Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JEAN SANS PEUR, duc de Bourgogne, fils aîné de Philippe le Hardi

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 932).

JEAN SANS PEUR, duc de Bourgogne, fils aîné de Philippe le Hardi, né à Dijon en 1371. Il eut pour parrain le pape Grégoire XI, et pour marraine Marguerite de France. Jusqu'à la mort de son père, il porta le titre de comte de Nevers. En 1396, il eut le commandement de la brillante croisade contre Bajazet, n’échappa qu’à grand’peine au carnage de Nicopolis, et ne racheta sa liberté qu’au prix d’une énorme rançon. À peine eut-il hérité du duché de Bourgogne (1404), qu’il vint à Paris prendre place au conseil royal, et commencer contre le parti de Louis d’Orléans, frère du roi, cette lutte qui devait déchirer la France pendant la démence de Charles VI. Il suivit les traditions de son père, et s’appuya sur le peuple et la bourgeoisie, s’opposa aux tailles nouvelles qu’on voulait établir, proposa vainement de reprendre Calais aux Anglais, réarma les bourgeois de Paris, usurpa peu à peu toute l’autorité dans le conseil, et, après de nombreuses ruptures suivies d’autant de fausses réconciliations, finit par faire égorger son rival d’influence, le duc d’Orléans, par dix-huit assassins qui l’assaillirent un soir dans la rue Barbette (1407). Dans le premier moment, il témoigna une douloureuse indignation ; mais, se voyant soupçonné de toutes parts, il cessa de dissimuler, se retira dans ses États, avoua hautement un crime qui ne fit, chose étrange, qu’augmenter sa popularité, et revint à Paris, à la tête de 800 gentilshommes, pour présenter sa justification. Accueilli triomphalement par le peuple, il exigea une audience publique, et là, devant le roi, les princes et les plus grands personnages du royaume, il fit prononcer par un sophiste gagé, le cordelier Jean Petit, l’apologie du meurtre, et affirmer qu’il n’avait été commis que pour le bien du royaume et du roi. Nul ne contredit ; la terreur paralysait les plus audacieux, et le duc de Bourgogne n’en devint que plus puissant. Maître de Paris et du gouvernement, il imposa une réconciliation solennelle à la veuve et aux enfants de sa victime, se fit donner, en 1409, la garde du dauphin, et put se croire un moment le véritable roi de France. Mais bientôt une ligue formidable de ses ennemis se rallia à la voix du comte Bernard d’Armagnac (d’où le nom d’Armagnacs donné depuis cette époque à ceux de la faction d’Orléans) ; les deux partis armés ravagèrent la France dans tous les sens, prenant et reprenant les villes, dominant tour à tour dans le gouvernement et à Paris, au hasard de la victoire et des événements, traitant avec les Anglais et livrant, par leurs dissensions, le royaume à l’invasion étrangère. Après le désastre d’Azincourt, Jean Sans Peur, qui s’était dépopularisé parmi les bourgeois de Paris par l’appui qu’il avait prêté, en 1412-1413, à la faction populaire des cabochiens, et qui avait été contraint de se retirer encore une fois dans son duché de Bourgogne, se présenta de nouveau en armes sous les murs de la capitale, après avoir emporté Beauvais, Senlis et Pontoise. La trahison de Perrinet Leclerc lui ouvrit les portes, et, pendant que Tanneguy Du Châtel s’enfuyait avec le dauphin, il se saisissait pour la dixième fois du pouvoir, au nom du pauvre insensé qui portait le titre de roi, mais se montrait impuissant à rétablir l’ordre et à défendre la France contre les Anglais, bientôt maîtres de Rouen (1419) et de la route de Paris. Il essaya même de traiter avec eux pour son compte personnel ; mécontent de leurs prétentions, il se rapprocha du dauphin, et les deux partis jurèrent de s’unir contre l’Anglais. Mais la paix ne fut pas de longue durée ; attiré à une seconde entrevue avec le dauphin Charles, sous le prétexte de délibérer sur les affaires du royaume, le duc de Bourgogne s’y rendit, quoique avec défiance ; à peine avait-il mis le pied sur le pont de Montereau, lieu de la conférence, qu’il fut assassiné par les gens du prince ; la complicité de celui-ci n’est pas douteuse (1419).

Le duc de Bourgogne, violent, ambitieux et despote, était cependant aimé de ses sujets, qu’il gouvernait avec une modération qui n’était peut-être qu’un calcul d’habileté politique. Son fils, Philippe le Bon, lui succéda comme duc de Bourgogne.