Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Montmirail (BATAILLE DE), gagnée par les Français sur les alliés le 11 février 1814

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 518).

Montmirail (bataille de), gagnée par les Français sur les alliés le 11 février 1814. Parti de Champaubert après la journée du 10 février, Napoléon avait pris la route de Montmirail, où il arriva, avec le gros de son armée, à dix heures du matin, après avoir pris la précaution de diriger un corps sur Chalons pour contenir les colonnes ennemies qui s’étaient jetées de ce côté. Déjà, le général Nansouty avait pris position avec la cavalerie de la garde et contenait, de son côté, l’armée russe du général Sacken, qui commençait à se déployer. Instruit du désastre de l’autre armée russe à Champaubert, Sacken avait quitté la Ferté-sous-Jouarre le 10 à neuf heures du soir et marché toute la nuit. Le général York avait également quitté Château-Thierry pour se joindre à Sacken. Napoléon ordonna alors au maréchal Ney de s’établir dans le village de Marchais, par où l’ennemi se préparait à déboucher. Ney y plaça la division du général Ricart, qui se défendit avec la plus rare intrépidité ; le village fut pris et repris plusieurs fois dans la chaleur de l’action.

Ayant enfin pris toutes ses dispositions, Napoléon donna l’ordre au général Friant de se porter avec quatre bataillons sur la ferme de l’Épine-au-Bois, de l’occupation de laquelle dépendait le sort de la bataille, et de l’enlever à tout prix. En même temps, le maréchal Mortier, avec six bataillons de la vieille garde, allait appuyer, à droite, l’attaque du général Friant. Sacken, qui avait également compris que la ferme de l’Épine-au-Bois formait la clef de la position, l’avait mise dans un formidable état de défense : 40 pièces de canon la protégeaient et un triple rang de tirailleurs, garnissant les haies, s’était formé en arrière des masses d’infanterie. Après s’être nettement rendu compte des difficultés, Napoléon résolut de faciliter l’attaque en faisant exécuter divers mouvements qui forcèrent l’ennemi à dégarnir son centre. Alors, le général Friant, enlevant ses quatre bataillons, se précipita avec eux sur la ferme. Son irruption fut si rapide que l’ennemi se montra tout déconcerté ; les tirailleurs s’empressèrent de se retirer sur les masses d’infanterie, qui furent aussitôt attaquées. L’artillerie cessa de tonner, mais une fusillade effroyable lui succéda. Cependant il fallait prendre un parti décisif ; car la supériorité numérique de l’ennemi lui eût infailliblement donné la victoire si on s’était borné à cette fusillade. Alors, le général Guyot se porta de la gauche de la ferme sur la droite, à la tête du 1er régiment de lanciers, des vieux dragons et des vieux grenadiers de la garde ; ces soldats d’élite, qu’aucun danger ne pouvait arrêter, se ruèrent comme un ouragan sur les derrières des masses d’infanterie, les rompirent, y jetèrent un désordre irréparable et tuèrent tout ce qui essaya de résister. Bientôt l’ennemi, enfoncé de toutes parts, se trouva dans une déroute complète. Le maréchal Mortier, avec les six bataillons du général Michel, la division des gardes d’honneur, le général Bertrand et le maréchal Lefebvre, à la tête de deux bataillons de la vieille garde, achevèrent sa défaite. Il battit en retraite de tous côtés, après avoir éprouvé des pertes immenses en hommes, en bagages et en munitions. Un silence lugubre succéda comme par enchantement au retentissement du canon et au feu roulant d’une épouvantable fusillade.

Montmirail (bataille de), tableau d’Horace Vernet, galerie de lord Hertford, Le moment choisi par l’artiste est celui où les chasseurs de la vieille garde, dirigés par le duc de Dantzig, se précipitent sur l’ennemi, dont ils font un effroyable carnage. Le baron Atthalin, général du génie, est aux côtés du maréchal et donne des ordres. Des soldats russes cherchent à se couvrir derrière un mur qu’attaquent des tirailleurs français ; un officier ennemi à cheval franchit le mur et donne à sa troupe l’ordre de se replier.

Ce tableau, peint en 1822, est un des meilleurs ouvrages d’Horace Vernet. Les principaux acteurs du drame sont groupés avec intelligence, les épisodes ont de l’intérêt. « La Bataille de Montmirail, dit Th. Gautier, saisit par une solennité mélancolique et une sévérité d’effet qui ne sont pas habituelles à Horace Vernet. Un grand nuage ouvre son envergure noire sur un ciel livide et crépusculaire ; la campagne est sombre ; quelques petits arbres découpent leurs ramures grêles sur l’horizon blafard. Au premier plan, près d’un arbre effeuillé, se dresse sinistrement une croix. »

Après avoir longtemps figuré dans la galerie particulière de Louis-Philippe, au Palais-Royal, cette peinture est devenue la propriété de lord Hertford. Elle a paru à l’Exposition de 1855. Le musée de Versailles en possède une copie peinte par Henri Scheffer.