Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JEAN XXII (Jacques d’EUDE), pape de 1316 à 1334

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 930).

JEAN XXII (Jacques d’Eude), pape de 1316 à 1334. Il séjourna à Avignon. Suivant l’opinion générale, il était fils d’un cordonnier de Cahors, et il avait successivement été chancelier du roi de Sicile, évêque de Fréjus, archevêque d’Avignon, enfin cardinal-évêque de Porto. Il avait soixante-dix ans lorsqu’il succéda, après une vacance de vingt-sept mois, à Clément V. Il avait juré au cardinal des Ursins de rétablir le saint-siége à Rome, mais il s’empressa d’oublier son serment et alla s’établir à Avignon. Dès les premiers temps de son pontificat, il érigea en France de nombreux évêchés, publia en 1317 les Constitutions de Clément V, manuel de jurisprudence canonique connu sous le nom de Clémentines, condamna cette même année le schisme des frères mineurs et la secte des béguins ou fratricelli, s’engagea ensuite dans des querelles extrêmement violentes contre Louis de Bavière, qui, excommunié par lui (1327), ruina son autorité en Italie, se fit couronner roi des Romains, lui suscita des ennemis dans toute la chrétienté, et, après l’avoir déclaré déchu de ses droits à la tiare, fit élire pape Pierre de Corbière, qui prit le nom de Nicolas V. Mais à peine Louis de Bavière eut-il repris la route de l’Allemagne, que Pierre de Corbière, abandonné de ses partisans, traqué par ceux de Jean XXII, se vit contraint d’implorer la clémence de ce dernier, qu’il venait d’excommunier. « Au milieu de tous ces embarras, dit M. Viennet, le pape s’occupait de la conversion des Arméniens et des Tatars ; mais, tout en poursuivant les hérétiques et les idolâtres, il fut lui-même traité d’hérétique par ses propres partisans, à l’occasion de la vision béatifique. Il avait prétendu que les âmes des bienheureux ne devaient voir Dieu face à face qu’au jour du jugement dernier ; et cette nouveauté, prêchée trois fois par lui du haut de la chaire pontificale, scandalisa le monde chrétien. Un prédicateur anglais ayant tonné contre cette hérésie, le pape Jean envenima la querelle en faisant jeter le moine en prison. Le roi de France, Philippe de Valois, alla jusqu’à menacer le pontife de le faire brûler vif s’il ne se rétractait pas, et celui-ci, poussé à bout, après trois ans de disputes et de scandale, déclara, en présence de vingt cardinaux, qu’il abjurait sa proposition. Jean XXII mourut sans avoir vu la fin de ses démêlés avec Louis de Bavière. Ce fut lui qui ajouta une troisième couronne à la tiare. Il fit preuve d’une grande fermeté, mais aussi d’une grande ambition et d’une extrême avarice.

La tradition rapporte que ce pontife, célèbre par l’étendue de ses connaissances non moins que par ses querelles avec les empereurs d’Allemagne, composa en latin un livre sur l’alchimie, qui fut traduit en français en 1557 (Ars transmutatoria). Il est dit au commencement de ce livre que le pape Jean XXII transforma son palais d’Avignon en un laboratoire immense consacré à la fabrication de l’or, et que jusqu’à sa mort, qui survint en 1334, il fit travailler au grand œuvre. Ce fait est longuement rapporté dans le Breviarium de gestis romanorum pontificum, de Franciscus Pagus. Dans son Histoire de la philosophie hermétique, Lenglet du Fresnoy ajoute que Jean XXII avait appris à pratiquer l’art hermétique de Raymond Lulle et d’Arnauld de Villeneuve. Ces diverses assertions s’accordent peu avec l’histoire, qui rapporte qu’en 1317 ce pontife fulmina contre les alchimistes la bulle Spondent pariter, qui condamnait les adeptes à des amendes, déclarait infâmes les laïques qui s’adonnaient à l’art hermétique, et dégradait les ecclésiastiques convaincus du même cas. Ce fut Jean XXII qui composa les Extravagantes.