Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LORRAINE (ROYAUME DE)

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 2p. 685-686).

LORRAIN (Robert LE), sculpteur français. V. Le Lorrain.


LORRAINE (royaume de), en latin Lotharingia, royaume formé après l’abdication de l’empereur Lothaire (855) en faveur de son deuxième fils, Lothaire II, qui lui donna son nom (Lotharii regnum, d’où Lotharingia). Cet État répondait à peu près à l’ancien royaume d’Austrasie. Il était limité au N.-E. et au N. par le Rhin, depuis Bâle jusqu’à l’embouchure orientale de ce fleuve dans la mer du Nord ; au S.-E. par le Jura jusqu’à Bâle ; au S. par le Rhône au-dessus de Lyon ; à l’O. par la Saône jusqu’au Rhône ; au S.-O. par une ligne tirée des sources de l’Escaut à Donchery sur la Meuse, et au N.-O. par la mer du Nord depuis la Vlie jusqu’à l’embouchure de l’Escaut et par l’Escaut jusqu’à l’embouchure de ce fleuve. Il embrassait ainsi le Cambrésis, le Hainaut, le Condros ou pays de Namur, le pays de Mézières, Donchery, Vendresse, le pays de Mouzon, celui de Sloune, le Dormois, le Barrois, l’Ornois, le Bassigny et le Saintois. Toutefois, les pays compris dans les limites que nous venons d’indiquer ne restèrent pas complètement en la possession de Lothaire jusqu’à sa mort ; plusieurs parties en furent distraites en faveur de son frère Charles, entre autres les diocèses de Belley et de Tarentaise. Après la mort de Lothaire II (869), son royaume fut partagé entre ses oncles, Charles le Chauve, roi de France, et Louis le Germanique, roi de Germanie. Cependant il est probable que Charles le Chauve ne posséda que nominalement sa portion ; car nous voyons qu’à la mort de Louis le Germanique, l’un de ses trois fils, Louis le Jeune, joignit à la France orientale ou Franconie, et à la Saxe que lui avait léguée son père, la Lorraine, accrue de la partie de cette province qui avait été attribuée à Charles le Chauve. Ce fut seulement en 895 qu’Arnoul, devenu seul roi de Germanie, rétablit, en faveur de son fils Zwentibold, le royaume de Lorraine, sous la suzeraineté des rois allemands, afin d’opposer une barrière aux incursions des Normands. Zwentibold ayant été tué par ses sujets, en 900, les Lorrains se donnèrent à Henri IV l’Enfant, roi de Germanie. En 911, ils reconnurent Charles le Simple, qui n’en devint pas plus puissant par cet accroissement d’héritage ; car le duc Rainier, qu’il établit dans cette province, s’y rendit indépendant. Mais si Rainier échappa au joug de la France, ses successeurs subirent celui de l’Empire (940). En 954, l’empereur Othon le Grand donna le duché de Lorraine à son frère Brunon, déjà archevêque de Cologne, qui prit alors le titre d’archiduc et partagea la Lorraine en deux duchés : celui de basse Lorraine au N. ou Lothier, et celui de haute Lorraine ou Lorraine Mosellane. Ce partage eut lieu en 959.

Le duché de basse Lorraine ou Lorraine Ripuaire, appelé aussi duché de Lothier, situé entre le Rhin, la Meuse et la Moselle, borné pur la Frise au N., par la Flandre et par le Vermandois à l’O., par la Lorraine Mosellane au S. et par la Saxe à l’E., renfermait le Brabant, le diocèse de Cambrai, les évêchés de Liège et de Cologne et la Gueldre. Ce duché, donné par Othon II, roi de Germanie, à Charles de France, deuxième fils de Louis d’Outre-mer, passa après la mort d’Othon, fils de ce prince (1104), à Godefroy, comte de Verdun. Toutefois, les territoires de Trêves, Metz, Toul et Verdun relevèrent directement de l’Empire, ainsi que plusieurs des comtés des deux provinces. Godefroy, comte de Verdun, transmit le duché de basse Lorraine à son frère, Gothelon. Vint ensuite Godefroy II le Bossu, fils de Gothelon, dont le neveu et l’héritier, Godefroy de Bouillon, partit pour la première croisade. La basse Lorraine échut alors à Henri de Limbourg, puis à Godefroy le Barbu, comte de Louvain (1106), qui fut la tige des ducs de Brabant. V. Brabant.

