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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Louis (ORDRE ROYAL ET MILITAIRE DE SAINT-) (France)

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 2p. 722-723).

Louis (ORDRE ROYAL ET MILITAIRE DE SAINT-) [France]. Cet ordre fut institué au mois d’avril 1693 par Louis XIV, pour récompenser les services militaires ; il ne pouvait être accordé qu’aux officiers catholiques. Le roi Louis XV le confirma en 1719. Les statuts portaient que, pour y être admis, il fallait avoir au moins vingt-huit ans de service militaire comme officier ou s’être distingué par quelque action d’éclat, faire le serment de vivre et de mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine, d’être fidèle au roi, de lui obéir, de défendre l’honneur de Sa Majesté, ses droits et ceux de sa couronne envers et contre tous ; de ne jamais quitter son service ni passer, sans sa permission, à celui d’un prince étranger ; de révéler tout ce qu’on pourra connaître contre la personne du roi et contre l’État ; d’observer exactement les statuts et les ordonnances de l’ordre et de s’y comporter en bon, sage et loyal chevalier. L’ordre fut mis bientôt en possession de revenus considérables, sur lesquels le roi assignait des pensions à ceux des membres de l’ordre qu’il jugeait les plus dignes de cette faveur.

Par l’édit d’institution, le roi s’en déclara le grand maître, et voulut que la grande maîtrise fût toujours unie à la couronne ; les dauphins ou héritiers présomptifs, les maréchaux de France, l’amiral et le général des galères portaient de droit la croix de Saint-Louis. On ne comptait dans l’origine que 8 grands-croix et 24 commandeurs. Louis XVI, en 1779, porta le nombre des grands-croix à 40, et celui des commandeurs à 80 ; le nombre des chevaliers était indéterminé. Trois officiers étaient chargés des détails de l’administration : le trésorier, le greffier et l’huissier. La croix de l’ordre était d’or, à huit pointes, cantonnée de fleurs de lis ; on y voyait d’un côté saint Louis, cuirassé et revêtu du manteau royal, tenant de la main droite une couronne de laurier, et de la gauche une couronne d’épines et les clous de la passion, avec cette devise : Ludovicus magnus instituit 1693 ; de l’autre côté, une épée flamboyante passée dans une couronne de laurier, liée de l’écharpe blanche, avec cette légende : Bellicae virtutis praemium. Le ruban était rouge couleur de feu ; les grands-croix, dits aussi cordons rouges, portaient la croix en écharpe, attachée à un ruban large de quatre doigts ; leur justaucorps et leur manteau étaient décorés d’une croix en broderie d’or ; les commandeurs portaient la croix en écharpe, attachée à un ruban moins large, et n’avaient pas la croix brodée ; la croix des chevaliers était attachée sur la poitrine par un petit ruban. Les grands-croix étaient choisis parmi les commandeurs, et les commandeurs parmi les chevaliers.

Quand le nouveau chevalier avait prêté serment, le roi lui donnait l’accolade et la croix. Les provisions des chevaliers, les lettres qui nommaient les commandeurs et les grands-croix devaient être présentées à l’assemblée de l’ordre, qui se tenait chaque année le jour de la fête de saint Louis.

À la fin du règne de Louis XIV, l’ordre de Saint-Louis jouissait de 300,000 livres de rente, réparties : par pensions de 6,000 livres à chacun des 8 grands-croix ; par pensions de 4,000 livres ou de 3,000 livres aux commandeurs ; par pensions de 2,000 livres à 24 chevaliers ; de 1,500 livres à 24 chevaliers ; de 1,000 livres à 48 chevaliers, et de 800 livres à 32 autres chevaliers. Les affaires de l’ordre étaient dirigées par 2 grands-croix, 4 commandeurs et 6 chevaliers, élus pour un an, à l’assemblée générale. L’édit de 1779, qui, sous Louis XVI, augmenta le nombre des dignitaires de l’ordre, ordonnait que des 40 dignités de grands-croix 30 fussent affectées aux officiers de terre et 4 aux officiers de la maison du roi ; les 6 autres étaient réservées aux officiers de marine. Des 80 dignités de commandeur, 57 étaient destinées aux officiers de terre, 8 aux officiers de la maison du roi, et les 15 autres aux officiers de marine. À cette époque, l’ordre avait 450,000 livres de revenu, dont les fonds étaient assignés sur l’excédant du revenu de l’hôtel des Invalides. Les grands-croix avaient 4,000 livres de pension ; les commandeurs 3,000, et les chevaliers depuis 200 jusqu’à 800 livres, suivant leur rang d’ancienneté et la volonté du roi. Le plus ancien des chevaliers jouissait d’une pension de 1,000 livres.

L’idée première de la création de l’ordre de Saint-Louis appartient au maréchal de Luxembourg ; son avis fut fortement appuyé par Vauban, Catinat et d’Aguesseau. L’inauguration fut faite à Versailles, en grande pompe, le 8 mai 1693.

En dehors du temps de service exigé, on pouvait être admis dans l’ordre pour une action d’éclat ; mais les sous-officiers et les soldats en étaient exclus. Sous le règne de Louis XV, le maréchal de Saxe et le maréchal de Lowendal, comprenant l’injustice de cette exclusion, voulurent la faire abroger, mais ils ne purent y parvenir. Trente ans plus tard, le maréchal de Biron remit en question le projet de ses deux illustres devanciers. Louis XVI écouta favorablement sa proposition, et elle eut même un commencement d’exécution. Le maréchal de Biron obtint que plusieurs croix de Saint-Louis fussent données à des sous-officiers du régiment des gardes-françaises dont il avait le commandement.

L’Assemblée constituante, en 1789, comprit la valeur de cette institution, puisque ce fut le seul ordre qu’elle reconnut, avec le Mérite militaire ; mais la Convention fut plus radicale ; par un décret en date du 15 octobre 1793, elle supprima l’ordre de Saint-Louis. Il fut rétabli par Louis XVIII le 28 septembre 1814. La révolution de Juillet le supprima de nouveau ; mais ceux qui en étaient décorés furent tacitement autorisés à continuer d’en porter les insignes, d’après l’article 60 de !a charte : « Tous les militaires en activité de service, les officiers et les soldats en retraite conserveront leurs grades, honneurs et pensions. »

Pendant les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, l’ordre de Saint-Louis fut très-recherché. « Un officier, qui jouissait d’une pension considérable, ayant déclaré qu’il en ferait volontiers l’abandon en échange de la croix de Saint-Louis, Louis XIV lui répondit froidement : « Je le crois bien. » À une époque postérieure, un des plus habiles officiers de l’artillerie (Villepatour), couvert de blessures et chargé de récompenses, sollicita la croix de Saint-Louis. Le ministre lui envoya le brevet d’une nouvelle pension ; il la refusa. « Par un simple calcul arithmétique, dit-il, je voudrais savoir au juste le tarif et le prix du sang que j’ai versé ; mieux vaudrait l’ignominie. » (Considérations sur l’ordre de Saint-Louis et du Mérite militaire, par le général Oudinot [Paris, 1837.])

En quinze années, la Restauration distribua 12,180 croix de Saint-Louis ; un si large usage du droit de nomination diminua la valeur de la distinction ainsi prodiguée ; à tel point, qu’après la bataille de Navarin l’amiral de Rigny, sollicitant des récompenses pour les officiers qui s’étaient distingués dans l’action, demanda des croix de la Légion d’honneur, mais pas une seule croix de Saint-Louis.