Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MAUBREUIL (Marie-Armand, comte DE, GUERRI DE), marquis D’ORVAULT, aventurier français

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1352-1353).

MAUBREUIL (Marie-Armand, comte de Guerri de), marquis d’Orvault, aventurier français né à Maubreuil en 1784, mort à Paris au mois de juin 1868. Il appartenait à l’une des plus anciennes familles de la Bretagne et du Poitou. Sa mère étant morte en lui donnant le jour, il se trouva de bonne heure à la tête d’une grande fortune. Il avait suivi son père en émigration, mais sa grand-mère paternelle obtint que l’enfant reviendrait auprès d’elle et de son grand-oncle, le marquis d’Orvault. Il avait alors quinze ans. La Vendée était soulevée pour la deuxième fois en faveur des Bourbons ; plein d’ardeur, il se jeta dans les rangs des Vendéens, où l’on comptait déjà vingt-deux membres de sa famille. Il combattit à la tête de ces paysans aveuglés qui, fanatisés par leurs prêtres et leurs seigneurs, amis des privilèges, repoussaient avec un entêtement qualifié d’héroïsme cette bienfaisante Révolution, dont la moindre tâche était de les arracher à l’asservissement et à l’ignorance. Le jeune marquis a reconnu plus tard, dans une brochure imprimée, que la cause qu’il défendait alors n’était pas celle qui convenait à son pays. « On peut l’excuser, dit-il, de s’être trompé à son âge. » Quand la province fut pacifiée, il revint auprès de son aïeule et de son grand-oncle, qui lui firent achever en deux ans ses études.

Au commencement de l’Empire, nous le retrouvons, par les soins de Caulaincourt, placé en qualité d’écuyer et de capitaine des chasses auprès de Jérôme, roi de Westphaîie. Sa bonne mine, son luxe et ses chevaux lui valurent la faveur du jeune roi. Nommé lieutenant au 1er régiment de chevau-légers, il fit la campagne d’Espagne, sauva son colonel dans une rencontre, se signala par sa bravoure devant Alcantara, où il eut son cheval tué sous lui, et reçut la croix de la Légion d’honneur. Rappelé à la cour de Cassel avec le grade de capitaine des chevau-légers de la garde, il encourut bientôt la disgrâce du roi pour avoir inspiré de la passion à la maîtresse du souverain. Forcé de quitter le service de Jérôme par suite de cette aventure, à laquelle il ne faut pas trop se presser d’accorder une entière créance, car c’est lui-même qui s’en est fait le narrateur, il vint à Paris, encore fort riche, et se jeta dans des spéculations ayant pour but la fourniture des vivres-viandes de l’armée et les remontes de la cavalerie française. Ces entreprises compromirent en grande partie sa fortune. Pour le dédommager, on lui proposa l’approvisionnement de Barcelone et de toutes les places d’Espagne occupées par les Français. Comme payement, on lui accordait l’importation de denrées coloniales pour des sommes équivalentes à ses livraisons. Ce traité lui devait assurer des bénéfices considérables. Quoique déjà signé par le ministre de l’administration de la guerre, il fut rompu par Napoléon, qui se borna à dire : « Plus tard on indemnisera. » De ce moment date la haine de Maubreuil pour les Bonaparte. Cependant, en février 1814, alors que, témoin des malheurs que l’Empire avait fait fondre sur la France, il oubliait ses propres revers, il offrit de lever à ses frais deux escadrons de cavalerie dans les départements de l’ancienne Bretagne et de les conduire en partisans contre les alliés. Sa proposition fut rejetée ; Maubreuil se laissa de nouveau dominer par son mécontentement ; il sympathisa avec les affidés des Bourbons.