Le duché de haute Lorraine ou Lorraine Mosellane, compris entre la basse Lorraine au N., l’Alsace à l’E., la Franche-Comté au S., et la Champagne au S.-O. et à l’O., fut donné, en 959, à Frédéric Ier, comte de Bar, dont la postérité posséda le duché jusqu’en 1033. En 984, Frédéric Ier mourut, laissant ses États à son fils Thierry, qui régna sous la tutelle de sa mère Béatrix. À la mort de l’empereur Othon III (1002), Thierry se déclara pour Hermon, duc de Souabe, contre Henri, duc de Bavière. Ce dernier obtint le suffrage des électeurs, et Thierry fut contraint de demander la paix. Frédéric II (1026), son fils et successeur, se ligua avec plusieurs seigneurs pour enlever là couronne d’Allemagne à Conrad II ; mais cette entreprise échoua. À sa mort, arrivée en 1033, Goslon Ier, ou Gothelon, duc de la basse Lorraine, ayant été nommé tuteur de ses filles, obtint de l’empereur l’héritage de ses pupilles, et il réunit ainsi les deux Lorraines. En 1043, Gothelon II, son fils, lui succéda dans la Lorraine Mosellane ; mais ce prince mourut trois ans après, et alors l’empereur refusa le duché à Godefroy, frère de Gothelon II, pour le donner à Albert, comte d’Alsace. Celui-ci fut assassiné par l’ordre de Godefroy, et l’empereur, pour éviter ces sanglantes querelles, érigea la haute Lorraine en duché héréditaire, qu’il donna (1048) à Gérard d’Alsace, neveu d’Albert. C’est de ce prince que descend la maison de Lorraine, qui occupe aujourd’hui le trône d’Autriche. Gérard mourut empoisonné en 1070. Thierry II, son fils, surnommé le Vaillant, eut d’abord à soutenir une longue guerre contre son frère Gérard. L’empereur y mit fin en érigeant en comté, pour Gérard, la seigneurie de Vaudemont. Thierry prit parti pour l’empereur dans la querelle des investitures ; Grégoire VII fulmina contre le duc de Lorraine une sentence d’excommunication, qui fut rétractée lors du départ de la première croisade que commandait Godefroy de Bouillon, parent de Thierry II. Simon Ier, son successeur (1115), fut contraint de défendre ses droits contre l’archevêque de Trêves, qui avait usurpé le titre de duc de Lorraine, et le pape donna gain de cause à Simon Ier. Celui-ci mourut après avoir été vicaire de l’Empire et fait une expédition victorieuse contre Roger, roi de Sicile. Matthieu Ier, son fils, qui lui succéda en 1139, fut excommunié pour avoir empiété sur les domaines des seigneurs partis à la croisade, et ne fut relevé de cette excommunication qu’au bout de trois ans. Il prit part à une guerre en Italie, et transporta la capitale de ses États à Nancy, dont il fit sa résidence habituelle. Cet exemple fut suivi par ses successeurs. Simon II, son fils, après un règne de vingt-neuf ans (1176-1205) abdiqua pour se retirer à l’abbaye de Sturtzelbronn, où il mourut sans postérité. Son frère, Ferri Ier, fut reconnu duc de Lorraine, et l’année suivante (1206), il céda ses États à son fils, Ferri II. Le règne de ce dernier prince, qui mourut en 1213, fut rempli par une lutte contre son beau-père, Thibaut, comte de Bar, et par la part qu’il prit à la guerre de Frédéric II contre l’empereur Othon IV. Thibaut Ier (1213), son fils, lui succéda, mais ne suivit pas la même politique ; il prit le parti d’Othon IV, et il se trouvait dans l’armée impériale qui fut défaite à Bouvines, en 1214. Matthieu II, qui lui succéda en 1220, prit part à tous les événements de son temps et fut l’implacable adversaire de Frédéric II. En 1231, il assista à la diète de Worms et contribua à l’élection de Henri, landgrave de Thuringe. Il réforma l’administration intérieure de son duché, et décida que les actes publics seraient rédigés en langue vulgaire, c’est-à-dire en français dans le pays roman et en allemand dans la Lorraine allemande.

