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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MONTMORIN-SAINT-HÉREM (Armand-Marc, comte DE), homme d’État français, parent du précédent

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 521-522).

MONTMORIN-SAINT-HÉREM (Armand-Marc, comte DE), homme d’État français, parent du précédent, né vers 1745, massacré à Paris le 2 septembre 1792. D’abord menin du dauphin, qui fut depuis Louis XVI, il devint par la suite ambassadeur à Madrid, puis commandant en Bretagne. Louis XVI l’appela à faire partie de l’Assemblée des notables tenue à Versailles en 1787 et le nomma, peu après, ministre des affaires étrangères, poste que Montmorin occupait encore au moment de l’ouverture des états généraux. En juillet 1789, il fut renvoyé avec Necker et aussitôt rappelé au ministère, par ordre, pour ainsi dire, de l’Assemblée nationale. En avril 1790, il fit paraître des observations sur le livre rouge et les calculs qui l’accompagnaient. Il resta en place en septembre, lors du renvoi de tous ses collègues, et on lui confia même par intérim le portefeuille de l’intérieur. Dénoncé à plusieurs reprises, il répondit avec plus ou moins de vigueur ou de ménagement, selon l’influence que ses dénonciateurs exerçaient sur l’esprit public. Le 17 avril 1791, il fit imprimer et envoya aux ministres près des puissances étrangères une lettre où il assurait tous les souverains de la liberté du roi et de son attachement sincère pour la nouvelle constitution. C’est de cette démarche surtout que ses amis ont prétendu le justifier, en assurant qu’il avait voulu donner sa démission, plutôt que de signer cette missive, et qu’il n’avait consenti à ajourner sa retraite que par obéissance et par dévouement pour Louis XVI. Au commencement de juin, il fut rayé du tableau des jacobins, et se vit ensuite inculpé et mandé à la barre, pour avoir signé le passeport du roi, lors du départ de ce prince pour Varennes. Mais il se lava aisément de cette accusation, en prouvant que le passe-port avait été pris sous un nom supposé et qu’il ne pouvait pas vérifier les noms de tous ceux qui en demandaient. Après avoir fait part aux puissances étrangères de l’acceptation de la Constitution par Louis XVI, il communiqua, le 31 octobre, dans un rapport à l’Assemblée, les réponses des différentes cours à cette notification. Ce rapport est d’un grand intérêt, en ce qu’il indique de quel œil chaque souverain envisageait alors la Révolution française. Montmorin parla au Corps législatif avec dignité et ne tarda pas à donner sa démission. Après sa retraite, il continua à rester près du roi, et forma, avec Bertrand de Molleville, Malouet et quelques autres, une espèce de conseil secret qui préparait, discutait ou conseillait divers plans, dans l’intention de raffermir la monarchie ; cette conduite acheva de lui attirer toute la haine des jacobins, qui l’attaquèrent, ainsi que Bertrand, comme membres du comité autrichien. Il montra assez de fermeté dans cette occasion, et poursuivit même par devant les juges de paix le journaliste Carra, qui avait répandu et accrédité cette dénonciation ; mais que pouvait-il contre des ennemis alors tout-puissants ?

Immédiatement après la journêe du 10 août, il se cacha chez une blanchisseuse du faubourg Saint-Antoine, y fut découvert et arrêté le 21, puis conduit à la barre de l’Assemblée, où il fut interrogé. Il conserva toute sa présence d’esprit pendant ce long interrogatoire, répondit d’une manière satisfaisante à toutes les questions qui lui furent faites, et ayant été ensuite conduit aux prisons de l’Abbaye, et décrété d’accusation, le 31 août, il devint l’une des premières victimes des massacres des 2 et 3 septembre. Les révolutionnaires et les royalistes ont également attaqué Montmorin. Sincèrement attaché au roi, il dut, en effet, être regardé comme un traître par les premiers, qu’il avait d’abord servis et flattés, et dut également déplaire aux autres, qui l’accusaient de s’allier avec les destructeurs de la monarchie. Bertrand de Molleville, qui l’a vu d’assez près, fait l’éloge de ses lumières et de son habileté : il blâme les « coryphées » de l’émigration d’avoir suspecté le royalisme de ce ministre, et fait observer qu’il y avait peut-être plus de courage à rester attaché à la personne du roi qu’à aller au dehors servir la cause de la royauté. M. Ferrand, dans sa Théorie des révolutions, a fait de Montmorin un portrait assez juste : « C’était un ministre faible, mais pur et honnête ; il aimait le roi et en était aimé comme un véritable ami. »