Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JACKSON (André), général américain, septième président des États-Unis

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 861).

JACKSON (André), général américain, septième président des États-Unis, né dans la Caroline du Sud en 1767, mort en 1845. Fils d’un émigrant irlandais, il perdit son père étant encore tout enfant. Lors de la guerre de l’indépendance, il quitta, à quatorze ans, l’école où il étudiait, pour s’enrôler avec ses deux frères dans l’armée nationale, fut fait peu après prisonnier, pendant que ses frères trouvaient la mort sur le champ de bataille, et reprit, après la fin de la guerre, le cours de ses études. Ayant appris le droit, il exerça la profession d’avocat dans la Caroline du Sud, puis dans le Tennessee, se fixa à Nashville, où il devint avocat général, et, en 1797, il fut chargé de représenter le Tennessee au Sénat des États-Unis ; mais, au bout de deux ans, il se démit de cette fonction et revint dans son pays, où ses concitoyens l’appelèrent bientôt à siéger parmi les juges de la cour suprême de l’État.

En 1804, André Jackson donna sa démission de juge et alla s’établir dans une ferme à quelques milles de Nashville, où il s’occupa d’agriculture et où il demeura jusqu’au moment où éclata la guerre avec l’Angleterre (1812). Vers cette époque, il commença à se signaler contre les Indiens de l’Ouest, que l’Angleterre avait réussi à soulever contre les États-Unis. Chargé de plusieurs expéditions contre eux, il les poursuivit et les battit avec une vigueur qui lui valut, de la part des indigènes, le surnom de la Flèche acérée, et de la part de ses soldats, dont l’indiscipline avait souvent éprouvé son énergie, le sobriquet, devenu depuis si populaire, de Vieux bois de fer. Cependant il ne s’était encore distingué que comme un habile et un audacieux chef de partisans, lorsque la formidable attaque dirigée par les Anglais, en janvier 1815, contre La Nouvelle-Orléans, mit en relief toutes ses qualités militaires et fit tout à coup de lui le premier soldat de l’Union. Une flotte anglaise, portant de 9,000 à 10,000 hommes de bonnes troupes qui avaient servi sous Wellington, fut envoyée pour s’emparer de la Nouvelle-Orléans. Jackson, qui venait d’être nommé major général de l’armée fédérale, fut chargé de défendre ce point important. Après avoir réuni un petit corps d’environ 3,000 hommes, il arriva à la Nouvelle-Orléans et commença par signifier aux habitants de la ville, qui paraissaient peu disposés à se défendre, que, s’il fallait abandonner leur ville aux Anglais, il la brûlerait. Dès la première nuit, il vint avec 1,600 hommes surprendre les Anglais dans leur camp, leur tua beaucoup de monde, les trompa sur ses forces, leur fit ajourner une attaque qui eût été victorieuse, prit une position très-forte à 2 lieues en avant de la ville, improvisa des retranchements avec des balles de coton, et repoussa à plusieurs reprises les Anglais, qui attaquèrent la ville le 8 janvier 1815. Après avoir perdu son général en chef, la plupart de ses officiers, et laissé 2.000 hommes sur le champ de bataille, l’armée anglaise se retira en désordre et, quelques jours après, elle se rembarqua aux acclamations de l’Amérique entière, enthousiasmée d’un triomphe dont la rapidité et l’importance semblaient tenir du prodige, et que Jackson, à ce que l’on assure, avait obtenu au prix de 6 hommes tués et 7 blessés. Une victoire aussi décisive valut au général Jackson une immense popularité, et il devint, du jour au lendemain, un des personnages les plus considérables de l’Union. Cependant, au milieu du concert de voix qui célébrait sa gloire, plusieurs voix sévères se firent entendre pour blâmer les procédés sommaires du général contre les lois ou les libertés qui pouvaient gêner ses opérations ; mais le peuple lui pardonna d’autant plus facilement que, parmi ses actes, plusieurs, notamment la prise de la Floride (1818), cédée par l’Espagne peu de temps après que le général en eut brusqué la prise de possession, le flattaient dans son orgueil national. Le seul désagrément que les procédés extra-légaux du général Jackson lui attirèrent lui vint d’un juge qu’il avait fait arrêter ; ce juge prit sa revanche en le condamnant à 1,000 dollars d’amende, et le général eut l’habileté, au milieu de son triomphe, de faire acte de soumission à la loi, en payant l’amende.