En 1251, Ferri III, né en 1239, mort en 1303, était à peine âgé de douze ans lorsqu’il succéda à son père, sous la tutelle de Catherine de Limbourg, sa mère. Le règne de ce prince fut troublé par des agitations intérieures. Redoutant la révolte de la noblesse, qu’il voulait abaisser, il accorda des privilèges et des immunités à un grand nombre de communes ; mais cette conduite ne fit qu’augmenter la sourde agitation qui régnait partout. L’évêque de Metz lui déclara la guerre et Ferri ut vaincu. Enfin, grâce à l’intervention du roi de France et de l’empereur, l’ordre fut rétabli dans le pays. En 1304, son fils, Thibaut II, lui succéda ; il eut d’abord une guerre à soutenir contre l’évêque de Metz et le comte de Bar, qu’il vainquit et fit prisonnier, puis il amena des secours à Philippe le Bel, lors de la bataille de Mons-en-Puelle (1304), accompagna ensuite l’empereur Henri VII en Italie, et mourut en 1312. Ferri IV, son successeur (1312), s’étant déclaré contre l’empereur Louis de Bavière, fut fait prisonnier à la bataille de Mulsdorf, en 1322, expia sa défaite par une longue captivité, et mourut en combattant pour la France à la bataille de Cassel (13 août 1328). Son fils, Raoul, lui succéda, sous la tutelle d’Isabelle d’Autriche, sa mère. Il alla d’abord en Espagne combattre les Maures, puis eut à repousser une attaque d’Adémar, évêque de Metz ; après ce succès, il se rendit à la cour de France et perdit la vie à la sanglante bataille de Crécy (1346). Sa seconde femme, Marie de Châtillon, dame de Guise, lui apporta en dot, entre autres fiefs, le comté de Guise, qui devint l’apanage des cadets de Lorraine. À sa mort, son fils, Jean Ier, n’était âgé que de quelques mois ; il fut néanmoins reconnu sous la régence de Marie de Blois, sa mère. Ce prince fit ses premières armes à la bataille de Poitiers, où il tomba au pouvoir des Anglais. Quelque temps après, ayant recouvré sa liberté, il servit en Bretagne, dans l’armée de Charles de Blois, son parent, et fut encore fait prisonnier à la bataille d’Auray. Plus tard, emporté par son ardeur belliqueuse, il alla au secours des chevaliers teutoniques contre le duc de Lithuanie, et contribua au gain de la bataille d’Hazeland (1365). Il mourut en 1391, laissant la couronne ducale à son fils Charles Ier, qui mérita le surnom de Hardi, pour le courage qu’il montra en combattant pour l’ordre Teutonique. Après avoir apaisé une révolte dans ses États, il se rendit à la cour de France et accompagna Charles VI au siège de Bourges (1410). Il prit aussi une part active aux troubles qui agitèrent la France pendant la sanglante lutte des factions d’Orléans et d’Armagnac. À sa mort, le duché passa à Isabelle, sa fille aînée, contrairement à la loi salique, qui réglait l’hérédité de la Lorraine. René Ier (1431), fils de Louis II, duc d’Anjou, qui avait épousé cette princesse, fut reconnu par les états de Lorraine. Mais René eut à défendre ses droits contre les prétentions d’Antoine de Vaudemont, neveu de Charles Ier. On en vint aux mains ; René fut vaincu et fait prisonnier, et il ne recouvra sa liberté qu’après une captivité de cinq ans. Sur ces entrefaites, la mort de la reine Jeanne, qui l’avait institué son héritier, lui donna la couronne de Naples. Il partit pour l’Italie, abandonnant la Lorraine aux prétentions de son rival, qui y fit des courses multipliées. En 1453, il céda le duché de Lorraine à son fils aîné, Jean, duc de Calabre, et se retira en Provence, où il mourut en 1480. Jean II, d’un caractère entreprenant et belliqueux, signala sa valeur à Florence, à Gènes, prit part à la ligue du Bien public, mais ne visita la Lorraine que pour y lever des subsides. En 1470, Nicolas, son fils, lui succéda ; ce prince dirigea contre Metz une entreprise malheureuse et mourut peu de temps après sans postérité (1473). René II, comte de Vaudemont, qui avait épousé Yolande d’Anjou, fille de René Ier, fut généralement reconnu comme duc de Lorraine ; mais Charles le Téméraire, qui désirait joindre la Lorraine à ses vastes États, fit