Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Espion (L’), roman anglo-américain de Fenimore Cooper

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Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 915).

Espion (L’), roman anglo-américain de Fenimore Cooper (1821), qui a été traduit en français, notamment par Defauconpret, et dans la plupart des autres langues, même en persan. Ce fut le second roman de cet auteur aujourd’hui si populaire, et le premier de toute la série qu’il a consacrée à là guerre de l’indépendance américaine. Cooper a su élever

l’intérêt de son livre à la hauteur du grand événement dont il a peint, sous les plus vives couleurs, un des mille épisodes ; il y a montré, comme Walter Scott, le plus grand art à rattacher la réalité à la Action. Le colporteur Hervey Birch, l’espion, est un héros ; un autre personnage, le capitaine virginien Lawston, est aussi très-heureusement peint ; mais tous les autres ne sont guère que des comparses, même Washington, qui apparaît un moment, dans une scène capitale. La lumière est concentrée tout entière sur Hervey Birch ; c’est pour Washington qu’il espionne : subjugué par l’ascendant de cet homme supérieur, il a renoncé pour le servir à l’estime de ses amis, de ses proches, il en a fait le dieu de sa conscience. Dévoué à une cause qui purifie bien des actions, la liberté de son pays, -le pauvre colporteur vit en paix avec lui-même : il a le suffrage de Washington. Seulement, quand le malheur est plus fort que son courage, quand il se voit repoussé par ses concitoyens comme une bête immonde, quand il n’a plus dans sa patrie un asile où il puisse reposer une heure sans danger, à se plaint avec une mélancolique résignation à’un être absent ; il murmure à voix basse ce mot mystérieux : Lui. S’il osait nommer Washington, il retrouverait la réputation et le repos, mais sa mission est de mourir déshonoré ; il doit tenir cachée jusqu’à sa mort une lettre qui lui rend l’honneur, et qu’on ne lira qu’à côté de son cadavre. Trente ans après cette première guerre, alors que l’Amérique est libre et florissante, Washington étant prématurément descendu dans la tombe, .Hervey Birch, essayant de faire un prisonnier et de rendre un dernier service à son pays, tombe frappé d’un coup mortel ; on découvre alors sur son sein une petite botte de plomb qui renfermait la lettre de Washington, et trois ou quatre témoins surent que le colporteur était mort comme Al avait vécu, dévoué à sa patrie et martyr de là liberté.

On trouve dans ce récit ces mâles accents patriotiques qui, plus que son talent peut-être, ont contribué à rendre Cooper populaire aux États-Unis.