Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LE BON (Ghislain-François-Joseph), conventionnel montagnard

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 289-290).

LE BON (Ghislain-François-Joseph), conventionnel montagnard, né à Arras le 26 septembre 1765, décapité à Amiens le 24 vendémiaire an IV (16 oct. 1795). C’est un des hommes de la Révolution sur qui la réaction s’est le plus acharnée. Sans prétendre réhabiliter tous ses actes, nous essayerons cependant de discerner froidement la vérité au milieu de tant d’assertions et de la soumettre à nos lecteurs.

Nous nous aiderons d’un travail fort important, Joseph Le Bon dans sa vie privée et dans sa carrière politique, par son fils Émile Le Bon, juge au tribunal de première instance de Chalon-sur-Saône (1861, 1 vol. in-8°). Sans doute, il convient de se tenir en garde contre les illusions et les entraînements de la piété filiale, et nous n’y manquerons pas ; mais il n’est pas moins impérieux de recueillir tous les témoignages pour les contrôler les uns par les autres et pour en dégager les éléments d’une juste appréciation de l’homme et de ses actions.

Joseph Le Bon était, avant 1789, prêtre de l’Oratoire et professeur de rhétorique au collège de Beaune, qui appartenait à sa congrégation. Sans avoir ni appelé ni désiré la Révolution, il l’accueillit avec enthousiasme et se trouva dès lors en butte aux tracasseries de ses supérieurs. Fatigué de cette lutte, il quitta volontairement l’Oratoire en mai 1790, fut élu peu de temps après curé constitutionnel de Neuville-Vitasse, près d’Arras, et prêta le serment légal à la constitution civile du clergé. Après le 10 août, il fut élu par ses concitoyens maire d’Arras et député suppléant à la Convention nationale. Dans ces circonstances critiques, au sein d’une ville qui se trouvait alors presque sous le canon des troupes coalisées, il montra dans l’exercice de ses fonctions municipales autant d’énergie que de modération. C’est ainsi qu’après les massacres de septembre, deux envoyés de la Commune de Paris étant venus à Arras pour activer la propagande révolutionnaire, Le Bon, craignant que leurs prédications ne produisissent trop d’effervescence, parvint à les faire partir de la ville.

Au renouvellement des corps administratifs, le 11 novembre (1792), il fut élu membre du directoire du Pas-de-Calais, enfin appelé, au commencement de juillet 1793, à siéger à la Convention, en remplacement de Magniez, qui s’était volontairement retiré après la chute des girondins, et dont il était le suppléant.

Étant maire d’Arras, il avait épousé sa cousine. Ce fut un des premiers prêtres qui donnèrent l’exemple de se marier. Qu’on n’oublie pas qu’alors cet acte civil était considéré comme une preuve de patriotisme, d’attachement au régime nouveau.

Dans l’Assemblée, il siégea à la Montagne et fut presque aussitôt envoyé en mission dans la Somme et le Pas-de-Calais, contribua à la dispersion d’un rassemblement séditieux qui se formait autour de Saint-Pol, comme le noyau d’une autre Vendée, se conduisit avec une modération qui lui attira même quelques attaques, et fut nommé à son retour membre du comité de Sûreté générale.

Le 8 brumaire an II (29 oct. 1793), il fut envoyé de nouveau en mission dans le Pas-de-Calais. La situation était encore fort critique sur notre frontière du Nord ; Condé. Valenciennes, Le Quesnoy étaient au pouvoir des Autrichiens, et des bandes contre-révolutionnaires commençaient à se reformer. Cette fois encore, sa présence fit avorter les tentatives des ennemis de la France et de la Révolution, et le comité de Salut public étendit bientôt sa mission aux départements circonvoisins et le chargea d’établir le gouvernement révolutionnaire, de renouveler les autorités constituées et de prendre les mesures de salut public commandées par les circonstances.

Ce ne fut cependant qu’un mois plus tard qu’il établit à Arras un tribunal révolutionnaire (25 pluviôse an II [13 févr. 1794]). Quelques jours plus tard, il était rappelé à Paris, et il semble que ce fut même à cause de la modération avec laquelle il avait appliqué les décrets contre les suspects et les contre-révolutionnaires. Du moins, en le renvoyant presque aussitôt à son poste, le comité lui recommanda de prendre les mesures les plus vigoureuses et de se tenir en garde contre les séductions d’une humanité fausse et mal entendue.

