Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/I. — langues en Amérique

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Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 267-268).

I. — Langues en Amérique. L’origine des langues américaines, ainsi que celle des peuples qui les parlent, a jusqu’ici résisté aux efforts multipliés de la science moderne. La race américaine doit être, selon les uns, une race aborigène, sans rapport avec les grandes familles européennes et asiatiques, aussi spéciale au nouveau monde que sa flore et sa faune, et qui s’est ramifiée en une foule de peuplades secondaires. On ne peut méconnaîtra en effet que les Peaux-Rouges constituent une division essentielle en anthropologie. La philologie classe également dans un groupe à part les langues parlées en Amérique. Il n’y a pas très-longtemps, on a fait des investigations patientes pour arriver, en analysant ces idiomes, à résoudre ce problème historique, mais les recherches n’ont guère servi qu’à les faire un peu mieux connaître, sans pouvoir en établir l’origine et la filiation. On en a relevé un nombre prodigieux. Chaque voyageur, chaque missionnaire, après avoir visité une peuplade, une tribu même, venait augmenter d’un nouveau nom la liste déjà nombreuse de ces idiomes, sans s’inquiéter si ce qu’il considérait comme une langue spéciale n’était pas un dialecte très-peu différent d’une langue voisine ; de sorte qu’on a pu arriver facilement à porter à cinq cents le nombre des langues américaines. Mais la science, en examinant attentivement ce chiffre énorme, ne tarda pas à découvrir que les variétés qu’on avait prises pour des langues distinctes ne sont, en réalité, que des dialectes qui se groupent autour des souches radicales, exactement comme nos langues asiatico-européennes. Cependant il faut avouer que, chez ces peuples, la filiation du langage est beaucoup moins accusée que chez ceux de l’ancien monde ; mais cette différence tient au génie caractéristique de toutes ces langues. La philologie, habituée à s’appuyer sur les radicaux, marche ici sur un terrain tout nouveau ; car ce n’est guère par la comparaison des radicaux qu’il faut chercher des analogies au milieu— de cette multitude d’idiomes ; ces rapports échappent à nos procédés ordinaires. Le meilleur système est la comparaison, non pas des mots, mais des formes grammaticales, qui présentent une identité presque constante. On peut encore établir certains points de repère en se basant sur la présence ou l’absence de telle ou telle articulation dans une langue, et former ainsi des groupes congénères. C’est de cette façon qu’on a remarqué qu’il n’y a pas de b, de d, de f dans le groënlandais, le mexicain, le quiche, le lule, le waikuri, etc. ; de d dans le kora, le muyska et le mossa ; de f dans le brésilien, le guarani, le mokobi, le maya, l’aruwaki et dans toutes les langues de l’Orénoque, excepté le guama ; de s dans le brésilien, le guarani, le mokobi, le jarura ; de l dans l’othomich, le muyska et le mossa, etc., etc.

Le système grammatical est très-compliqué : il a généralement pour point de départ le principe d’agglutination, et on lui a donné le nom spécial de polysynthétique. Les moindres modifications dans les rapports des idées entre elles, ou dans leurs dépendances à l’égard les unes des autres, se traduisent aussitôt dans les mots par des syllabes affixes qui s’accolent soit au commencement du radical (préfixes), soit à la fin (suffixes). Ainsi, par exemple, en mexicain, qua veut dire manger ; manger quelque chose s’exprimera par tlaqua ; donner quelque chose à manger à quelqu’un, tetlaqualtia, en un seul mot.

Il n’existe pas chez les Américains de système graphique proprement dit. Cependant on sait que les Mexicains employaient, outre leurs quippus, des sortes d’hiéroglyphes primitifs, et cette méthode grossière s’est répandue dans toute l’Amérique. Lafiteau l’a retrouvée chez les Iroquois et les Hurons. Les anciens Virginiens l’employaient sous le nom de sagkohoh, pour conserver la mémoire de leurs événements historiques. Sur les bords du Rio-del-Norte, dans la Louisiane, dans le Pérou, on constate l’existence de ces dessins hiéroglyphiques. Au milieu du siècle dernier, un missionnaire trouva chez la peuplade indépendante des Panos des livres remplis de figures et de caractères isolés, qui passaient pour contenir leur histoire. Dans les montagnes de l’Amérique du Sud, on a vu des blocs de granit recouverts tout entiers d’hiéroglyphes gravés au ciseau.

On peut diviser les langues américaines en six groupes, comprenant de nombreux dialectes et sous-dialectes :

1° Les langues des Esquimaux, dont la plus connue est le groënlandais ;

2" Les langues andes-parime, parlées entre l’océan Atlantique, l’Amazone, le grand Océan, le Guatemala, et comprenant le caraïbe, le tamanaque, etc. ;

3° Les langues guaranis, parlées entre l’Atlantique, les Andes, la Plata, l’Orénoque, et comprenant le guarani, le camacan, le payagua, le guaycurus, etc. ;

4° Les langues mexicaines : le nahualt ou mexicain, parlé par les Aztèques ; l’otomi, le maya, etc. ;

5° Les langues péruviennes : l’abipon, le mocaby, le péruvien, le chiquitos, etc. ;

6° Deux séries d’idiomes bien distincts par leur nature propre et la position géographique des peuples qui les parlent : 1° le pécherais, parle dans l’archipel Magellan, ainsi que l’araucan, parlé dans le Chili ; 2° les nombreux dialectes du centre de l’Amérique septentrionale, tels que le cherokee, le delaware, le sioux, le comanche, le natchez, etc.

Pour de plus amples détails, voir chaque langue séparément dans le dictionnaire, à l’ordre alphabétique.