Le caractère ardent et vindicatif de cet homme, qui déjà avait fait tous les métiers, servi tous les gouvernements, ne devait pas tarder à éclater publiquement. Lorsque les alliés entrèrent à Paris en 1814, Maubreuil, ivre de joie et de vengeance, se montra en compagnie de Sosthène de La Rochefoucauld, un des hommes les plus exaltés du parti des Bourbons. Il parcourut les boulevards, vociférant contre l’empereur, et attacha même sa croix de la Légion d’honneur à la queue de son cheval. Il eut l’impudeur de prendre la tête du cortège avec ses nobles amis, qui, pour mieux saluer encore l’entrée triomphale de nos vainqueurs, imaginèrent d’abattre lu statue de Napoléon qui surmontait la colonne Vendôme. Maubreuil et Sosthène de La Rochefoucauld, attelés à des cordes passées autour du cou de la statue, allèrent jusqu’à s’attirer le mépris du grand-duc Constantin et des ennemis de notre patrie, par leurs démonstrations insensées.

Ces actes de frénésie frappèrent ce honteux Talleyrand, qui, d’abord l’âme des menées antinationales et alors le chef du gouvernement, provisoire, était sans doute en quête d’un séide qui voulût se charger d’une mission délicate. Talleyrand fit écrire à Maubreuil par Roux-Laborie, son confident intime et secrétaire du gouvernement provisoire, pour l’attirer chez lui. Un entretien eut lieu, à la suite duquel Maubreuil reçut, a-t-il déclaré plus tard, la mission d’assassiner Napoléon et ses deux frères Joseph et Jérôme, d’enlever le roi de Rome et de s’emparer des diamants et des trésors de la reine de Westphalie. Des ordres signés du ministre de la guerre général comte Dupont, du commissaire provisoire de la police générale Anglès, du directeur général des postes Bourrienne, de l’autorité militaire russe et de l’autorité militaire prussienne, datés des 16 et 17 avril 1814, enjoignirent de mettre à la disposition de Maubreuil toutes les forces militaires françaises et étrangères, les agents de l’autorité administrative, les chevaux et postillons dont il lui plairait de requérir le secours pour l’accomplissement d’une mission secrète et l’exécution des mesures qu’il prendrait « pour le service de S. M. Louis XVIII. »

C’est avec des pouvoirs aussi extraordinaires, et dont les pareils avaient été délivrés à un nommé Dassies, ex-garde-magasin de Nogent-sur-Marne, son complice, que Maubreuil, suivi de ce dernier, quitta, le 18 avril, à midi, Paris, que la reine de Westphalie avait abandonné le même jour à trois heures du matin. Maubreuil revêtit en route un uniforme de colonel de hussards et Dassies un habit de garde national. À Montereau, tous deux se présentèrent chez l’officier commandant les troupes ; ils s’annoncèrent comme aides de camp du ministre de la guerre, exhibèrent les ordres dont ils étaient porteurs, et mirent en réquisition huit mameluks et chasseurs de la garde. À la tête de ce détachement ils arrêtent, le 21 au matin, à peu de distance du village de Fossard, la princesse et sa suite, lui déclarant qu’ils sont chargés de saisir ses malles, parce qu’elle est soupçonnée d’avoir enlevé les diamants de la couronne, puis ils ordonnent aux postillons de conduire jusqu’à Fossard la voiture qui portait les caisses ou malles. En même temps Maubreuil fait demander à Montereau un second détachement de chasseurs et mameluks. La reine, reléguée dans une écurie de l’auberge de Fossard, voit ouvrir ses caisses, au nombre de onze, contenant ses bijoux, ses diamants et son or ; ces caisses furent chargées sur une patache et dirigées sur Paris, malgré ses protestations et ses pleurs. Pendant que la reine, forcée de monter en voiture, est escortée par deux chasseurs qui la laissent à deux lieues de Fossard, Maubreuil et Dassies sortent du village en calèche et rejoignent la patache sur la route. Lorsque les caisses furent ouvertes, le 26 avril, à la préfecture de police, on trouva un déficit en diamants et en bijoux évalué à deux millions de francs environ ; de plus, 84,000 francs en or avaient disparu. On retrouva une partie des diamants et bijoux dans les divers domiciles de Maubreuil, l’autre partie dans la Seine, près du pont des Invalides. La reine, dès le 21 avril, avait écrit de Villeneuve-la-Gaillarde à l’empereur Alexandre, son parent, pour l’informer du guet-apens dont elle venait d’être victime. Sur la plainte de ce dernier, le gouvernement provisoire fit arrêter Maubreuil et Dassies. Ce dernier fut mis en liberté le 10 octobre, mais Maubreuil, qui avait fini par déclarer qu’il avait été chargé de tuer Napoléon, fut traduit devant le tribunal correctionnel de la Seine, pour n’avoir pas fidèlement exécuté les ordres d’autorités militaires supérieures, puis comme accusé de vol à main armée sur une grande route. Maubreuil n’opposa, pour toute défense, que les ordres qu’il avait reçus. Le tribunal s’arrêta devant des documents aussi graves et se déclara incompétent ; Maubreuil fut en conséquence mis à la disposition des ministres, c’est-à-dire de ceux qui avaient signé les pièces dont il était porteur. Transféré à l’Abbaye et tenu au secret le plus rigoureux, il fut rendu à la liberté l’avant-veille de l’entrée de Napoléon à Paris, le 18 mars 1815. Il se retira à Saint-Germain chez le comte Danès, maire de cette ville, son ami. Quant à son complice Dassies, il se rendait au-devant de Napoléon à Auxerre, et recevait de lui le grade de colonel et un brevet d’officier de la Légion d’honneur. Saisi au bout de cinq jours par la police de Napoléon, Maubreuil fut traduit devant un conseil de guerre, qui se déclara, lui aussi, incompétent. Son affaire ayant été renvoyée devant les tribunaux ordinaires, il allait être jugé par la cour d’assises, lorsque, avec l’aide du marquis de Brosses, officier des Bourbons, qui était accouru de Gand, il parvint à fuir à Bruxelles sous un nom supposé et en prenant la qualité de marchand de chevaux. Mais à peine avait-il atteint cette ville, fort souffrant d’un coup de pied de cheval à la jambe, qu’il fut enlevé par ordre du comte de Sémalle, commissaire de Louis XVIII près du roi des Pays-Bas, et transporté à Gand, dans une chambre de l’hôtel de ville, où Maubreuil, désespéré, s’ouvrit les veines avec un éclat de verre. On le guérit, et ordre fut donné par le roi des Pays-Bas de le transférer à la citadelle de Vesel. Une lieue avant d’arriver à Tirlemont, des hommes masqués et armés mirent en fuite son escorte et l’emmenèrent. Ce fait étrange peut faire supposer qu’à la cour de Louis XVIII Maubreuil possédait des amis puissants.