La situation était en effet des plus déplorables sur cette frontière ; à part la victoire d’Hondschoote, restée sans résultat, nous n’avions eu depuis huit mois que des revers ; les trahisons et les complots étaient dans toutes les villes, où les intrigues des royalistes s’associaient aux corruptions de l’étranger. Le Bon savait d’ailleurs, par cent exemples, que la Convention ne laissait à ses représentants en mission, comme à ses généraux, d’autre alternative que de vaincre ou de périr. Les dangers de la patrie n’en laissaient pas d’autre non plus.

Le 17 floréal an II (6 mai 1794), Le Bon s’enferma dans Cambrai, menacé par les Autrichiens, qui venaient de prendre Landrecies. Cette ville était un foyer de contre-révolution, à ce point qu’il avait fallu en août 1790 une loi spéciale pour contraindre les anciens états du Cambrésis à se dissoudre et à céder la place à l’administration nouvelle, élue par les citoyens, en vertu de la loi. Elle était en outre peuplée d’agents autrichiens, de traîtres et d’espions. Personne n’osait plus y porter la cocarde nationale ; les autorités constitutionnelles étaient en fuite ou paralysées par la terreur. En outre, la garnison délabrée suffisait à peine à tenir tête aux royalistes et ne semblait pas en état de résister aux Autrichiens.

Ainsi, contenir les royalistes, découvrir et réprimer les conspirateurs et les traîtres, rassurer les patriotes, rendre l’énergie aux fonctionnaires, conserver Cambrai à la France, telle était la mission difficile de Le Bon. Cambrai pris, c’était la route de Paris ouverte. Il est certain, dit le général Mathieu Dumas, que c’est cette place qui a sauvé la France, en 1794, après la prise de Valenciennes (Chambre des députés, 20 juin 1829).

Le Bon s’était jeté dans la ville avec la résolution d’y faire triompher les destinées de la République ou de s’ensevelir sous les ruines de la place. Il communiqua son énergie au peuple et à la garnison, releva les courages abattus, punit les traîtres avérés, et telle fut l’impression produite par sa présence, que les Autrichiens, qui avaient compté sur les trahisons pour s’emparer de la ville, se bornèrent dès lors à tourner autour des murailles, n’osant tenter une attaque de vive force, et finirent par se retirer honteusement. Peu de temps après, la victoire de Fleurus (7 messidor an II [25 juin 1794]) décida du sort de la campagne. En annonçant ce beau succès à la Convention, Barère rendit une justice éclatante à Le Bon, qui, par sa conduite à Cambrai, avait fait manquer le plan de campagne de l’ennemi {Moniteur, an II, n° 282).

D’un autre côté, pour défendre le vaillant représentant contre certaines attaques, la ville dé Cambrai envoya à la Convention un délégué pour présenter à la barre la pétition suivante, couverte de signatures :

« La société populaire, républicaine et régénérée de Cambrai, unie à un peuple immense,

À la Convention nationale :

Citoyens représentants, la société populaire et toute la commune de Cambrai nous envoient vers vous pour vous demander que Joseph Le Bon soit conservé dans nos murs. Depuis qu’il y est, il n’a cessé de faire le bien… Avant son arrivée, les ennemis extérieurs savaient tout ce qui passait dans la place… À peine Joseph Le Bon y est-il arrivé, que les Autrichiens s’en éloignent. Les monarchiens, les traîtres, les aristocrates connus sont incarcérés, les ennemis de toute espèce livrés au glaive de la loi, et les patriotes opprimés rendus à la liberté.

Il protège et honore la vieillesse indigente, il pratique toutes les vertus que vous avez mises à l’ordre du jour, les fait pratiquer et aimer. Nous venons vous demander que vous vouliez bien nous conserver le représentant Le Bon dans nos murs, pour y achever le bien qu’il a si heureusement commencé. » (Moniteur, n° 281. 11 messidor an II.)