enlever René II à Joinville. Louis XI envoya aussitôt une armée sur les frontières de la Lorraine, et René fut relâché. L’année suivante, René se ligua avec le roi de France et l’empereur Frédéric III contre Charles le Téméraire ; celui-ci vint assiéger Nancy, qu’il prit le 25 octobre 1475. Mais après les délaites de Granson et de Morat, Charles le Téméraire trouva la mort dans une troisième bataille livrée sous les murs de Nancy, le 5 janvier 1477. René rentra alors en possession de ses États. Il mourut en 1508, laissant la couronne ducale à son fils, Antoine le Bon, qui accompagna Louis XII et François Ier dans leurs expéditions d’Italie ; il se distingua à Agnadel, à Marignan, etc. Peu après il tailla en pièces, près de Saverne (1525), une formidable armée de paysans anabaptistes qui menaçaient d’envahir ses États. Une transaction, passée le 26 août 1542 à Nuremberg, avec le roi Ferdinand et le corps germanique, lui assura la souveraineté libre et indépendante de son duché. Il mourut, en 1544, après avoir su rester neutre dans la lutte entre l’empereur et le roi de France. Son fils, François Ier, ne régna qu’un an et mourut en 1545. Le fils de celui-ci, Charles II, n’avait que trois ans lorsqu’il fut proclamé duc sous la tutelle de Christine de Danemark, sa mère. Mais le roi de France, Henri II, craignant que cette princesse, nièce de l’empereur, ne se déclarât pour ce dernier, lui enleva la régence, donna le gouvernement du pays à l’évêque de Metz, et emmena Charles II à sa cour. CharlesQuint vint inutilement mettre le siège devant Metz, et le traité de Cateau-Cambrésis donna les Trois-Évêchés à la France. Charles II, qui avait épousé en 1558 Claude de France, fille de Henri II et de Catherine de Médicis, revint dans ses États en 1559, réunit à ses possessions le comté de Bitche, et fonda à Pont-à-Mousson une université qui devint célèbre. Pour venger la mort du duc de Guise, son parent, il entra dans la Ligue et en fut un des principaux chefs. Il ne reconnut Henri IV qu’en 1593, et mourut en 1608, laissant pour successeur son fils Henri II, dit le Bon, qui régna jusqu’en 1624. À sa mort, François II, son frère, ne garda le pouvoir que quelques mois et mourut sans laisser de postérité masculine (1624). Ses États appartinrent à Nicole, sa fille, qui avait épousé son neveu Charles III. Celui-ci en fut privé durant la guerre de Trente ans par les Français, contre lesquels il s’était prononcé. Rentré dans ses droits en 1659, il abandonna, par un traité signé trois ans plus tard, la Lorraine à la France, à la seule condition que tous les princes de sa maison seraient mis au rang de princes du sang ; mais il fut encore obligé de quitter le pays, et il eut la douleur de le voir dévaster et démembrer. Le titre de duc de Lorraine, qu’il laissa à son neveu Charles IV, ne fut pour celui-ci qu’un titre in partibus ; jamais il ne rentra dans son duché, ne voulant point souscrire aux humiliantes conditions du traité de 1662. Léopold, son fils, qui lui succéda en 1690, fut remis, dans l’année 1697, en possession de l’héritage de ses pères, que les Français avaient occupé pendant vingt-sept ans. Son fils, François-Étienne ou François III, père de l’empereur Joseph II, lui succéda en 1729 ; mais la Lorraine, envahie par les Français en 1733, fut cédée en 1730, par le traité de Vienne, à l’ex-roi de Pologne, Stanislas Leczinski, beau-père deLouis XV, à la mort duquel elle fut réunie à la Franco en 1766.

DUCS DE LORRAINE.

Frédéric Ier 959
Thierry 984
Frédéric II 1026
Gothelon 1033
Albert 1046
Gérard 1048
Thierry II .... 1070
Simon Ier 1115
Matthieu Ier 1139
Simon II 1176
Ferri Ier 1205
Ferri II 1206
Thibaut Ier.. 1213
Matthieu II... 1220
Ferri III 1251
Thibaut II 1304
Ferri IV 1312
Raoul 1328
Jean Ier 1346
Charles Ier 1391
René Ier 1431
Jean II 1453
Nicolas 1470
René II 1473
Antoine 1509
François Ier 1544
Charles II.... 1545
Henri 1608
François II 1624
Charles III 1624
Charles IV 1624
Charles V 1675
Léopold 1690
François III 1729
Stanislas Leczinski 1737-1766.