Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LAROUSSE (Pierre-Athanase), grammairien, lexicographe et littérateur français

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 211).

LAROUSSE (Pierre-Athanase), grammairien, lexicographe et littérateur français, né à Toucy (Yonne) le 23 octobre 1817. Fils d’un charron-forgeron, il passa son enfance dans son pays natal, et acquit dans une modeste école primaire les premières connaissances qui ouvrent l’esprit de l’enfant à la vie intellectuelle. Doué d’une nature inquiète, curieuse, et d’une grande activité d’esprit, il dévorait tous les livres que le hasard faisait tomber entre ses mains. Un colporteur passait-il par son village, vite il en était instruit par ses camarades, qui connaissaient sa passion, et la balle était aussitôt remuée, fouillée, bouleversée ; le jeune fureteur emportait alors dans ses poches indistinctement Voltaire et Ducray-Duminil, Rousseau et Pigault-Lebrun, Estelle et Némorin et les Quatre fils Aymon, Paul et Virginie et la Clef des songes. À seize ans, il obtint une bourse de l’Université, et alla terminer, ou plutôt refaire ses études à Versailles. À peine âgé de vingt ans, il revenait diriger à Toucy l’école professionnelle que venait d’y fonder le ministre Guizot. Dans cette position, qui mettait en contact avec des systèmes d’enseignement usés un esprit qui aimait avant tout à s’appuyer sur lui-même, M. Pierre Larousse ne tarda pas à remarquer les lacunes qui existaient dans nos livres d’école, et le vice radical de ces méthodes routinières qui réduisaient l’intelligence de l’enfant au rôle d’un simple mécanisme. Dès lors, il résolut d’opposer à cette scolastique vermoulue une bibliothèque complète d’enseignement primaire et supérieur. C’était un voyage de long cours qu’il allait entreprendre, et il s’aperçut bientôt qu’il manquait pour cela d’eau, de biscuit, de charbon, nous voulons dire de cette masse de connaissances nécessaires dans un siècle où le domaine des lettres et des sciences va chaque jour s’agrandissant. En 1840, il céda son établissement moyennant quelques milliers de francs, avec lesquels il vint résolument à Paris. Dès son arrivée, les cours publics de linguistique, de littérature, d’histoire, de sciences, n’eurent pas d’auditeur plus assidu, et tout ce que M. Larousse avait glané dans la journée était soigneusement mis en gerbe chaque soir, à la bibliothèque Sainte-Geneviève, de six heures à dix heures. Pendant huit ans, M. Pierre Larousse suivit ainsi avec assiduité tous les cours de l’Observatoire, du Muséum, de la Sorbonne et du Collège de France. Après ces huit années d’une vie si laborieuse, M. Larousse entra comme professeur à l’institution Jauffret, où il resta jusqu’en 1851. L’année suivante il fonda, avec M. Boyer, dont l’actif et intelligent concours lui fut des plus utiles, une librairie classique qui compte parmi les maisons les plus florissantes de la capitale. En même temps, M. Pierre Larousse publiait une longue suite d’ouvrages qui ont fait faire un grand pas à notre enseignement professionnel, et qui forment aujourd’hui la base de l’enseignement grammatical en France, en Suisse et en Belgique : Grammaire élémentaire lexicologique (1849) ; Traité complet d’analyse grammaticale (1850) ; Cours lexicologique de style ou Lexicologie (1851) ; Traité complet d’analyse et de synthèses logiques (1852) ; Grammaire lexicologique du premier âge (1852) ; Encyclopédie du jeune âge (1853) ; Méthode lexicologique de lecture (1856) ; Dictionnaire de la langue française (1856) ; Jardin des racines grecques (1858) ; Jardin des racines latines (1860) ; ABC du style et de la composition (1862) ; Nouveau traité de versification française (1862) ; le Livre des permutations (1862) ; Petite flore latine (1862) ; Miettes lexicologiques (1863) ; Grammaire littéraire (1867) ; Grammaire supérieure (18G8) ; Grammaire complète, syntaxique et littéraire (1868) ; Dictionnaire complet de la langue française (1869) ; Gymnastique intellectuelle.-les Boutons (1S70), les Bourgeons (i87i). Tous ces ouvrages ont eu de nombreuses éditions ; le tirage de quelques-uns s’élève annuellement de 180,000 à 200,000 exemplaires.

Tous les livres que M. Pierre Larousse a faits pour l’enseignement élémentaire reposent surtout sur cette idée générale, qu’il faut faire travailler l’esprit des élèves, qu’il faut les accoutumer à penser par eux-mêmes, à trouver des mots dans leur mémoire, des idées dans leur propre jugement. Lors même qu’il met sous leurs yeux des phrases toutes faites, puisées dans les bons auteurs, il ne les donne pas tout entières, et il force ses élèves à devenir en quelque sorte les collaborateurs de nos grands écrivains en complétant leurs phrases tronquées à dessein, ou en remplissant les vides produits par la suppression de certains mots qui ne peuvent être rétablis convenablement qu’en entrant complètement dans la pensée des auteurs. Un grand nombre d’instituteurs ont adopté avec empressement cette multitude variée d’exercices qui leur permettait de développer l’intelligence des élèves, tout en leur enseignant les règles de la grammaire et du style. C’est, là, croyons-nous, ce qui explique le succès extraordinaire qu’ont obtenu les livres classiques de M. Larousse.

Outre les ouvrages qui viennent d’être cités, M. Larousse a fondé, en 1858, un journal d’enseignement, l’École normale, dont la collection complète forme 13 volumes, et enfin, en 1860, l’Émulation, petite feuille mensuelle qui s’adressait spécialement aux élèves.

Cette bibliothèque classique a acquis à M. Larousse une situation de fortune qu’il a consacrée à l’édification du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, œuvre monumentale, unique en son genre, mais dont il ne nous appartient pas de faire ressortir à cette place la valeur et la portée.

Nous citerons encore de M. Larousse : Monographie du chien (1860, in-12) ; Flore latine des dames et des gens du monde (18G1, in- 8°) ; Fleurs historiques des dames et des gens du monde (1862, in-8o) ; la Femme sous tous ses aspects (1872, in-18).

Enfin, il a donné, en collaboration avec M. F. Clément, un Dictionnaire lyrique (1869, in-8o), et, avec M. Alfred Deberle, les Jeudis de l’institutrice (1871), et les Jeudis de l’instituteur (1872, 2 vol. in-18). V. au Supplément.