Déjà, en effet, il était poursuivi par de violentes attaques, surtout de la part de Guffroy, son collègue dans la députation du Pas-de-Calais, qui avait été son ami. Ce Guffroy, d’abord terroriste, puis réacteur, et toujours énergumène, se constitua l’ennemi acharné de son compatriote, et après l’avoir, dans l’origine, accusé de modérantisme, le poursuivit ensuite pour le motif contraire. Il publia contre lui des libelles où tous ses actes étaient odieusement dénaturés, et qui sont restés une des sources où les réacteurs et les royalistes sont allés puiser.

Dans sa mission, Le Bon avait dû destituer et même faire incarcérer certains fonctionnaires prévaricateurs ou suspects. Appuyés et dirigés par Guffroy, ceux-ci formèrent un parti fort bruyant et fatiguèrent la Convention et les comités de leurs réclamations et de leurs calomnies. Le Bon, poursuivi à outrance, prouva, par sa correspondance avec le comité de Salut public et par le détail de ses actes, que, soit à Arras, soit à Cambrai, loin d’avoir abusé de ses pouvoirs, il était constamment resté au-dessous des excitations qu’il recevait et de ses concitoyens et de Paris. C’est ainsi que le comité de Salut public lui ayant conseillé l’établissement de deux nouveaux tribunaux révolutionnaires, l’un à Guise, l’autre à Saint-Quentin, il s’y était péremptoirement refusé. On peut voir la preuve de ce fait dans sa correspondance avec le comité, conservée aux Archives nationales. On trouve encore dans ce vaste dépôt (carton F, VII, 4,535) des pièces justificatives établissant que Le Bon avait formé spontanément à Arras une commission de sept membres siégeant en permanence, et chargés d’examiner les dossiers des accusés, les causes d’arrestation, et de proposer chaque jour des mises en liberté. Une seule de ces pièces donne la liste de 138 détenus rendus à la liberté par arrêté du représentant et d’après les enquêtes de la commission.

Néanmoins, et malgré les protestations des patriotes d’Arras, de Cambrai, d’Aire, de Boulogne, de Saint-Omer, de Calais, de Béthune (où les libelles de Guffroy furent brûlés publiquement), les calomnies réitérées de la faction finirent par produire assez d’impression pour que la Convention en renvoyât l’examen au comité de Salut public, fort divisé depuis la mort de Danton. Le rapport fut présenté le 21 messidor an II, par Barère, qui ménageait tous les partis et qui cependant défendit Le Bon, quoique en termes assez ambigus et avec des restrictions que n’autorisaient en aucune manière les relations et les correspondances journalières de celui-ci avec le comité.

« Ce n’est qu’avec regret, dit-il, que le comité vient vous entretenir de pétitions faites à votre barre, et suggérées par l’astucieuse aristocratie contre un représentant qui lui a fait une guerre terrible à Arras et à Cambrai… Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation ; mais ces formes ont détruit les pièges de l’aristocratie. Une sévérité outrée a été reprochée au représentant ; mais il n’a démasqué que de faux patriotes, et pas un patriote n’a été frappé… Joseph Le Bon, quoique avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates ; il a comprimé les malveillants et fait punir, à Cambrai surtout, les contre-révolutionnaires et les traîtres ; les mesures qu’il a prises ont sauvé Cambrai couvert de trahisons… »

En résumé, il proposait l’ordre du jour, qui fut voté à l’unanimité (Moniteur, an 11, n° 292).

La victoire de Fleurus et l’affranchissement de la frontière du Nord rendaient désormais la mission de Joseph Le Bon sans objet. Il fut rappelé dans le sein de la Convention.

