Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Francs-Bourgeois (rue des)

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Francs-Bourgeois (rue des). Deux rues, d’une importance historique inégale, ont conservé ce nom : la rue des Francs-bourgeois, au Marais, et la rue des Francs-Bourgeois-Saint-Marcel, dans le quartier du Luxembourg. Ces appellations avaient une étymologie différente.

La première de ces rues, la plus connue et la plus importante, s’appelait plus anciennement encore rue des Viez-Poulies, d’un jeu alors en usage (le jeu des poulies), tenu par un sieur Jean Gennis et sa femme ; cet établissement leur rapportait, paraît-il, 20 sols parisis de rente, qu’ils abandonnèrent aux templiers. La rue des Viez-Poulies prit le nom de rue des Francs-Bourgeois par suite de la fondation d’un hôpital destiné à recevoir des pauvres. (V. l’art, précédent.) Vers 1350, le bourgeois Jean Roussel et Alix, sa femme, firent construire cette maison et y logèrent vingt-quatre « pôvres borjois. » En 1415, Pierre Le Mazurier et sa femme, fille de Jean Roussel, fondateur, firent don de l’immeuble au grand prieur de France, et y joignirent une rente de 70 livres, à la charge par lui de loger quarante-huit pauvres au lieu de vingt-quatre, soit deux par chambre. Cette fondation a depuis longtemps disparu.

La rue des Francs-Bourgeois, au Marais, a encore d’autres souvenirs historiques. Le célèbre Michel Le Tellier, père du marquis de Louvois, chancelier de Louis XIV, y habita ; le trop fameux comte de Charolais, celui qui tirait à balle sur les couvreurs, ni plus ni moins que sur des pigeons, y avait également son hôtel ; au nº 5 est l’ancien hôtel d’Albret ; au nº 12, l’hôtel de Roquelaure ; au nº 14, l’hôtel de Gabrielle d’Estrées. La rue des Francs-Bourgeois n’a, de nos jours, d’autre titre à la célébrité que d’être le centre du commerce de la chapellerie française, dont les fabriques sont agglomérées dans ce quartier.

La rue des Francs-Bourgeois-Saint-Marcel (quartier du Luxembourg) allait de la place Saint-Michel à la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince, et s’appelait ainsi, d’après Vaillot et la plupart des auteurs, parce que les habitants de la ville de Saint-Marcel étaient exempts de payer les taxes auxquelles étaient imposés les bourgeois de Paris, en exécution d’un arrêt du Parlement de Paris, rendu au mois de novembre 1296, qui déclarait que le territoire de Saint-Marcel ne faisait point partie des faubourgs de Paris. On s’explique facilement que cet arrêt ait été rendu en 1296, un an après l’ordonnance de Philippe le Bel sur les conditions voulues pour avoir le droit de bourgeoisie, c’est-à-dire à une époque où la délimitation de Paris et des faubourgs n’était pas encore parfaitement fixée, et où les tailles et les impôts étaient devenus considérables, ce qui n’engageait pas les habitants des bourgs voisins à devenir Parisiens, les charges dépassant de beaucoup les avantages.

La rue des Francs-Bourgeois-Saint-Marcel, qui n’était dans l’origine qu’un chemin étroit, sinueux et inégal, avait conservé toutes ses défectuosités en devenant plus tard voie publique enclavée dans les faubourgs de Paris. Il en résultait de fréquents accidents ; aussi le corps municipal, dans sa séance du 9 nivôse an II, décidait-il, sur le rapport des administrateurs des travaux publics, que la moindre largeur de cette rue serait fixée à 30 pieds ; le ministre Chaptal porta cette largeur à 10 mètres, par décision du 8 ventôse an IX.

Rappelons ici que, lorsque, en 1793, le cimetière de Clamart fut fermé, on en ouvrit un dont l’entrée donnait près de la rue des Francs-Bourgeois, presque à l’encoignure des fossés Saint-Marcel. C’est dans ce cimetière que furent inhumés Luce de Lancival et Pichegru. Sur le tombeau de ce dernier était gravée l’inscription suivante, dans laquelle on ne retrouve aucun souvenir de la mort violente de ce général : « Ici reposent les cendres de Charles Pichegru, général en chef des armées françaises, né à Arbois, département du Jura, le 14 février 1761, mort à Paris le 5 avril 1804. » C’est là également que furent jetés les restes de Mirabeau, exhumés du Panthéon (en 1793) par la populace, deux ans après la cérémonie célèbre à la suite de laquelle on les y avait placés.

La rue des Francs-Bourgeois a été atteinte par le percement du boulevard Saint-Marcel (1868).


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