Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE, reine de France

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1190).

MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE, reine de France, née à Madrid en 1638, morte à Versailles en 1683. Fille de Philippe IV, roi d’Espagne, et de sa première femme, Élisabeth de France, sœur de Louis XIII, elle était nièce d’Anne d’Autriche et doublement cousine de Louis XIV. Marie-Thérèse n’avait entre elle et le trône que deux enfants maladifs, ce qui explique parfaitement les hésitations de Philippe IV à la donner en mariage au jeune Louis XIV. On sait par quelle ruse Mazarin parvint à faire conclure le fameux traité des Pyrénées et à pousser l’Espagne à entrer elle-même dans ses vues. Tandis que les Espagnols faisaient les plus grands efforts pour détacher la Savoie de l’alliance française, le rusé cardinal demanda pour le roi la main de Marguerite de Savoie. La cour de France assigna à la cour de Savoie un rendez-vous à Lyon pour la fin de novembre 1658. Mais tandis que la cour de Savoie entrait dans cette ville par une porte, un des secrétaires d’État de Philippe IV y entrait par l’autre. Le roi d’Espagne offrait sa fille à Louis XIV. Sans cérémonie, on congédia la princesse Marguerite, à qui le roi promit cependant par écrit de revenir s’il n’épousait pas l’infante. Alors fut négocié le fameux traité des Pyrénées, dont le premier article fut le mariage de Louis XIV. Marie devait apporter en dot 50,000 écus d’or, payables en trois termes, et, moyennant le payement de cette somme, elle renonçait au trône d’Espagne pour elle et ses enfants. Mazarin savait fort bien que cette dot ne serait point payée et que la renonciation d’une enfant mineure pourrait être attaquée au moment opportun. Le mariage se fit à Saint-Jean-de-Luz le 9 juin 1660, et Marie-Thérèse fit son entrée à Paris au mois d’août suivant. À défaut d’autres mérites, les grâces et la beauté de cette princesse ont été célébrées sur tous les tons par les poëtes et les courtisans. Ses qualités, toutes négatives, ont été sans contredit cause de ses chagrins, de l’indifférence de son mari et de son rôle effacé, non-seulement dans la politique, mais encore dans les intrigues de cour. D’une dévotion qui ne devait être dépassée que par celle de Mme de Maintenon, elle demeura toute sa vie, dans la cour la plus brillante du monde, absorbée par les conseils de son confesseur et les souffrances que lui causaient l’abandon et les infidélités de son royal époux. Au retour d’un voyage triomphal qu’elle fit en Bourgogne et en Alsace, elle fut prise d’une maladie qu’on crut d’abord insignifiante, mais qui, mal soignée, occasionna sa mort en très-peu de temps. Le mot si connu de Louis XIV : « Voilà le premier chagrin qu’elle m’ait donné, » est peut-être le plus bel éloge de cette reine sans dignité, de cette femme sans énergie. Son oraison funèbre fut prononcée par Bossuet et par Fléchier.

Marie-Thérèse eut six enfants, dont cinq moururent avant elle ; l’aîné seul, Louis de France, lui survécut.