Trois semaines plus tard éclatait le 9 thermidor. La réaction, qui se déchaîna presque aussitôt, permit à Guffroy de donner de nouveau un libre cours à sa haine. Associé à André Dumont, autre terroriste devenu réacteur, ils provoquèrent deux pétitions, l’une à Arras, l’autre à Cambrai, et revêtues chacune de deux signatures, les appuyèrent à la tribune, et attaquèrent Le Bon avec une telle furie, que la Convention intimidée, et d’ailleurs irrésistiblement entraînée par la fureur et la panique réactionnaires, ordonna à ses comités de lui faire un nouveau rapport, et en outre décréta l’arrestation provisoire de l’inculpé. Incarcéré à Paris pendant que sa jeune femme l’était à Arras, dépouillé de tous ses papiers justificatifs, de tout moyen de défense, même de ses papiers de famille, même du peu d’argent qu’il possédait, le malheureux Le Bon resta une année presque entière en prison sans que son affaire fût rapportée. Pendant ce temps, ses ennemis, avec une frénésie incroyable, travaillaient la légende de ses missions. La diffamation, la calomnie prirent à son égard des proportions fabuleuses. Fréron, l’un des plus enragés thermidoriens, raconta effrontément, dans son Orateur du peuple, la fameuse histoire de Le Bon promettant à une femme la grâce de son mari à la condition qu’elle se prostituerait a à lui, puis se contentant d’offrir 25 fr. à la malheureuse, et finalement faisant exécuter le mari et la femme. Courtois, dans son rapport sur la Conjuration de Robespierre, fit également allusion à cette inepte calomnie. Bourdon de l’Oise affirma à la tribune que Le Bon avait fait guillotiner trois rues entières à Arras (séance du 12 germinal an III). Enfin Guffroy, brochant sur le tout, imprimait chaque jour de nouveaux libelles, accumulant sur la tête de sa victime tous les forfaits imaginables, jusqu’au vol d’un collier de diamants, qui se trouva sous les scellés d’où il n’était jamais sorti. Il est à peine nécessaire d’ajouter que ces prétendus faits étaient absolument imaginaires. L’histoire de la femme aux 25 fr. a été reconnue fausse, même dans l’acte d’accusation dressé contre Le Bon, et rédigé cependant avec l’intention manifeste, de le trouver coupable sur tous les points. Quant aux trois rues de Bourdon de l’Oise, elles n’ont jamais existé que dans la diatribe de cet énergumène et n’ont jamais été rappelées dans aucune des circonstances du procès.

Du fond de sa prison, le sauveur de Cambrai essaya de protester contre tant d’immondes calomnies. Un seul journal, l'Ami du peuple, de Lebois, osa insérer une lettre de lui. Le lendemain, le journaliste était jeté en prison.

Après les émeutes de germinal et de prairial an III, au plus fort de la réaction, en messidor de l’an III, sur un rapport bâclé par Quirot, là Convention asservie à la contre-révolution, qu’elle s’était donnée pour maîtresse en voulant s’en faire une alliée, décréta qu’il y avait lieu à accusation contre Le Bon et le renvoya devant le tribunal criminel d’Amiens. Privé du secours d’un conseil, dépouillé de ses papiers justificatifs, il fut, malgré la vigueur et la dignité de sa défense, condamné à la peine de mort.

On peut voir, dans la publication de M. Émile Le Bon, le détail de tous les vices et de toutes les iniquités de cette procédure, ainsi que la réfutation, article par article, du rapport à la Convention nationale ; et l’on demeurera convaincu que Le Bon fut une victime politique, une sorte de bouc émissaire, et qu’en le livrant à ses ennemis l’Assemblée se condamnait elle-même ; car il n’avait fait qu’appliquer les lois alors en vigueur. Que ces lois fussent terribles, que, placé en face de l’ennemi et sous le poignard des conspirateurs, il les ait appliquées rigoureusement, cela est certain ; que même en ces circonstances suprêmes, au milieu de si grands périls, il ait commis quelques abus de pouvoir, cela est probable. Environné de traîtres, il a pu frapper quelques innocents ; on peut le concéder, bien que ce ne soit pas prouvé, qu’on le remarque bien ; mais enfin cela est vraisemblable.

