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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MATELOT

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1326).

MATELOT s. m. (ma-te-lo. — L’origine de ce mot est controversée. On la rapporte à mât, mast, d’où mastelot, dit Jal ; mais cela est impossible, car, dès les premiers temps, le s manque dans matelot :

Ly mathelot les voiles tendent,
Ly autres les avirons prendent.
(Histoire des trois Maries.)

Diez incline à tirer ce mot du latin matta, natte, mattarius, celui qui couche sur des nattes ; mais cela est bien peu fondé. Matelot se dit en allemand matrose, en danois matros, en hollandais matroos, et on a rapporté ces formes au hollandais maat, compagnon, anglais mate, homme). Mar. Homme qui fait partie de l’équipage d’un bâtiment : Enrôler des matelots. La reine Anne buvait comme la femme d’un matelot de sa flotte ; sa couronne, qu’elle ne jeta jamais par-dessus les moulins, lui penchait parfois sur l’oreille. (P. de Saint-Victor) Les matelots se passionnent pour leur navire ; ils pleurent de regret en le quittant, de tendresse en le retrouvant. (Chateaub.) Fierté et abnégation, audace et naïveté, haine et dévouement, prudence et témérité, tout cela réside dans le matelot et s’éveille à la moindre sensation qui l’effleure. (J. Lecomte) || Marin classé définitivement dans le cadre des hommes de mer, et qui reçoit la solde fixée par les règlements : Recevoir la paye de matelot. (Acad.) || Marin lié d’amitié avec un autre ; anciennement, Celui qui partageait son hamac avec un autre matelot, chacun des deux l’occupant à son tour : C’est mon matelot. Chaque homme d’équipage a son matelot, qu’il aime comme un frère. || Bâtiment d’une ligne de marche ou de combat, par rapport à celui qui le précède ou qui le suit. || Matelot d’avant ou Matelot de tête, Navire qui en précède un autre. || Matelot d’arrière, Navire qui en suit un autre. || Matelot du commandant, Nom donné à chacun des deux vaisseaux entre lesquels doit combattre le vaisseau amiral.

— Fig. Celui qui dirige une action, une affaire quelconque :

Laissez l’État, et n’en dites plus mot,
Il est pourvu d’un meilleur matelot.
Trévoux.

— Cost. Déguisement, ou vêtement d’enfant imitant l’habillement des matelots : Un matelot de velours noir. || Costume de carnaval semblable à celui que portent les marins.

— Ornith. Nom vulgaire de l’hirondelle de fenêtre.

— Moll. Nom vulgaire d’une espèce de coquille du genre cône.

— Adjectiv. Qui est habile marin, expert dans la science navale : Le duc del Viso, qui est brave et matelot, ne se lasse pas de dire que nous sommes heureux. (De Valbelle.)

— Encycl. Le matelot est le simple soldat de l’année navale, celui qui sert sur les bâtiments de l’État ; c’est aussi tout homme qui sert sur les bâtiments de commerce, ou même sur les barques.

Les matelots de la marine de guerre se recrutent par l’inscription maritime, les enrôlements volontaires, et au moyen d’une part du contingent de chaque année, fixée de concert entre le ministre de la guerre et le ministre de la marine. L’inscription maritime range sous la dénomination de matelots tous les marins immatriculés, c’est-à-dire ayant fait deux campagnes et non revêtus de grade, de l’âge de dix-huit à cinquante ans. Le marin qui n’a pas fait deux campagnes n’est que novice ; il n’est pas matelot, dans l’acception rigoureuse du mot. On compte environ 60,000 matelots en France.

Les articles 250 à 260 du code de commerce règlent les principales conditions des engagements des matelots avec les armateurs et les capitaines : les hommes de l’inscription maritime qui, n’ayant pas été pris pour les équipages de l’État, sont libres pour le moment, peuvent s’enrôler dans la marine marchande ; mais ils doivent répondre au premier appel, à la première réquisition des consuls et officiers ayant droit, n’importe où ils se trouvent. Quand un commerçant ou un armateur veut armer un navire marchand, il choisit un capitaine, lequel se charge d’enrôler des matelots, de terminer l’armement à sa guise : le capitaine a soin de se munir d’une feuille d’armement, espèce de passeport qu’il est forcé d’exhiber dans tous les ports. Le recrutement de la marine marchande se fait de quatre manières différentes : 1º par le louage au mois ; 2º pour une expédition convenue ; 3º au fret ; 4º au profit. Les deux premières méthodes d’enrôlement se font au moyen de simples contrats de louage ; par les deux secondes, le matelot devient, pour ainsi dire, lui-même commerçant. Il est bien entendu qu’en cas de départ, d’absence prolongée, le matelot est toujours poursuivi comme déserteur, à quelque titre qu’il se soit engagé.

