Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE-CASIMIRE, reine de Pologne, épouse de Jean III Sobieski

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1199).

MARIE-CASIMIRE, reine de Pologne, épouse de Jean III Sobieski, née près de Nevers vers 1635, morte en 1716. Elle était fille de Henri, marquis de Lagrange d’Arquien, et de Françoise de La Châtre de Brillebaut, maltresse d’hôtel de Marie-Louise de Gonzague, duchesse de Nevers. Celle-ci ayant épousé, en 1646, Wladislas IV, roi de Pologne, emmena avec elle dans cette contrée Marie-Casimire, alors âgée de onze ans, et elle la fit élever auprès d’elle. Arrivée à l’adolescence, Marie-Casimire fut, par son esprit et par sa beauté, l’ornement de la cour de Jean-Casimir. Ce fut à cette époque qu’elle inspira une violente passion au jeune Jean Sobieski, passion qu’elle partagea, du reste, mais qui resta ignorée de tous. Néanmoins, pour plaire à Marie-Louise de Gonzague, elle consentit à épouser le vieux Jean Zamojski, guerrier renommé et l’un des plus puissants parmi les seigneurs polonais. L’accord ne régna pas longtemps entre les deux époux et Zamojski mourut en 1665, après sept années de mariage, dont il avait passé les quatre dernières à l’étranger loin de sa femme. Quelques mois après cette mort, Marie-Casimire épousait son ancien amant qui, dans l’intervalle, était devenu premier ministre, grand maréchal et général de la couronne de Pologne.

C’est de cette époque (mai ou juillet 1665) que date la funeste influence de la fille du marquis d’Arquien sur les affaires de la Pologne, nous dirons même sur la destinée future de ce malheureux pays. Elle avait sur son époux un empire sans bornes, qu’elle conserva jusqu’au dernier jour. La grandeur de l’amour de Sobieski pour sa femme nous est attestée, non par des créations sorties de l’imagination brûlante des poètes, mais par des preuves en quelque sorte officielles, par les lettres de Sobieski. Dès l’instant où il vit pour la première fois l’enchanteresse, il devint à jamais son esclave. Ni l’âge, ni les fatigues de la guerre, ni les soucis de la politique, rien ne put amoindrir cet amour ; le patriote, le roi s’effacèrent en lui devant l’amant. Loin d’elle il se désolait et parfois même sa douleur se traduisait par des larmes ; le moindre caprice, un accès de mauvaise humeur de Marie-Casimire le jetait dans le désespoir, et il s’humiliait alors, tombait à ses genoux et la suppliait de lui pardonner ; pour elle, il songea un instant à renier sa patrie et à devenir Français, car Louis XIV lui offrait le titre de prince et le bâton de maréchal ; mais elle ne voulut pas y consentir : aussi prévoyante qu’habile, elle devinait que la Pologne était un champ bien plus vaste pour son ambition. Ce fut, en effet, à ses intrigues que Sobieski dut en grande partie d’être élu roi en 1674. Elle fut loin cependant de payer dignement un tel amour. Sa vie entière ne fut qu’un caprice continuel, et elle semblait prendre plaisir à tourmenter son mari pour éprouver jusqu’où allait son pouvoir sur lui. Elle l’aimait cependant, mais à sa manière ; altière et impérieuse, il lui semblait que le monde entier devait tomber à ses pieds et lui rendre hommage. Sobieski, tout dévoué, tout prêt à se sacrifier pour elle, ne comprenait pas sa manière d’aimer ; pour un de ses sourires il eût donné, tout aussi bien en l’année 1696 qu’en l’année 1665, tout ce qu’il possédait sur la terre, il eût peut-être donné sa patrie. Pour se faire une idée de cet amour, il faut lire ses lettres à sa femme, à sa bien-aimée Mariette, comme il l’appelait. Rien n’est plus tendre, plus ardent, plus passionné. Sobieski aima pendant toute sa vie ; Marie-Casimire calcula pendant toute la sienne. Toutes les fautes de ce règne retombent sur elle, car ce fut son bon plaisir qui guida le char de l’État. Louis XIV ayant refusé de donner au frère de la reine de Pologne les titres de duc et de pair, elle fit conclure une alliance entre la Pologne et l’Autriche, et élimina l’influence française. Dans le but de conserver le pouvoir lorsque son mari ne serait plus, elle s’attacha à amasser de l’argent en vendant des emplois et en abusant de l’autorité royale. Par sa conduite publique elle discrédita le pouvoir ; par sa conduite privée, par son humeur tracassière elle empoisonna les dernières années de Jean III Sobieski et s’aliéna l’affection de son fils aîné le prince Jacques. La mort de Sobieski (1696) fut l’occasion de nouvelles scènes scandaleuses. Le prince Jacques et sa mère se disputèrent le trésor royal et le pouvoir, et le cadavre de Sobieski fut exposé sans couronne et sans anneau royal, parce que le fils craignait que sa mère n’enlevât au mort les joyaux de la couronne, et celle-ci avait la même crainte à l’égard de son fils. Elle consentit cependant à soutenir l’élection de ce fils, même par la violence ; mais la diète l’expulsa de Varsovie. Après avoir inutilement tenté de faire élire roi Jablonowski, puis le neveu du roi de Bavière, Marie-Casimire se rendit à Rome, où elle tint une cour brillante jusqu’en 1714. À cette époque, ayant perdu son fils préféré, Alexandre, elle quitta Rome, se rendit en France et mourut au château de Blois. Ses restes furent transportés en Pologne.