En 1824, Jackson fut porté candidat à la présidence de l’Union, par le parti démocratique, contre John-Quincy Adams, qui l’emporta. Mais, plus heureux quatre ans plus tard, il triompha alors de Quincy Adams à une forte majorité, et fut installé président le 4 mars 1829. Éminemment populaire, doué d’une énergie indomptable, absolu dans ses décisions, il était à craindre qu’il n’abusât, dans un intérêt personnel, du pouvoir dont il venait d’être revêtu ; mais il n’en fit usage que pour la gloire de la patrie, souvent, il est vrai, avec ces formes rudes et despotiques qui rappellent plus le soldat que le chef d’une nation commerçante et libre. Dès son premier message au Congrès, il sut se concilier tous les esprits. Un mouvement séparatiste ayant éclaté dans le Sud, en 1832, à propos des droits de douane, il parvint à conjurer ce danger. Il fut proclamé le sauveur de l’Union, et continué dans la suprême magistrature, aux élections de 1833. La même année, il supprima la Banque des États-Unis, instituée en 1816, et qui était devenue un centre d’agiotage funeste à l’agriculture et au commerce. Le déchaînement des intérêts froissés par cet acte de vigueur, la crise commerciale qui en fut la suite, rien ne put l’empêcher d’en poursuivre l’accomplissement. En 1834, il réclama au gouvernement de Louis-Philippe, d’une manière très-hautaine, une indemnité de 25 millions due aux États-Unis pour des bâtiments saisis sous l’Empire, par suite du blocus continental ; il allait même jusqu’à menacer de confisquer, en cas de refus, les propriétés des Français établis sur le territoire de l’Union. Toute légitime que fût la réclamation, ces formes blessantes devaient la faire repousser. Il se trouva pourtant dans les Chambres françaises une majorité assez peu soucieuse de la dignité nationale pour satisfaire l’impérieux Jackson, qui en fut quitte pour une rétractation de ses plus outrageantes paroles (1835). Le 6 décembre 1836, Jackson, après deux présidences successives, imitant l’exemple donné par Washington et par Jefferson de n’en pas briguer une troisième, adressa au Congrès un message d’adieu, dans lequel il justifie sa politique et recommande à M. Van Buren, son successeur, dont il avait lui-même préparé et appuyé l’élection, de persévérer dans la ligne suivie par lui.

La présidence du général Jackson a inauguré, aux États-Unis, l’ère des gouvernements de parti. Ses prédécesseurs, bien que se rattachant tous à l’une ou à l’autre des deux grandes opinions qui partagèrent les esprits à l’origine de l’Union, se bornèrent presque toujours au rôle impassible et impartial de gardiens de la loi ; il a été, lui, un chef de parti au pouvoir, et c’est à cette qualité qu’il a dû d’exercer sur la marche des affaires une influence refusée à ses prédécesseurs, influence impérieuse, comme celle qu’il subissait lui-même, et très-diversement jugée, « Jackson, dit M. Chanut, n’était pas orateur ni capable de bien écrire. Son instruction politique n’était pas très-étendue ; il savait très-peu l’histoire ancienne et moderne ; mais il avait une sagacité très-remarquable pour les choses présentes et pratiques ; les hommes étaient ses livres ; il les étudiait avec grande attention et les pénétrait à fond. Il comprenait parfaitement leurs désirs secrets et leurs antipathies. Sa politique a été de les flatter et de s’en servir habilement. »