Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Huon de Bordeaux, chanson de geste

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 2p. 462).

Huon de Bordeaux, chanson de geste, publiée pour la première fois, d’après les manuscrits de Tours, de Paris et de Turin, par MM. F. Guessard et C. Grandmaison (Paris, 1860, 1 vol. in-12). On ne connaît ni l’auteur ni la date de ce poëme, un des meilleurs que nous ait laissés le moyen âge ; mais on présume qu’il fut écrit vers l’an 1200, par un trouvère artésien, probablement natif de Saint-Omer. Son dialecte démontre qu’il est, en effet, Artésien, et on le suppose de Saint-Omer parce que le nom de cette ville revient sans cesse sous sa plume.

Voici, en quelques mots, le sommaire d’Huon de Bordeaux. Séguin, duc de Bordeaux, mort depuis quatre ans, a laissé deux fils, Huon et Gérard. Ils n’ont pas encore fait hommage de leur fief à Charlemagne. Amaury de la Tour-du-Rivier, un traître, convoite leur héritage et les dénonce comme rebelles au vieil empereur. Celui-ci les mande auprès de lui. Avant d’arriver à Paris, Huon et Gérard tombent dans une embuscade dressée par leur ennemi, qui a mis Charlot, fils de Charlemagne, dans le complot. Charlot blesse l’un des deux frères et Huon le tue. Amaury arrive à la cour avec le cadavre du mort. Colère de Charlemagne ; il finit par pardonner ; mais, comme pénitence, il impose à Huon une mission lointaine, qui est l’occasion d’aventures sans nombre. Heureusement, il est protégé par Obéron, nain et roi de féerie. Sur le point d’achever sa mission, Huon, trahi par son frère, retombe dans l’infortune ; mais le nain Obéron le réconcilie avec Charlemagne, qui lui rend son duché de Bordeaux.

Huon de Bordeaux a eu l’honneur insigne de fournir des sujets à Shakspeare, à Wieland et à Weber, qui l’ont rendu immortel. M. Saint-Marc Girardin trouve Huon, dans sa légende, supérieur à l’œuvre de Wieland : « Soit, dit-il, qu’il s’agisse de peindre l’amour d’Huon et d’Esclarmonde, soit qu’il s’agisse de donner un caractère et un rôle aux êtres merveilleux, l’imagination naïve du vieux conteur l’emporte sur les grâces de Wieland. » Huon de Bordeaux a joui, au moyen âge et jusqu’à nos jours, d’une vogue extraordinaire. La version publiée par M. Guessard, qui semble la plus ancienne, est en vers de dix syllabes. Depuis cette rédaction primitive, Huon de Bordeaux fut remanié un grand nombre de fois en prose et en vers, et il en existe une multitude d’éditions.