Quant à toutes les anecdotes hideuses qui se rattachent à son nom, les unes n’ont aucune base réelle et sont de pures inventions, les autres ont pour origine des faits dénaturés avec la mauvaise foi la plus insigne. C’est ainsi que le rapport fait contre lui lui reprochait d’avoir fait suspendre l’exécution d’un condamné pour lire à ce malheureux un article d’une gazette révolutionnaire. Or, il fut établi que ce n’est pas au condamné, mais au peuple assemblé dans la place, et avant l’exécution, que Le Bon vint annoncer une victoire remportée à Menin, et dont la nouvelle lui arrivait à l’instant ; publicité d’autant plus urgente pour relever les courages, que le matin même les ennemis de la République avaient répandu le bruit sinistre et mensonger de la prise de Guise par les Autrichiens (voyez Moniteur, an III, n° 296, et les Lettres justificatives de Le Bon). Quant à toutes les calomnies ineptes accumulées par Michaud jeune dans la biographie universelle, 24 ans après les événements, à une époque où l’histoire de la Révolution était devenue une espèce de légende mythologique, il n’y a pas lieu de s’en occuper, car elles ne sont appuyées sur aucun témoignage, sur aucun document, pas même sur l’acte d’accusation, rempli cependant de mensonges et d’assertions victorieusement réfutées par Le Bon lui-même et par son fils, dans l’ouvrage que nous avons cité. Ainsi, Michaud raconte avec un impudent aplomb que Le Bon avait fait placer un orchestre près de l’échafaud, qu’il parcourait les rues dans un costume de brigand, tirant des coups de pistolet pour effrayer les passants, qu’il fit guillotiner un citoyen dont le perroquet criait vive le roi, et que même il fut sérieusement question de guillotiner le perroquet lui-même, etc., etc. À cette époque, on pouvait inventer contre les hommes de la Révolution toutes les monstruosités possibles sans crainte d’être démenti. Un seul exemple montrera la bonne foi de Michaud. En énumérant les divers chefs d’accusation sous lesquels Le Bon était renvoyé devant le tribunal, il s’exprime ainsi, à propos du paragraphe relatif aux prétendus vols et dilapidations : « Les faits étaient tellement établis et si bien prouvés, qu’il ne s’éleva pas un seul doute ni la moindre contradiction. » Or, c’est précisément le contraire qui eut lieu. Dans le compte rendu de la séance du 22 messidor an III, le Moniteur constate qu’au moment où Le Bon allait prendre la parole pour répondre à ces accusations, on s’écria de tous côtés : C’est inutile, il s’en est justifié ! Malgré l’esprit de partialité qui la dominait alors, la Convention eut honte de ces accusations ignobles autant qu’injustes, et ce chapitre fut retranché de l’acte d’accusation, comme on peut le voir au Bulletin de la Convention, n° 1015, où l’acte d’accusation est reproduit.

On peut ajouter qu’il a été établi que Joseph Le Bon n’avait tiré du trésor pour dépenses extraordinaires pendant les huit mois de ses deux missions, y compris son séjour à Cambrai avec la section du tribunal révolutionnaire, que la somme totale de 29,400 fr., et qu’il est mort en laissant à un ami le soin de payer 20 fr. pour ses draps de prison.

En ce qui touche les mesures de répression, rappelons encore qu’il n’avait ni à interpréter les lois révolutionnaires, ni à les atténuer, mais à les appliquer. On a vu plus haut que, pour éviter autant que possible les erreurs judiciaires, il avait établi une commission chargée de proposer des mises en liberté. Quant aux accusés mis en jugement, tous le furent pour des faits précis, des délits caractérisés par les lois d’alors. Mais tous ne furent point condamnés. Un registre de jugement conservé aux archives nationales établit que, sur 209 individus jugés du 21 floréal au 9 messidor, il y eut 58 acquittés, c’est-à-dire un sur quatre.

La correspondance de Joseph Le Bon, publiée par son fils, nous le montre comme le plus tendre des époux et des pères ; sans avoir une valeur absolue, cette preuve morale, ou du moins ce témoignage n’en laisse pas moins une impression favorable, et l’on a peine à se figurer un tel homme se livrant aux fureurs qui ont rendu son nom si tristement fameux.

D’ailleurs, la pièce capitale contre lui, c’est le rapport à la Convention, œuvre de haine et de réaction ; et comme nous l’avons dit plus haut, ce document a été réfuté avec beaucoup de force, et par lui-même, dans ses Lettres justificatives, et par M. Émile Le Bon qui l’a soumis à un examen approfondi, en appuyant ses réfutations de pièces authentiques et de démonstrations péremptoires.