Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par Paul de Saint-Victor

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 363).

Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par Paul de Saint-Victor (Paris, 1867, in-8°). Ce livre est un recueil de morceaux écrits à différentes dates et publiés pour la plupart dans la Presse. « Sans lien entre eux, dit l’auteur, ils n’ont d’autre analogie que celle de reproduire des scènes et des figures du passé. » Dans cette galerie de tableaux et de portraits, on voit figurer successivement la Vénus de Milo, Diane, la pâle sœur de Phœbus, Cérès et Proserpine, Hélène, dont l’enlèvement amena la ruine de Troie, Méléagre et les poëtes de l’anthologie, Néron, le ténor couronné, le monstre dilettante, Marc-Aurèle, l’empereur philosophe, Attila, le Fléau de Dieu, Charles XII, Lois XI, le renard mangeur de loups, César Borgia, les Comédies de la Mort, les Bohémiens, la cour d’Espagne sous Charles II, don Quichotte, Agrippa d’Aubigné, Boccace, Manon Lescaut, Mlle Aïssé, etc. Deux de ces morceaux surtout sont fort remarquables. Les pages que M. Paul de Saint-Victor a consacrées à Marc-Aurèle sont peut-être les plus belles de son livre. « Rien de plus sobre, de plus pur, de plus haut que le style de ces appréciations historiques et morales, » dit Théophile Gautier. L’étude sur la cour d’Espagne, la plus longue du livre, est d’un effet saisissant et magistral. « Tous ces morceaux, si divers par le sujet, dit M. Challemel-Lacour, sont reliés par un même sentiment de la forme plastique, qu’on retrouve au plus haut degré jusque dans le style do l’auteur et qui domine tous ses jugements. » La faculté maîtresse de M. de Saint-Victor, comme dirait Taine, c’est la passion de la forme. C’est en tout et avant tout un styliste. Il n’écrit pas ses phrases, il les sculpte ; au lieu d’une plume, il se sert d’un pinceau chargé de couleurs attrayantes. « Son style d’une perfection soutenue, dit Théophile Gautier, d’une unité de trame sans égale, d’un éclat qui fait tout pâlir, ne laisse à désirer que quelques négligences. Il ne s’endort jamais. Tout se tient, tout s’enchaîne ; les métaphores se suivent et se déduisent, les phrases sont étincelantes, coupées à angles vifs, jetant des bluettes de toutes couleurs, mais dans cette scintillation claire, pure et indestructible comme le diamant ; la pensée y luit comme sous une goutte de lumière. » Ce qui manque, à notre avis, à ces études de M. de Saint-Victor, c’est la flamme intérieure, c’est le mouvement et l’intensité de la vie. On y voit trop l’artiste et pas assez l’homme,