Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ESTRÉES (François-Annibal, duc D’), maréchal de France, frère de la précédente

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Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 987).

ESTRÉES (François-Annibal, duc D’), maréchal de France, frère de la précédente, né en 1573, mort en 1670. Il avait embrassé l’état ecclésiastique et était déjà, depuis 1594, évêque de Noyon, lorsque, son frère aîné étant mort, il leva un régiment, sous le nom de marquis de Cœuvres, et échangea la mitre contre un casque. Sa sœur était alors toute-puissante ; il va donc sans dire que son avancement fut rapide. Il devint lieutenant général, gouverneur de Laon, puis, sous Louis XIII, ambassadeur à Rome (1621) et en Suisse, où il rendit, les armes à la main, la Valteline aux Grisons, et reçut le bâton de maréchal de Franco (1626). Envoyé peu après en Italie, d’Estrées y fit une expédition malheureuse, ne put défendre Mantoue contre les impériaux, passa en Allemagne, où il prit Trêves (1632), revint à Rome comme ambassadeur (1636). et y usa de tout, même de la violence, pour faire élire Grégoire XV. À l’avènement de Louis XIV, il remplit les fonctions de connétable pour la cérémonie du sacre, vit alors son marquisat de Cœuvres érigé en duché-pairie sous le nom de d’Estrées (1648), devint gouverneur de l’Île-de-France et ne s’y appauvrit pas. À l’âge de quatre-vingt-treize ans, le duc se maria, en troisièmes noces, à Mlle  Manicamp, qui fit bientôt une fausse couche, ce qui égaya beaucoup les contemporains. François d’Estrées était un intrigant peu scrupuleux, mais qui avait une qualité précieuse, celle de dire la vérité à tout le monde, même à ceux à qui personne ne la dit. Nous en donnons pour preuve le récit suivant, emprunté à Segrais : « Des courtisans s’entretenaient un jour devant le roi Louis XIV, qui n’avait alors que quinze ans environ, du pouvoir absolu des empereurs turcs, et rapportaient plusieurs actions qu’ils faisaient en vertu de ce pouvoir. « Voilà, dit le roi, qui s’appelle régner. » Le maréchal d’Estrées, qui était présent, ne pouvant souffrir que le roi approuvât cette conduite à cause de la conséquence, repartit : « Mais, sire, deux ou trois de ces empereurs ont été étranglés de mon temps. » Le maréchal de Villeroi, gouverneur du roi, qui était un peu éloigné, mais qui n’avait pas laissé que d’entendre ce que le maréchal d’Estrées venait de dire, fendit la presse et le remercia fort de la généreuse liberté avec laquelle il venait de parler au roi, et blâma la lâcheté de ceux qui l’entretenaient de ces sortes de choses. »

Le maréchal d’Estrées a écrit des Mémoires de la régence de Marie de Médicis (Paris, 1666, in-18) ; un Récit du conclave dans lequel Grégoire XV fut élu pape en 1621, et une Relation du siège de Mantoue en 1629.