Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LACOMBE (le Père François DE), religieux barnabite de Thonon (Savoie)

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 33).

LACOMBE (le Père François DE), religieux barnabite de Thonon (Savoie), qui vivait au XVIIe siècle. Il fut, avec Mme Guyon, un des plus fervents apôtres du quiétisme. Comme les historiens les plus sévères pour Mme Guyon ne suspectent pas la pureté de ses mœurs, on peut croire que l’intimité qui exista entre elle et le barnabite fut toute spirituelle, toute mystique, du moins en ce qui concerne la nouvelle sainte Thérèse, car il paraît que le moine éprouva pour elle des sentiments plus terrestres. Au reste, nous ne nous sentons pas de force à expliquer cet amphigouri de mysticisme qui emporte irrésistiblement deux êtres l’un vers l’autre, leur fait parler le langage le plus passionné, le moins chaste souvent, mais qui n’en annihile pas moins le corps au profit exclusif de l’âme. Quoi qu’il en soit, il paraît que Mme Guyon conçut pour le Père Lacombe une passion violente, dont le spiritualisme épuré monta jusqu’au délire. Devenue veuve en 1676, à l’âge de vingt-huit ans, elle engendra par la grâce l’objet de sa passion, âgé de trente-trois ans, qui se reconnut son fils spirituel. La mère et le fils passaient quelquefois ensemble des heures entières dans des contemplations extatiques. Ils parcoururent pendant dix ans la Savoie et une partie de l’Italie, vivant tantôt réunis, tantôt séparés, à Thonon, à Annecy, à Gex, à Turin, à Verceil, à Dijon, à Grenoble. Partout Mme Guyon distribua de larges aumônes, fit beaucoup de prosélytes, avec lesquels elle eut des entretiens mystiques, obtint des visions et des révélations. Tout en se croyant dirigée par le Père Lacombe, c’était elle-même qui le dirigeait, à l’insu de tous deux peut-être. Il ne pouvait vivre loin d’elle. En 1680, le couple mystique arriva à Paris ; le Père Lacombe dut alors rentrer dans la maison de son ordre, qu’il avait anciennement habitée. Le 3 octobre 1687, l’archevêque de Paris, Harlay de Chanvalon, alarmé des progrès de la nouvelle doctrine, fit enfermer le barnabite dans la maison des Pères de la doctrine chrétienne. Loin de Mme Guyon, il se mourait de mélancolie. Il finit par lui écrire (ce qui était peut-être le vrai secret de sa vie) qu’il était éperdu, désespéré d’amour. Mme Guyon sourit à cette lecture : « Il est devenu fou, » dit-elle. C’était vrai ; il mourut fou dans une autre maison religieuse où il avait été transféré.