La seconde Restauration étant venue modifier les choses, Maubreuil revint à Paris et y vécut ignoré, résistant à son ami Auguste de La Rachejacquelein, qui l’engageait à se réfugier en Vendée. Il se flattait d’être oublié, lorsqu’en 1816 il fut signalé à la police comme étant sans cesse occupé d’intrigues contre le gouvernement royal et comme ayant formé le projet d’enlever les princes français à Saint-Cloud. Toutefois, ce ne fut point à raison de ces faits qu’on le déféra à la justice. Le 12 janvier 1817, on distribuait à tous les députés une adresse du marquis de Brosses, présentée par celui-ci en faveur de son ami Maubreuil. Un arrêt de la cour royale intervint, mettant hors de cause et rendant à la liberté Dassies, et renvoyant Maubreuil en police correctionnelle, comme prévenu seulement d’abus de confiance. Maubreuil comparut, le 10 avril 1817, devant le tribunal correctionnel de la Seine. Il essaya de se défendre lui-même, voulut soulever le voile qui couvrait sa conduite et rejeter sur les premiers coupables l’odieux de cette singulière et ténébreuse aventure. La publicité fut interdite, et un arrêt de la cour de cassation renvoya le marquis devant la cour royale de Rouen, puis devant la cour de Douai. L’affaire était pendante, quand une main mystérieuse ouvrit au prisonnier les portes de son cachot ; et c’est ici le cas de remarquer que chaque fois que Maubreuil se trouva dans une situation critique, son évasion fut toujours favorisée. Le tribunal correctionnel de Douai ne tarda pas à le condamner par contumace à cinq ans de prison, dix années d’interdiction des droits civils, et à une amende de 500 francs, pour avoir, sous prétexte d’une mission particulière, enlevé les diamants de l’ex-reine de Westphalie. Maubreuil, réfugié en Angleterre, envoya aussitôt aux grandes puissances réunies au congrès d’Aix-la-Chapelle un écrit ayant pour titre ; Adresse au congrès d’Aix-la-Chapelle, par Marie-Armand de Guerri de Maubreuil, marquis d’Orvault, concernant l’assassinat de Napoléon et de son fils, attentat ordonné par la Prusse, la Russie et les…, dans lequel tout ce qu’il avait fait, tout ce qui lui avait été demandé, tout ce qu’il avait souffert était dévoilé. Ce factum eut un retentissement européen. Les trois grandes puissances dont les agents avaient signé les ordres de Maubreuil réclamèrent auprès du gouvernement anglais, qui répondit que « dans la Grande-Bretagne la voie des tribunaux était ouverte à tout le monde. » Le marquis, menacé d’enlèvement, tracassé par la police française, eut l’idée de solliciter alors du cabinet britannique l’autorisation de se rendre à Saint-Hélène, pour, disait-il, s’expliquer avec Napoléon lui-même. Le refus qu’il essuya lui fournit l’occasion de publier une nouvelle brochure. Enfin, privé de tout moyen de subsistance, il revint à Paris et se présenta audacieusement à la préfecture de police. On parut d’abord disposé à le laisser libre ; mais étant tombé malade et s’étant fait transporter à l’hospice Saint-Louis, il en fut enlevé pour être conduit à la Conciergerie. La, on le menace, puis on lui propose une pension de la part du gouvernement s’il consent à se retirer à l’étranger. Il accepte de se rendre à Bruxelles et d’y séjourner six mois. Passé ce délai, il revint à Paris et adressa aux Chambres une pétition dans laquelle, après avoir dénoncé les signataires des ordres de 1814, il signalait ceux qu’il considérait comme les auteurs de tous ses maux et comme les receleurs des valeurs enlevées à la reine de Westphalie, valeurs dont une partie n’était pas encore et ne fut jamais rendue à cette princesse. L’ordre du jour fut prononcé sur cette pétition, dont l’auteur fut mis une fois de plus à l’index.

