Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Da mihi nesciri !

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Administration du grand dictionnaire universel (6, part. 1p. 47-48).

DA MIHI NESCIRI ! c’est-à-dire Mon Dieul faites que je sois ignoré ! vœu du pieux auteur de 1''Imitation (liv. III), qui n’a été que trop exaucé. On sait que jusque présent l’érudition est restée impuissante et fa science ne peut déterminer quel fut le véritable auteur de cet important monument de la foi mystique du moyen âge. L’humilité, l’abnégation de lapersonne, le renoncement, l’oubli du moi, sont les caractères dominants du mysticisme béat de Y Imitation. S’absorber en Dieu, s’anéantir pour Dieu, substituer la volonté de Dieu, des supérieurs ou même du prochain à la sienne, tel est l’idéal sans cesse proposé par l’écrivain anonyme. Il n’est donc pas étonnant qu’en composant son livre il se soit lui-même mis de côté et ait souhaité de rester inconnu à jamais. Mais l’expression de cette humilité chrétienne est d’une concision vraiment frappante, et il est impossible de dire plus en moins de mots. On pourrait commenter cette belle parole par un grand nombre dé passages tirés du même ouvrage. Par exemple au livre Ier, chap. n, nous trouvons ces lignes : ■ Si vous voulez que ce que vous apprenez et ce que vous savez vous soit utile, prenez plaisir à être inconnu, et à n’être compté pour rien dans le monde... » C’est le sens de toutes les prières qui terminent chaque chapitre (liv. II, chap. xi) : « Aidezmoi, Seigneur, à me renoncer en tout et à mourir incessamment à moi-même. Ne souf. frez pas que mon cœur soit à moi, puisque vous ne me l’avez donné que pour être tout à vous (liv. III, chap. ix). » —« La gloire est votre partage, et je veux vous la donner tout entière ; la confusion est mon partage, et je veux l’accepter de votre main, heureux si, vivant d’une vie humble et cachée, je ne cherche qu’à m’effacer aux yeux du monde pour m’établir uniquement dans votre cœur. » Grands et beaux sentiments, qui témoignent de la noblesse et de la pureté native du cœur humain ; mais idées fausses, dangereuses, malsaines, qui détruiraient toute société si elles étaient pratiquées, et qui feraient de l’humanité une grande famille de malades, d’eunuques, d’hallucinés, parmi lesquels on compterait peut-être beaucoup de martyrs, jamais un héros.

On emploie en littérature ces mots : Da mini nesari, pour exprimer la vérité impersonnelle, le désir désintéressé d’être utile, l’abnégation de soi, le renoncement à la vanité d auteur, etc.