Les bons matelots sont rares et précieux. Le vice-amiral Bouet-Willaumez estime que le nombre de bons matelots est presque toujours réduit, dans la composition de l’équipage d’un bâtiment, au dixième des hommes embarqués. Ce sont les maîtres de manœuvre, les seconds maîtres, les contremaîtres, quartiers-maîtres et gabiers. Ceux qui les suivent sont matelots, sans être habiles à tout ; viennent ensuite les novices qui sont à leur deuxième ou troisième campagne. Un homme ne peut pas faire un bon matelot s’il n’a pas commencé à naviguer à l’âge de quatorze à quinze ans, s’il n’est pas d’une constitution robuste, et s’il n’a pas une vocation décidée pour la mer. Ce n’est qu’au bout de plusieurs années de navigation, tant au long cours qu’au grand ou petit cabotage, qu’il peut savoir fourrer, estroper, garnir les vergues, enverguer les voiles, les serrer, prendre des ris, gréer et dégréer les vergues, mâts de perroquet, de cacatois et flèches en l’air, etc., passer les manœuvres courantes en général, enfin gréer toute espèce de bâtiments ; bien gouverner, sonder à la main, coudre et raccommoder les voiles, faire toutes espèces d’amarrages, d’épissures, de nœuds, de sangles, de paillets, du bitord, de la bignerolle, des commandes, des filets de pêche, des filets de bastingage ; goudronner, barbouiller, lancer des grenades, bien manœuvrer le canon, comme le fusil et le pistolet, et se servir des armes blanches ; en un mot, un bon matelot est un homme extraordinaire par rapport à ceux qui sont éloignés des ports de mer. C’est un homme précieux, ne se rebutant dans aucune circonstance ; les périls les plus imminents ne l’effrayent jamais ; il est intrépide dans les combats comme pendant les tempêtes. Le malheur de cette classe d’hommes, si importante dans un État qui a une marine, est d’être généralement mal appréciée, parce qu’elle est mal connue du plus grand nombre qui ne navigue pas. Le matelot a une mécanique visuelle, qu’il sait employer à propos ; il est hardi, agile, alerte, robuste, fait k la fatigue. Il affronte tous les dangers et il est l’homme le plus subordonné. Le bon matelot est propre à tout, si toutefois on sait bien le diriger, le bien conduire, c’est-à-dire s’en faire craindre et s’en faire aimer. » Le matelot est généralement religieux, et surtout superstitieux, à cause de son peu d’instruction. U n’aime pas la terre, il s’y ennuie ; il a la maladie qu’on pourrait appeler tædium terræ. Il lui faut l’océan, le ciel et l’eau. A terre, il dépense largement l’argent qu’il a gagné, qu’il a été forcé d’économiser sur le plancher de son bâtiment ; il est alors débauché et jette l’or à pleines mains. Le mot matelot a été employé comme synonyme d’ami. Autrefois chaque homme de mer se choisissait un matelot ; c’était son camarade, son frère à la vie et à la mort, son matelot. Ils étaient amatelotés. Étaient aussi amatelotés autrefois le matelot de quart de tribord et le matelot de quart de bâbord, qui se servaient alternativement du même hamac.

Dans un chantier de construction, on désigne aussi sous le nom de matelot l’ouvrier charpentier de 2e et de 3e classe qui travaille sous la conduite d’un chef ouvrier ; matelot a ici le sens de compagnon.

On nomme matelots du commandant les deux vaisseaux entre lesquels le vaisseau amiral doit combattre ; selon leur ordre de marche, l’un est appelé le matelot de l’avant et l’autre le matelot de l’arrière.

Dans une ligne de bataille, tous les vaisseaux doivent être les matelots les uns des autres.