Après avoir profité de la loi relative aux indemnités accordées aux émigrés et obtenu quelques avantages dans la répartition, Maubreuil alla se retirer en Bretagne, dans sa famille, et sans doute on l’y eût laissé tranquille si, décidé à provoquer un nouvel éclat, il ne se fût mis en tête d’exiger une réparation dans son honneur et sa fortune. Talleyrand était l’homme sur lequel se concentrait toute sa haine ; ce fut sur lui qu’il résolut de se venger, puisque toutes ses plaintes avaient été systématiquement rejetées, soit par les Chambres, soit par les tribunaux. Il médita de faire un affront public à celui qui, selon lui, avait causé tous ses malheurs depuis la rentrée des Bourbons. En conséquence, ayant pu se procurer un billet d’entrée pour l’église de Saint-Denis, où se célébrait, le 20 janvier 1827, un service funèbre pour le repos de l’âme de Louis XVI, cérémonie où devaient paraître les plus hauts personnages de la cour de France, il se plaça sur le passage du cortège, et quand Talleyrand parut à la suite des princes, il le renversa à ses pieds en le frappant d’un soufflet au visage. On releva le prince, que l’on crut assassiné et Maubreuil fut arrêté sur-le-champ. Traduit en police correctionnelle le 24 février, il fut condamné à cinq ans d’emprisonnement et à dix ans de surveillance de la haute police. Maubreuil interjeta appel de ce jugement et présenta une requête à l’effet de citer des témoins. Ceux-ci, grands personnages, firent en sorte de ne pas se présenter. Maubreuil, avec une violence extrême, mais où l’on trouve quelquefois l’accent de la vérité, passa en revue les hommes haut placés qui avaient dirigé le complot de 1814 et abusé de sa jeunesse pour l’entraîner dans une mission où il devait laisser repos et honneur. La cour confirma la sentence des premiers juges et ne crut pas devoir forcer Talleyrand, Roux-Laborie, le général Dupont, Anglès, Bourrienne et autres à une comparution. La même année parut une Histoire du soufflet donné à M. de Talleyrand- Périgord, prince de Bénévent, grand chambellan de Louis XVIII, par M. Marie-Armand, comte de Guerri de Maubreuil, marquis d’Orvault, et une Notice historique sur M.-A. de Guerri de Maubreuil, marquis d’Orvault, et les principaux motifs qui ont déterminé sa conduite contre le prince de Talleyrand dans la journée du 20 janvier 1827 (Paris, 1827, in-8o).

