Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/GUILLAUME au Court-Nez, héros de tout un cycle de chansons de geste du XIIIe siècle

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 4p. 1620-1621).

GUILLAUME au Court-Nez, héros de tout un cycle de chansons de geste du XIIIe siècle. On l’appelle aussi Guillaume d’Orange, Guillaume Fiérabrace, Saint Guillaume de Gellone. C’est la légende d’Aimeri de Narbonne et de ses enfants, dont le plus célèbre, Guillaume, a donné son nom au cycle tout entier. Le vaste cycle de Guillaume au Court-Nez, ainsi dit à cause d’une blessure en plein visage, se compose de dix-huit branches, comprenant ensemble près de cent vingt mille vers. En voici la nomenclature : 1° Garin de Montglane ; 2° Girart de Viane ; 3° Aimeri de Narbonne ; 4° Enfances Guillaume ; 5° le Couronnement Looys ; 6° le Charroi de Nîmes ; 7° la Prise d’Orange ; 8° Beuve de Comarchis ; 9° Guibert d’Andernas ; 10° la Mort d’Aimeri de Narbonne ; 11° les Enfances Vivien ; 12° la Bataille d’Aleschans ; 13° le Moniage Guillaume ; 14" Rainouart ; 15° la Bataille de Loquifer ; 16° le Moniage Rainouart ; 17° Renier ; 18° Foulque de Candie. Guillaume au Court-Nez, dont la légende est la quatrième du cycle et fait le sujet spécial de cet article, n’est pas un personnage purement imaginaire. Charlemagne l’avait nommé gouverneur de Toulouse, à la place d’un certain Alorne, Gascon de naissance, qui avait lui-même supplanté Chorson ou Orson. Guillaume eut alors bien des préventions à vaincre, bien des ennemis à soumettre parmi les gens du pays, qui ne lui pardonnaient pas son dévouement au roi de France. Dans une expédition ordonnée par Louis, fils de Charlemagne et roi d’Aquitaine, contre les Sarrasins d’Espagne, les historiens racontent que Guillaume était porte-étendard. Sa retraite dans un couvent, ses dons au monastère de Gellone et sa mort pieuse peuvent être admis comme des faits historiques qui ont inspiré plusieurs légendaires. L’un des plus célèbres, dont le nom est resté inconnu, a donné à son roman le titre de les Enfances Guillaume. Envoyé par son père Aimeri à la cour de Charlemagne, le jeune Guillaume bat les Sarrasins en route, arrive à Saint-Denis pour assister au couronnement de l’empereur, qui l’arme chevalier. Suivent des événements qui font les sujets de plusieurs branches du cycle. Dans sa vieillesse, Guillaume fonde le monastère de Gellone, près d’Aniane, puis se relire dans l’ermitage de Saint-Guillaume du Désert, près Montpellier. Il vient ensuite défendre Paris assiégé par les infidèles, tue le géant Isoré au lieu dit depuis la Tombe-Isoire, et revient mourir dans son ermitage. Tel est le sujet d’un roman dont la Bibliothèque nationale possède quatre manuscrits. Mais il existe d’autres versions de la même légende. Celle du troubadour Bertrand, intitulée Diane et Aimeri, nous est connue par un manuscrit trouvé à Saint-Denis. Le même sujet fut traité en allemand par Wolfram d’Eschenbach, dont le poëme, resté inachevé, porte le titre de Guillaume d’Orange. D’après cette nouvelle version, le vieux comte de Narbonne, Aimeri, adopta l’enfant d’un de ses vassaux qui avait perdu la vie à son service, et renvoya tous ses fils, leur conseillant de chercher fortune à la cour de Charlemagne. Guillaume, l’aîné de ses enfants, a enlevé Arabelle, femme de Tybald, roi d’Arabie, et l’a amenée en France, où il l’a fait baptiser sous le nom de Kibug. Le roi d’Arabie réunit une armée formidable, passe la mer et vient camper dans les plaines d’Aleschans. Guillaume, de son côté, met sur pied 20,000 hommes qui s’établissent près d’Orange. La mêlée est terrible, et Guillaume voit tomber les siens l’un après l’autre. Obligé de fuir, il parvient à rentrer dans son château auprès de Kibug ; mais, comme l’ennemi s’approche, il part pour la cour du roi Louis, qui avait épousé une de ses sœurs. Là il rencontre son père et toute sa famille. Une armée est équipée et l’on se met en marche. Kibug a résisté à un siège terrible ; Guillaume et son armée paraissent, et les Sarrasins se retirent sur les bords de la mer. Après quelques jours de repos, l’armée se remet en marche et atteint bientôt l’ennemi. Les païens, cette fois, sont anéantis, et le roi d’Arabie est emporté, mortellement blessé, sur son vaisseau. Là s’arrête l’œuvre d’Eschenbach ; Ulrich de Turnheim en a fait une continuation absolument dépourvue d’intérêt.