coquille), général français, né à la Basse-Terre (Guadeloupe) en 1736, tué à la bataille de Sierra-Negra le 17 novembre 1794. Il était fils d’un riche colon ; mais, ses goûts le portant vers la carrière militaire, il entra au service à l’âge de treize ans, arriva jusqu’au grade de lieutenant-colonel et obtint la croix de Saint-Louis. Une injustice dont il crut avoir à se plaindre lui inspira la résolution de rentrer dans la vie civile. Il se consacra alors à l’exploitation de ses immenses propriétés. Lorsque la Révolution éclata, Dugommier se lança avec ardeur dans le courant des idées nouvelles, et son patriotisme énergique le fit nommer au commandement des gardes nationales de la Martinique (1790) ; mais les troubles les plus graves ayant éclaté dans l’île par suite de l’insurrection des nègres contre les colons, qui se refusaient à toute réforme, Dugommier se trouva exposé aux plus grands dangers, ayant à lutter à la fois contre les colons et contre la révolte soulevée par le traître Béhague. Pendant sept mois il défendit le fort Saint-Elme contre cette double insurrection ; il dut enfin céder à la force, et, en 1792, il passa en France avec le titre de député de la Martinique à la Convention nationale ; mais, se sentant plus d’attrait pour les opérations militaires que pour les discussions politiques, il obtint, en 1793, sa nomination comme général de brigade à l’armée d’Italie. Militaire brillant, plein d’audace et, en même temps, de prudence et de sang-froid, il arriva rapidement au grade de général de division. C’est en cette qualité qu’il fut chargé, vers la fin de 1793, du siège de Toulon, qu’il dirigea avec une vigueur et une habileté remarquables, et où il fut puissamment secondé par le jeune commandant de l’artillerie, Bonaparte. Le Petit-Gibraltar ayant été emporté dans la nuit du 18 au 19 décembre : « Allez-vous reposer, dit le jeune commandant à son brave général ; nous venons de prendre Toulon ; vous pourrez y coucher après-demain. » En effet, le 21, l’armée française entrait dans la ville à moitié détruite. Dugommier chercha à la sauver des vengeances de la Convention ; mais ses commissaires furent inflexibles. Ils n’étaient pas seulement venus pour vaincre, lui répondirent-ils, mais encore pour terrifier.

Aussitôt après la prise de Toulon, Dugommier reçut le commandement de l’armée des Pyrénées-Orientales, qui n’éprouvait que des revers en combattant les Espagnols, et qui reculait sans cesse devant eux. Les opérations du nouveau général en chef commencèrent le 30 avril 1794 et ne furent qu’une suite de brillants succès. Il reprit en quelques jours la fameuse redoute Montesquiou, le fort Saint-Elme, Collioure, Port-Vendre et Bellegarde. Tous ces avantages n’avaient cependant rien de décisif, et Dugommier résolut de porter à l’armée espagnole un coup dont elle ne pût se relever. Il envahit alors la Catalogne, et, le 17 novembre, près de Figuières, il se trouva en présence de 60,000 ennemis, commandés par le général comte de La Union. Le général républicain, placé au centre de son armée, sur la Sierra-Negra (montagne Noire), en dirigea tous les mouvements avec sa vigueur accoutumée. L’acharnement fut égal de part et d’autre, et l’on se battit tout le jour sans que la victoire parût se fixer d’aucun côté. La lutte recommença le lendemain sur tous les points, et déjà le succès semblait sourire à Dugommier lorsqu’un éclat d’obus lui fracassa la tête. Deux de ses fils, qui étaient à ses côtés, le relevèrent. Près de rendre le dernier soupir, il eut encore assez de présence d’esprit pour dire à son état-major : « Cachez ma mort aux soldats, afin qu’ils puissent achever leur victoire, seule consolation de mes derniers moments. » L’armée espagnole subit, en effet, un véritable désastre, qui fut décisif. La Convention paya un magnifique tribut d’éloges au général enseveli dans son triomphe, et décida que son nom serait inscrit sur une des colonnes du Panthéon.

La voix publique salua le général Dugommier du nom de Libérateur du Midi. Il était l’idole de ses troupes, dont il épargnait le sang comme un avare ses trésors. Une haute stature, une physionomie martiale, des cheveux blanchis avant l’âge, lui avaient tout d’abord concilié leur respect et leur affection. Bonaparte, qui avait pu l’apprécier au siège de Toulon, a porté de lui ce jugement : « Il était bon, quoique vif, très-actif, juste ; avait le coup d’œil militaire, du sang-froid et de l’opiniâtreté dans le combat. »

— Iconogr. On a des portraits en buste de Dugommier, gravés par Lefèvre jeune (d’après Couché fils) et par Forestier (sous la direction d’Amb. Tardieu). À Versailles se trouvent un portrait peint par Bouchot et un buste sculpté par Chaudet. On y voit aussi un tableau de Grenier, représentant la Mort de Dugommier. La même scène a été gravée par Mixelle, d’après un dessin très-médiocre de Labrousse.