Maubreuil fut conduit à la maison centrale de Poissy. Au bout de deux ans, une de ses parentes obtint qu’il fût transféré dans une maison de santé de Paris. Sa condamnation purgée, il se trouva sur le pavé, à peu près dénué de ressources. Il adressa un mémoire aux puissances signataires des traités de 1814 ; les ministres étrangers intervinrent auprès du gouvernement de Juillet, et une rente viagère de 5,000 francs fut assurée à ce singulier personnage, autour duquel les haines commençaient à s’apaiser. Cependant M. Guizot lui enleva plus tard cette dernière ressource. Il vécut alors des libéralités de la famille de La Rochejaquelein, et chercha des distractions dans les voyages. Il visita les États-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne. L’oubli couvrit son nom ; on le crut mort. La Biographie Michaud lui donne une place comme tel ; la Biographie Didot fixe même la date de son décès en 1835. Il reparut en 1852, et réclama à Napoléon III la continuation de sa pension. Un secours annuel de 2,500 francs lui fut accordé, et personne ne songeait plus à lui, lorsque, vers la fin de septembre 1867, les journaux retentirent des diverses circonstances d’une tentative de meurtre commise sur la personne d’une marquise d’Orvault. Celle-ci avait été atteinte, dans ses appartements, de trois coups de pistolet au visage. L’assassin n’était autre que le propre frère de la victime. On ne tarda pas à apprendre que ce jeune homme était pauvre, tandis que sa sœur disposait d’une fortune importante. Était-ce la cupidité qui l’avait poussé au crime ? Voulait-il venger l’honneur de sa famille ? Quoi qu’il en soit, le 15 janvier 1868, la cour d’assises de la Seine le condamna à vingt ans de travaux forcés. Cet événement révéla que la marquise d’Orvault était la femme du héros de la fameuse affaire de 1814, Marie-Armand de Guerri de Maubreuil, marquis d’Orvault ; elle s’appelait Catherine Schumacher, fille d’un cocher de la banlieue, et avait été connue dans le monde galant sous le nom de Mme de Labruyère. Maubreuil, âgé de près de quatre-vingts ans, l’avait épousée en 1866, pour donner un nom à cette femme perdue en échange d’une vie de luxe et de repos dans un somptueux hôtel du faubourg Saint-Honoré. Son bonheur fut passager. Une demande en payement d’une somme de 35,000 francs, faite par les époux d’Orvault à un jeune vicomte, ancien amant de Catherine Schumacher, avait ouvert la porte au scandale. Ce jeune vicomte avait greffé sur son procès une demande en pension alimentaire, intentée par les parents de la marquise, moyen détourné de révéler son passé. Les époux d’Orvault avaient perdu leur procès et s’étaient vu flétrir par le ministère public (audience du 9 janvier 1868). Après le père, qui avait vu dans une association avec le débiteur de sa fille un moyen de chantage, ç’avait été le tour du frère, qui s’était promis de « faire danser la marquise. » Après plusieurs demandes d’argent, il aboutit à la tentative d’assassinat dont nous avons parié. Il n’en fallut pas davantage pour fixer de nouveau l’attention publique sur l’aventurier d’autrefois ; le nom de Maubreuil, déjà marqué d’une tache ineffaçable, jeta encore une fois, dans tout ce gâchis, un triste et dernier éclat. Abandonné par la fille Schumacher, sa femme, accablé par l’âge et par la maladie, il se réfugia à Asnières, où il méditait la rédaction de ses mémoires, après avoir introduit une demande en nullité de son mariage pour vice de forme. La mort vint enfin frapper cet homme, à qui on ne saurait refuser une énergie extraordinaire, mais qui, cédant à de mauvaises passions, avait souillé et gâté sa vie.